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Interdit de stade pour une photo
Fidèle supporter du LOSC, Maxime a essayé de fêter le doublé coupe-championnat de son club fétiche en prenant une photo sur le terrain du Stadium. Il a eu des problèmes.
30 mai 2011, dernier match de la saison au Stadium de Villeneuve d’Ascq pour le LOSC qui reçoit Rennes. Le titre de Ligue 1 en poche, c’est fête et feu d’artifice dans le Nord, d’autant que les Lillois s’imposent 3-2, ultime signe de leur mainmise sur une saison où ils ont également raflé la Coupe (la vraie, pas celle de la Ligue). Les Dogues Virages Est (DVE) donnent du tifo et de la voix en l’honneur d’un doublé historique. Pour éviter tout débordement d’enthousiasme sous forme d’envahissement de terrain, un long cortège de stadiers se déploie avant la fin du match devant la tribune des DVE. Objectif affiché des dirigeants du LOSC : éviter à tout prix la situation de 2009, où près de 500 supporters avaient fêté sur la pelouse la qualification lilloise en Europa League (tout ça pour que le club ne joue pas cette compétition à fond…). « Évidemment, on avait pris des mesures, on voulait absolument éviter l’invasion parce que c’est dangereux pour les personnes et les équipements » , explique Didier de Climert, directeur général adjoint du LOSC.
Photo souvenir et garde à vue
A la fin du match, après les longs remerciements des joueurs et le feu d’artifice, le Stadium se vide lentement. Maxime et ses amis descendent en bas de la Tribune Nord. « On s’est quand même dit que ce serait dommage de pas aller sur la pelouse pour faire une photo souvenir. Il n’y avait plus personnes sur le terrain. C’est vraiment le caractère exceptionnel du match qui nous a poussés à y aller » , raconte Maxime. Ils étaient cinq dans la tribune, ils ne sont plus que deux sur le terrain : « Maxime et Benjamin ont sauté une demi-barrière puis la fosse et ont été jusqu’au poteau de corner avant d’être interpellés brutalement par les stadiers » , témoigne Clément, un membre du club des Cinq. Les deux envahisseurs n’ont même pas le temps de prendre la fameuse photo. Ils sont immédiatement bloqués par les stadiers encore présents sur le terrain et transportés manu militari à l’extérieur de l’enceinte. « On pensait les retrouver à la sortie du stade » , poursuit Clément. Maxime aussi pensait en être quitte pour une expulsion musclée du Stadium. Mais le LOSC ne l’entend pas ainsi : « Sur ce genre de phénomène qui peut rapidement devenir incontrôlable, notre position, c’est l’intransigeance » , indique Didier de Climert. « L’incursion sur le terrain a duré 30 secondes, on était calmes, pas ivres, mais les stadiers nous ont amenés aux forces de l’ordre, direction le commissariat et puis l’officier de police judiciaire nous a signifié notre garde à vue. Le lendemain, on recevait un rappel à la loi pour notre acte » , explique Maxime.
L’euphorie post-titre des Dogues, Maxime et Benjamin ne la goûteront pas longtemps. Un mois plus tard, ils reçoivent une lettre du préfet du Nord, indiquant son intention d’interdire de stade les deux supporters pour une durée de 12 mois. « J’avais quelques jours pour présenter mes observations orales et écrites, ce que j’ai fait, précise Maxime. J’ai également adressé une lettre à Monsieur le Préfet, où j’expliquais que je regrettais ce que j’avais fait. J’insistais sur le fait que, n’ayant commis aucune violence ou aucun trouble à l’ordre public, je ne pensais pas mériter une interdiction de stade aussi longue. Mais ils n’ont pas tenu compte de mes remarques » .
12 mois de pointage, merci la Loppsi 2 !
Le 1er septembre, une interdiction administrative de stade (IAS) de 12 mois tombe pour Maxime et Benjamin « pour des faits de troubles du déroulement d’une compétition en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive et de troubles à l’ordre public à l’occasion d’une manifestation sportive » . Plusieurs témoins assurent pourtant que le terrain était vide à ce moment-là. « En aucun cas je n’ai voulu mettre en danger la sécurité des personnes ou des biens ni perturber le match ou les festivités d’après-match et à aucun moment je n’ai fait preuve de violence ou d’irrespect envers les stadiers ou les agents de police » , proteste Maxime qui trouve la sanction disproportionnée. « C’était au mois de mai, je ne savais même pas que je tombais sous le coup de la Loppsi 2 » .
Depuis le 16 mars 2011, dans le cadre de la nouvelle loi sur la sécurité intérieure, les IAS ont été portées de 6 à 12 mois (et 24 mois en cas de récidive). Cette mesure de police administrative, à l’origine exceptionnelle, est devenue une règle qui s’applique de la même manière selon qu’on se rende coupable d’actes de violences, de tentative d’introduction d’un fumigène ou de pénétration sur le terrain. Trois actes qui n’ont pourtant pas grand-chose en commun. « Aujourd’hui, aller pointer au commissariat deux fois par match pendant les rencontres du LOSC et plusieurs fois par semaine avec la Ligue des Champions, je trouve ça pire qu’un contrôle judiciaire alors que mon acte n’est quand même pas si grave » , déplore Maxime. « C’est vrai que ça peut paraître disproportionné si on se réfère à la version du supporter, mais c’est l’application de la loi et ces deux supporters ont agi de manière irresponsable » , tranche le directeur général adjoint du LOSC. En réponse à nos demandes, la préfecture du Nord s’est contentée de confirmer les faits reprochés à Maxime et la sanction d’une IAS de un an prise à son égard, conformément à la législation en vigueur. En revanche, nous n’avons pu obtenir d’avis sur cette décision.
Fidèle du Stadium depuis six ans, Maxime a envoyé un courrier au médiateur de la République. « Si je n’obtiens pas de réponse, je déposerai une requête au tribunal administratif » . Une démarche longue et coûteuse. En attendant, samedi soir, Maxime sera au commissariat pendant que Lille affrontera Sochaux. Et ce n’est pas sûr que la police ait Orange Sports…
Anthony Cerveaux, avec Quentin Blandin
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