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« J’ai voyagé dans des pays où on l’on ne va jamais »

Propos recueillis par Florian Lefèvre
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À la tête du club dijonnais depuis 2012, Olivier Dall'Oglio 
a mené l'opération remontée en Ligue 1 avec succès. La saison prochaine ? « On veut faire du jeu », prévient-il. D'Alès à la Corée du Nord, en passant par les Beaux-arts et le commissariat de Dijon, l'entraîneur se raconte.


Quand vous est venue cette vocation d’entraîneur ?À 17 ans, j’encadrais déjà des jeunes dans le cadre de stages d’été, ça m’avait bien plu. J’ai passé mes diplômes assez tôt – c’est un sacré cursus. En tant que joueur, ma fin de ma carrière est arrivée plus tôt que prévu. J’ai eu quelques hésitations, l’environnement du foot ne me plaisait pas trop. J’ai eu l’opportunité de revenir à Alès, là où j’ai grandi. J’y ai entraîné l’équipe réserve (en DH), et je me suis pris au jeu. Je voulais d’abord me diriger vers les jeunes. J’ai rejoint le Nîmes Olympique en tant que responsable de la formation, et après c’est parti… 
Qu’est-ce qui vous a fait hésiter ?Avec le recul, j’ai connu une fin de carrière délicate. À 32 ans, j’arrivais en fin de contrat à Rennes. En avril, je me pète les croisés à Nice. J’ai essayé de revenir, mais j’ai perdu une année. Tu tombes assez vite dans l’oubli, dans l’anonymat. Dans le milieu du foot, on rencontre des gens exceptionnels et parfois, c’est plus compliqué… En fait, j’aime tellement le jeu que c’est revenu, j’ai fait abstraction de cette fin de carrière difficile pour revenir plus bas. Après Nîmes, en 2007, je fais une pige à l’ESTAC avec Jean-Marc Furlan, je m’occupais de l’équipe réserve. Et puis, je rejoins Dominique Bathenay aux Émirats arabes unis, une expérience assez courte mais intense.

Vous vous attendiez à ce que vous avez vécu là-bas ? Je partais dans l’inconnu ! En plus, sur une sélection, c’est différent. Un jour, Bathenay m’appelle. On se connaissait depuis l’époque où il entraînait le Nîmes Olympique quand j’étais responsable du centre de formation. Il était adjoint de Bruno Metsu. Metsu partait au Qatar, il reprenait la sélection et avait besoin d’un adjoint français. Du jour au lendemain, je débarque là-bas. Une culture totalement différente. Pour moi, c’était une totale découverte et une nouvelle manière de travailler : il faut faire avec la religion (les prières), la chaleur, on ne peut pas s’entraîner à n’importe quelle heure. Mais c’est le propre de l’entraîneur, il faut s’adapter.

À Dijon, on a travaillé sur la proximité administratif-formation-professionnel. Les structures étaient cloisonnées, ça ne me plaisait pas trop. Alors on a ouvert les portes, les fenêtres. On se parle, c’est bien mieux que de s’envoyer des mails.

Vous vous en accommodiez, de cette expérience ? À Dubaï, la vie n’est pas désagréable. (Rires) C’est une découverte. Ma famille m’a suivi deux mois après. C’est très intéressant comme expérience, notamment pour ma fille qui était adolescente. Ça nous a ouvert l’esprit. J’ai voyagé dans des pays où on l’on ne va jamais. On avait un Airbus privé tout neuf affrété par les Émirats. Arriver en Corée du Nord avec les EAU en tant que Français, c’est spécial ! De là-bas, on est directement allé en Arabie saoudite, qui n’est pas non plus un pays très ouvert. Malheureusement, les résultats ne suivaient pas, on n’a pas réussi à se qualifier pour la Coupe du monde (en Afrique du Sud, ndlr).

Vient ensuite Dijon, vous avez d’abord été l’adjoint de Patrice Carteron. Vous reprenez ensuite l’équipe à l’issue de la relégation en Ligue 2, en 2012. Ce n’est pas délicat de succéder à celui avec lequel on travaillait ? Avec Patrice Carteron, on a joué ensemble au Stade rennais. Il avait besoin d’un prête-nom, comme il passait ses diplômes. Il a pensé à moi. Je l’ai rejoint lors de sa deuxième année, en 2010. Patrice a fait du bon travail, on est monté en Ligue 1. L’année de la L1, le coach et le président m’ont demandé de prendre en main le centre de formation. La saison a bien commencé et puis c’est parti dans tous les sens, comme une coquille de noix sur la mer. Il y a eu la démission du président, Patrice a été débarqué en fin de saison. On l’oublie, mais quand Dijon a été relégué, le club a failli disparaître à cause de gros soucis financiers. Et puis cela s’est fait naturellement : je connaissais tout le monde, j’avais quelques idées, j’ai soumis un projet pour reconstruire avec des gens qui étaient déjà au club. On est reparti avec un jeune président qui m’a fait confiance et laissé le temps.

