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JPP : la fin de carrière en eau de boudin

Le match du jour entre Bordeaux et Guingamp est l’occasion d’évoquer la fin de carrière difficile de Jean-Pierre Papin, poussé sur le banc des Girondins et qui a tenté le pari d’un dernier défi à l’En Avant en 1998. Pari manqué avec un départ précipité en cours de saison après seulement 10 matchs disputés…
L’été 1998 est celui des nouveaux héros du football français. Ils se nomment Zinédine Zidane, Fabien Barthez, Thierry Henry ou Bixente Lizarazu, ils sont champions du monde, font rebasculer la France du côté des winners et ringardisent clairement la génération précédente, pourtant peut-être plus talentueuse, mais incapable de réussir avec le maillot bleu. Ce sont Cantona, Ginola ou encore Papin, figure pourtant si populaire de la fin des années 80 et du début des années 90. Jipépé, Pé-A-Pé-Un, Patator, les papinades, les cahouètes qui font ficelle, les buts d’instinct et la joie enfantine d’un gamin avec une bonne trogne, sacré Ballon d’or 1991 devant Savićević et Pančev, ses bourreaux de la finale de Coupe des clubs champions.
Un contrat à mi-temps
Il fut une époque où Papin était le meilleur buteur de la planète, le footballeur français le plus craint des adversaires et le plus populaire auprès des supporters. Mais au fil des années forcément, cette aura a baissé. D’abord parce que le joueur s’est exilé à l’étranger et a globalement merdé cette aventure Erasmus à Milan puis à Munich, expériences gâchées déjà par les blessures. Lors du titre européen de l’OM en 1993, il était dans le camp des vaincus… Puis la trentaine bien tassée, il revient en France dans la peau d’un retraité des Bleus à la carrière en pente descendante. Avec le maillot bordelais floqué des jus de fruits Waïti, il effectue un sacré beau come-back en D1 lors de la saison 96/97. La suivante, titulaire de moins en moins incontestable, il est poussé progressivement sur le banc, puis vers l’inéluctable sortie. Jusqu’à la retraite ? Pas encore tout à fait. Début juin 98, donc, alors que la France n’a d’yeux que pour le début de campagne de la bande à Aimé Jacquet, l’ancienne gloire tricolore se lance un dernier défi en signant une saison à Guingamp, tout juste relégué en D2…
« Ce sera ma dernière année. J’ai rencontré des gens qui avaient envie que je vienne, qui avaient confiance en moi et qui ont accepté des conditions familiales qu’aucun club de D1 n’aurait pu accepter » , justifie alors la nouvelle recrue de l’En Avant, qui tient à rassurer : « Je veux finir avec une saison pleine. » Autrement dit : jouer, marquer à foison et contribuer à la promotion de l’équipe. La nouvelle de cette arrivée ne passe en tout cas pas inaperçue dans un club pas aussi incontournable qu’aujourd’hui et au sein d’un vestiaire de sans-grade où les têtes d’affiche se nomment Jozwiak, Tasfaout, Bourdeau, Anselmini Patouillard, Tamazout, Coridon, Baret, le jeune Fiorèse ou le capitaine Coco Michel. « Je crois me souvenir que le président Le Graët (à l’époque président de la Ligue, ndlr) n’était pas pour rien dans cette venue » , rembobine ce dernier, qui a en mémoire les clauses bien précises du contrat de Papin à Guingamp, les fameuses « conditions familiales qu’aucun club de D1 n’aurait pu accepter » : « Il avait un emploi du temps aménagé pour ne venir à Guingamp s’entraîner qu’à partir du mercredi et jusqu’au jour de match le samedi. » Un temps libre en début de semaine pour rester auprès de sa fille handicapée, restée dans le Sud-Ouest, et s’occuper de ses lourds traitements médicaux. Si sa présence dans le patelin des Côtes d’Armor est réduite au minimum, elle impressionne tout de même ses coéquipiers. Michel : « Le meilleur goleador de France à Guingamp, c’était pas rien. On avait l’image du JPP travailleur devant le but et c’est vrai qu’il se rajoutait des séances spécifiques après les entraînements. »
« Sa marionnette des Guignols, y avait du vrai »
Mais malgré ses efforts, la star vieillissante apparaît justement de plus en plus abîmée par le poids des saisons, et son rendement s’en ressent. Ce qui a le don de l’agacer, d’autant que l’équipe peine à se réadapter à la D2 et tourne mal en ce début de saison 98/99. Début septembre, Papin menace, déjà, et lance à la presse : « On n’est pas dans le coup et si rien ne change, je préfère arrêter. Je ne suis pas venu à Guingamp pour me battre avec l´encadrement, mais le seul moyen que j´ai trouvé de me faire entendre, c´est de menacer de partir. Et je suis vraiment capable de le faire. J´ai des idées pour que ça change, mais ça risque de ne pas plaire à tout le monde. Je ferai un point à la trêve hivernale. Mon souhait le plus profond, c’est de rester. Mais pas dans ces conditions. » En cause, sa relation avec l’entraîneur Francis Smerecki, lequel ne titularise pas systématiquement sa recrue offensive, qu’il ne considère pas assez en forme. En coulisses pourtant, Coco Michel est formel, ça se passait nickel : « Il ne faisait pas du tout sa star et était très accessible. C’était quelqu’un de rigolard, franchouillard, fidèle à son image. Sa marionnette des Guignols, y avait du vrai ! Il avait su garder une âme enfantine et prenait vraiment du plaisir à jouer, mais son corps a fini par le lâcher. » Entre autres fragilités physiques, il avait ce récurrent problème à la cheville « qui lui faisait vraiment très mal » .
Dernier but face à Ajaccio, dernier match face au Mans
Finalement, fin octobre 1998, à quelques jours de ses 35 ans, Jean-Pierre Papin quitte Guingamp après un dernier match à domicile face au Mans (1-1), son dixième sous les couleurs de l’EAG. L’histoire retient qu’il aura marqué son dernier but, le troisième pour Guingamp, le 19 septembre à Ajaccio. Après 806 minutes de jeu très exactement, le constat d’échec est clair. « On a tenté un pari et on s’est trompé quelque part » , concède le président Bertrand Salomon, qui démissionne quelques semaines plus tard. Francis Smerecki, l’homme de la double montée historique vers la première accession du club en D1, quitte aussi Guingamp début février 99, remplacé par Guy Lacombe, lequel assurera une 7e place en fin de saison et la remontée la suivante. Le court épisode Papin à l’En Avant aura eu le mérite de provoquer un vaste changement au sein du club pour lui faire démarrer un nouveau cycle. Quant au capitaine Coco Michel, il préfère ne garder que de bons souvenirs de cet éphémère coéquipier : « Je me rappelle que j’avais eu une pubalgie à ce moment et il avait fait venir spécialement pour moi son kiné personnel pour me soigner. Il était comme ça, Jean-Pierre… » Le cœur sur la main et la cheville en morceaux.
Par Régis Delanoë