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Infantino, touche pas à notre foot

Par Clément Gavard
5 minutes
Infantino, touche pas à notre foot

Dans un entretien accordé à la Gazzetta dello Sport lundi, le jour de son cinquantième anniversaire, Gianni Infantino a lancé une réflexion : et si la crise sanitaire permettait de réformer le foot ? Une bonne dose d'hypocrisie de la part du président de la FIFA, qui s'est visiblement décidé à tuer l'intérêt des plus belles compétitions depuis le début de son règne.

Il fut une époque, pas si lointaine, où Gianni Infantino ne dérangeait pas grand monde. Son nom ? Inconnu au bataillon. Pour le grand public, il était juste le chauve rigolo des tirages au sort, un mec à la tronche marrante qui faisait son apparition au moment de découvrir les affiches des compétitions de l’UEFA. Une belle époque. En 2016, tout a changé : Infantino a profité de la suspension de Sepp Blatter pour sortir de l’ombre, devenant le nouveau président de la FIFA. Depuis, tout le monde connaît son nom et ses idées saugrenues. Et même le jour de son cinquantième anniversaire, le Suisse a trouvé le moyen d’être détestable en étalant toute son hypocrisie en pleine crise sanitaire lors d’un entretien accordé à la Gazzetta dello Sport. « Nous pouvons peut-être en profiter pour réformer le football en faisant un pas en arrière, suggère Infantino dans l’interview publiée ce lundi. Avec des formats différents. Des tournois plus réduits, peut-être moins d’équipes, mais plus d’équilibre. Moins de matchs pour protéger la santé des joueurs. » Bonne vanne, Gianni.

L’ennemi du foot

Il faut se pincer pour y croire : Infantino propose donc des compétitions plus équilibrées, avec moins de matchs et moins d’équipes. Des paroles en l’air, évidemment, prononcées par un homme plus occupé à démolir les tournois internationaux les plus prestigieux pour remplir les caisses qu’à se soucier de la santé des joueurs. Avant d’arriver sur le devant de la scène, le juriste italo-suisse, homme de confiance de Michel Platini, avait annoncé la couleur en portant fièrement le projet d’un Euro à 24 équipes, qui a fini par voir le jour en 2016. Une première aberration. Et une autre quelques mois après le début de son premier mandat à la tête de la FIFA : une Coupe du monde élargie de 32 à 48 équipes dès 2026. Une insulte au foot.

« On peut penser à une Coupe du monde à 48 équipes qui serait en fait un format à 32 équipes, car on a vu que le format idéal, c’est 32 équipes, baragouinait-il au moment de présenter sa réforme en 2016. L’idée serait que les 16 meilleures équipes issues des qualifications se qualifient directement pour la phase de groupes et que 32 autres équipes disputent un match de barrage pour qualifier chaque vainqueur. » Plus d’équipes, plus de matchs, plus de problèmes et plus d’argent pour moins d’intérêt. Dans son étude de faisabilité, la FIFA se frottait les mains en estimant les revenus supplémentaires en droits télé, marketing et billetterie entre 300 et 400 millions de dollars. Une histoire de gros sous, donc, et une jolie manœuvre politique de la part d’Infantino, qui n’a pas encore réussi à faire passer sa nouvelle idée lumineuse : une Ligue mondiale des nations, sur le modèle de celle européenne, qui se déroulerait tous les deux ans, façon mini Coupe du monde. Au secours.

Le Mondial des clubs à 24 : la foire aux inégalités

Et ce n’est pas tout : après avoir commencé à détruire un peu plus le foot des sélections, Infantino et la FIFA veulent désormais s’attaquer à celui des clubs, quitte à se mettre l’UEFA et d’autres instances à dos. Cette fois, le Suisse a décidé de réformer le confidentiel Mondial des clubs, qui se déroule dans un certain anonymat à la fin de l’automne chaque année, pour en faire une machine de guerre. L’idée : une compétition à 24 équipes (dont huit européennes), qui se déroulerait tous les quatre ans en été, dont la première édition devait se passer à Pékin du 17 juin au 4 juillet 2021. « On verra si la nouvelle formule aura sa première édition en 2021, 2022 ou 2023 » , assure Infantino, obligé de s’adapter après le report de l’Euro et le chamboulement provoqué par la pandémie actuelle. Mais alors, pourquoi cette énième réforme ? « Selon moi, il faudrait une cinquantaine de clubs de tous les continents plus ou moins au même niveau, expliquait le boss de la FIFA en décembre au Qatar. Si nous voulons développer le football dans le monde entier – et c’est la raison d’être de la FIFA – c’est une question à laquelle nous devons réfléchir. La nouvelle Coupe du monde des clubs s’inscrit dans cette logique. »

Comprendre, Infantino assume son ambition hégémonique sur la planète foot : la FIFA doit tout contrôler. Elle veut tout contrôler. D’après les informations du New York Times, l’instance dirigeante du foot mondial chercherait à proposer un prize-money de 920 millions d’euros pour cette nouvelle compétition afin de séduire définitivement les meilleurs clubs européens. Pire, la FIFA voudrait structurer la Coupe du monde des clubs sous le statut de co-entreprise, permettant aux clubs concernés de devenir actionnaires et décisionnaires du tournoi. Plus d’argent pour les plus riches, et plus de pouvoir pour les clubs les plus puissants. Un jeu dangereux qui risquerait de porter atteinte à l’équité et à la compétitivité sportive des coupes d’Europe, déjà mises à mal depuis plusieurs années. Un peu jalouse, l’UEFA a déjà imaginé une idée loufoque pour répliquer, prouvant qu’elle savait aussi faire des propositions à la con : une Ligue des champions estivale. Au nom de la mondialisation, le foot est encore amené à se transformer, il paraît qu’il faut l’accepter. Mais en cette période de manque, il y a ce paradoxe : l’overdose n’a jamais été aussi proche. Non, le chauve des tirages au sort ne fait vraiment plus marrer personne.

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Par Clément Gavard

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