Quatre ans plus, comment pourrait-on définir l’identité que vous avez imprégnée au DFCO ?L’idée, c’était de prendre des gens qui aimaient le club : Stéphane Jobard, Laurent Weber, Sébastien Larcier, Sébastien Pérez… On a travaillé sur la proximité administratif-formation-professionnel. Les structures étaient cloisonnées, ça ne me plaisait pas trop. Alors on a ouvert les portes, les fenêtres. On se parle, c’est bien mieux que de s’envoyer des mails. La première idée, c’était l’état d’esprit : à chaque fois qu’on a recruté, on s’est renseigné sur le joueur au-delà du talent. Mais il fallait qu’on soit performants. La première année, il y avait beaucoup de contrats, des joueurs qui ne souhaitaient pas rester. C’était le plus dur.

Après être passé pas loin (7e en 2012-13, 6e en 2013-14, 5e en 2014-15), la montée s’est enfin concrétisée. Comment avez vous vécu cette saison de l’intérieur ? Les garçons s’en souviendront à vie. La montée n’était pas tout à fait programmée – l’été dernier, le président avait dit sur les deux ans. On évolue avec beaucoup de jeunes joueurs, de joueurs venus du monde amateur. Quand on se frottait à Nancy ou Angers, on voyait que c’était compliqué. Donc on a pris des joueurs expérimentés comme Quentin Bernard ou Frédéric Sammaritano. On n’était pas sûr que ça fonctionne avec le reste du groupe, mais on a senti une bonne osmose dès le stage d’avant-saison, une cohésion, de la complicité rapidement. On a fait aussi des paris comme Christopher Jullien, qui s’était un peu perdu en Allemagne. Toutes ces petites victoires nous ont permis de former une équipe solide capable de marquer des buts. Loïs Diony, Jordan Marié, Johan Gastien ont confirmé. Le plus dur a été de rester en haut. On nous prédisait un mois de janvier terrible comme la saison précédente, finalement c’est à ce moment-là qu’on a pris le plus de points. On a aussi un public magnifique. Dijon, c’est une ville sportive, mais il n’y a pas que le foot. Là, on est obligé de construire d’autres tribunes pour faire plus de places ! (La livraison de la tribune Est est prévue pour 2017-18, ce qui portera la capacité du stade Gaston Gérard à 16 000 places, ndlr.)

Ma philosophie à moi, c’est de faire progresser un joueur, qu’il ait 18 ou 35 ans – ça peut être mentalement. J’ai eu une carrière de joueur assez modeste, mais j’ai vécu pas mal de choses. Christopher Julien par exemple, ce n’est plus le même joueur qu’il y a un an. On en est fiers.

Comment préserver cette osmose face aux nouvelles sollicitations dont font l’objet les joueurs ? Ce n’est pas toujours simple. Même s’il ne sont pas devenus des stars, les joueurs sont sortis de l’anonymat de la L2, ils ont pris plus de valeur. Le plus dur pour nous, c’est de gérer les joueurs en dehors du club, parce qu’on ne maîtrise plus rien avec les agents, etc. On s’attelle à un travail de prévention auprès des joueurs : on les connaît, ils connaissent le club, c’est aussi leur intérêt de rester. Bien sûr, l’aspect financier entre en jeu. Christopher Jullien voulait rester, mais quand il est sollicité par Toulouse, on ne peut pas lutter au niveau du salaire, et on est très contents pour lui qu’il rejoigne le TFC.

En tant que joueur, vous êtes monté en D1 avec le Racing Strasbourg (1992) et le Stade rennais (1994). Ça vous a servi en tant qu’entraîneur ? Oui, ça m’a aidé. Il faut une grosse rigueur et être régulier dans l’effort. On ne peut pas rigoler avec l’entraînement. C’est une ligne de conduite à garder : repos, diététique, solidarité entre les gars, certains jouent 31 matchs, d’autres 10, mais à la fin, tout le monde est content. Dès que je sentais qu’on était un peu en difficulté, on communiquait. Mais on a réagi après chaque défaite.

Selon Frédéric Hantz, « en Ligue 2, c’est l’entraîneur qui fait la qualité de l’équipe. Et en Ligue 1, ce sont d’abord les joueurs » . Vous êtes d’accord ? Moi, je pense que ce sont les deux. En Ligue 1, il y a des joueurs capables de fulgurances, qui font basculer un match. L’exigence est différente. Les jeunes s’adaptent plus à la L1. Cette saison, j’intègre deux joueurs de 19 ans du groupe de CFA, ça va prendre un peu plus de temps. Ça reste un travail staff/équipe. Ma philosophie à moi, c’est de faire progresser un joueur, qu’il ait 18 ou 35 ans – ça peut être mentalement. J’ai eu une carrière de joueur assez modeste, mais j’ai vécu pas mal de choses. Christopher Julien par exemple, ce n’est plus le même joueur qu’il y a un an. On en est fiers.



Comment appréhendez-vous cette saison en Ligue 1 ?Il nous faudra du courage de l’abnégation et de la qualité dans le jeu. On veut faire du jeu, du spectacle. On a une philosophie, on va s’y tenir. On ne va pas changer au premier coup de vent. On est plutôt habitués à gagner, notamment à domicile. Là, on va s’habituer à autre chose. Il ne faudra pas paniquer si on ne gagne pas pendant trois matchs, ça peut arriver. D’un autre côté, en prendre quatre ou cinq chaque week-end, ça ne m’intéresse pas. Donc il faut trouver un bon équilibre entre la solidité et le jeu.

En fait, quand on est pris dans les mailles de la justice, on n’est rien.


Vous aimez le dessin et la peinture, ça vous sert dans votre métier ?Oui, quand on est passionné, on a vite fait de ne faire que ça. Entre internet, les matchs, les émissions… si on veut, on peut être immergé foot 24/24. Mais je ne pense pas que ça soit une bonne chose. Moi, je gribouille, je m’inspire de la vie de tous les jours. Quand j’étais jeune, j’ai eu l’occasion de faire quelques cours aux Beaux-Arts. J’aime tout ce qui est art contemporain, j’aime bien le street art, la créativité, ça me permet de m’évader. Quand j’avais un peu plus de temps, je réalisais des tableaux pour m’amuser – je les donne à mes amis, ma famille. On est d’abord des hommes.

Vous branchez les joueurs sur la peinture ?

Je ne les emmerde pas trop non plus. (Rires) Mais je crois qu’il y a des joueurs qui sont plus ouverts qu’on ne le croit. Je connais bien Olivier Dacourt, qui tient des galeries.

En 2014, vous avez connu un événement particulier : la brigade financière débarque chez vous à l’aube, vous êtes embarqué au poste (pour être interrogé dans le cadre de l’affaire des matchs présumés truqués de Nîmes Olympique)…6h du matin, on vient sonner chez vous. C’est particulier. J’ai pris une heure pour comprendre ce qu’ils voulaient. Des matchs truqués ? « Mais je ne parie pas, moi. » « On a cité votre nom dans des conversations téléphoniques. » Un match contre Nîmes que j’aurais dû perdre… mais que nous avions gagné 5-1 (25 avril 2014, ndlr) ! On m’a dit : « Oui, mais c’est pas aussi simple. » Il fallait que j’explique pourquoi une personne que je connaissais avait parlé de moi. En une matinée, j’ai tout expliqué. Mais le juge avait décidé que toutes les personnes devaient être interrogées en même temps et ils ne trouvaient pas certains dirigeants nîmois. Alors, je devais rester à disposition de la justice. Je pensais rentrer chez moi le midi, puis l’après-midi…



Mais vous dormez au commissariat… Et je suis sorti le lendemain soir. Pendant ce temps, personne ne pouvait me voir, ni me téléphoner. Ce n’est pas facile pour la famille. Au niveau médiatique, on m’accusait de plein de choses, moi je débarquais. Mais quand je suis sorti, personne ne m’a demandé d’explications, alors qu’il n’y avait absolument rien (aucune charge n’a été retenue contre lui, ndlr). J’ai eu le temps de voir comment fonctionnait la police, j’étais surveillé, mais je circulais dans les bureaux. Ma grande chance, c’est d’avoir gagné ce match 5-1. Si jamais j’avais perdu ce match – ça peut arriver hein ? « Vous auriez été embêté » , m’a-t-on répondu. Si j’avais mis mon avant-centre sur le banc ? « On se serait posé des questions. » Je me suis trouvé chanceux, et puis le club a été solidaire. En fait, quand on est pris dans les mailles de la justice, on n’est rien. Je me mets à la place du président de Caen, Monsieur Fortin. (Jean-François Fortin a été mis en examen pour « corruption active et passive en lien avec des manifestations sportives donnant lieu à des paris sportifs » , avant d’être disculpé en 2015, ndlr.) La vie peut basculer très rapidement. Tout ça pour quelques dirigeants un peu tordus, qui parlaient plus qu’ils n’agissaient d’ailleurs.

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Propos recueillis par Florian Lefèvre

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