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Gerónimo Rulli, le calme olympien

Par Thomas Broggini, à Buenos Aires 
7 minutes

Nouvel homme fort de l’OM version De Zerbi, l’imperturbable gardien argentin de 32 ans s’est construit sans faire de bruit, de sa ville natale de La Plata jusqu’au Vélodrome. Portrait du double angélique d’Emiliano Martínez.

Gerónimo Rulli, le calme olympien

Il se souvient du ciel gris, de la pluie qui n’en finit plus et d’un « grand mec » à la zénitude contagieuse. C’est en 2009 à La Plata, 60 kilomètres au sud-est de Buenos Aires. Leandro Cortizo observe une banale séance d’entraînement au centre de formation d’Estudiantes. Le spectacle pique les yeux. Heureusement, entre les passes vendangées et les glissades, un jeune fait des étincelles sous le déluge. « On aurait dit qu’il était insensible aux perturbations extérieures, rejoue le technicien seize ans plus tard. Je venais d’arriver au club et c’était donc la toute première fois que je le voyais. Ça m’a marqué. Sa sérénité, sa technique et son physique étaient vraiment impressionnants. Ça rejaillissait sur toute l’équipe. C’est toujours facile de refaire l’histoire après coup, mais j’ai tout de suite pensé qu’on tenait là un gardien taillé pour le plus haut niveau. »

Il n’est pas exubérant, mais il transmet un sentiment de grande sécurité à ses coéquipiers. C’est un gardien qui te fait gagner des matchs.

Leandro Cortizo, entraîneur des gardiens d’Estudiantes

Gerónimo Rulli a 16 ans. Il ne s’est pas endurci sur les potreros (terrains vagues) du coin, n’est pas du genre à gesticuler dans tous les sens ou à chambrer ses adversaires et n’est pas non plus annoncé comme le futur grand crack de l’Albiceleste à son poste. Il ne passera d’ailleurs jamais par les catégories de jeunes de la sélection. Bref, il est alors bien difficile d’imaginer la suite : la Ligue Europa remportée avec Villarreal en 2021, la Coupe du monde 2022 puis la Copa América 2024 comme remplaçant du terrible Emiliano Martínez, le statut de nouveau chouchou du Vélodrome , de spécialiste des penaltys (3 arrêts consécutifs sur cet exercice) et de meilleur gardien de Ligue 1 après six mois idylliques à l’OM… Mais son talent et sa personnalité ne passent pas inaperçus pour autant dans la ville de 770 000 habitants nichée sur les bords du Río de la Plata.

La force tranquille et la lettre à Chilavert

Aujourd’hui en charge des gardiens de l’équipe première d’Estudiantes, en Primera División, Leandro Cortizo développe. « Il a toujours été sérieux, professionnel, observateur, respectueux et à l’écoute, énumère le formateur. Des ingrédients essentiels pour réussir. Ce qui le différencie des autres, c’est surtout son incroyable tranquillité, qui lui permet de garder sa lucidité dans les moments chauds ou quand il fait une erreur, ce qui ne lui arrive pas très souvent. (Rires.) Il n’est pas exubérant, mais il transmet un sentiment de grande sécurité à ses coéquipiers. C’est un gardien qui te fait gagner des matchs. Et une excellente personne sur le plan humain. » Ceux qui l’ont vu grandir en Argentine le dépeignent d’ailleurs avec les mêmes mots : « Humble, travailleur, affectueux, simple, persévérant… » Des traits de caractère qu’il tire d’une maman institutrice, d’un papa éducateur dans le foot et d’une institution historique, Estudiantes, « qui t’inculque le respect, le sacrifice et la valeur des efforts », synthétise Sergio Gurrieri, jadis coordinateur des catégories juvéniles chez les Pincharratas. Le club argentin ne trône plus sur le foot sud-américain, mais il continue de fabriquer des talents et de fasciner. « Quand tu débarques ici, on te parle des quatre titres en Copa Libertadores (1968, 1969, 1970, 2009), de la Coupe intercontinentale (1968), de Carlos Bilardo… C’est un héritage dont il faut être à la hauteur », glisse l’ex-attaquant.

Relance à la sud-américaine, époque Real Sociedad (décembre 2015).
Relance à la sud-américaine, époque Real Sociedad (décembre 2015).

Fils unique, écolier sans souci, Gerónimo pousse dans un quartier de la classe moyenne situé à quelques rues de l’hippodrome de La Plata. Le ballon est sa vie, le stade d’Estudiantes sa « deuxième maison » et le fantasque José Luis Chilavert son idole de jeunesse, comme le seront plus tard Petr Čech et Gianluigi Buffon. Un jour, il rédige même une lettre pour dire son admiration au loco paraguayen. Rulli, lui, n’a rien d’un loco : pas de coups de folie, rarement surpris à se lancer dans une sortie kamikaze ou une partie de trashtalk. « Ce n’est pas le type de gardien nerveux qui va gueuler sur ses coéquipiers pendant tout le match, complète Martín Zuccarelli, l’entraîneur qui l’a lancé chez les professionnels à Estudiantes. Il est sobre, fiable, régulier, bon sur sa ligne, précis au pied. Très complet, en fait. » Ne comptez pas non plus sur lui pour déstabiliser ses rivaux à la façon de Dibu Martínez, dont il est une sorte d’antithèse. « Chacun son style et son tempérament », balaye Leandro Cortizo, qui préfère souligner « l’excellente lecture du jeu » de Rulli plutôt que de comparer les deux champions du monde, tous deux âgés de 32 ans.

Superman, zones de guerre et alfajores

« Gerónimo joue gardien depuis tout petit, c’est vraiment une vocation chez lui, témoigne Leandro Gatelli, son ancien éducateur dans le club amateur de La Curva de Ensenada, en banlieue de La Plata. Ici, on l’appelait Superman parce qu’il était invincible et volait dans sa surface. Et ce n’était pas toujours facile parce que nos terrains étaient dans un état si désastreux qu’ils portaient des noms de zones de guerre, genre Kaboul. (Rires.) » Le môme n’aime pas courir, mais il pige vite quoi faire pour réaliser son rêve. « Son père l’a modelé, insiste le coach. Il n’a jamais été officiellement son entraîneur, mais ça reste son mentor. Je me rappelle qu’il disposait des alfajores (gâteaux argentins typiques, NDLR) aux quatre coins du terrain et que Geró devait les atteindre avec le ballon en dégageant du pied. S’il y parvenait, ils étaient pour lui. Tu comprends pourquoi il est si à l’aise techniquement aujourd’hui. (Sourire.) »

Son père disposait des alfajores aux quatre coins du terrain, et Geró devait les atteindre avec le ballon en dégageant du pied. S’il y parvenait, ils étaient pour lui.

Leandro Galetti

Aussi talentueux et sûr de ses forces soit-il en apparence, le gardien souffre pourtant à cette époque de dysplasie, une anomalie affectant l’articulation de ses deux rotules. Un problème définitivement réglé par deux opérations en 2011 (genou gauche) et 2012 (genou droit), une fois majeur. « Ça a freiné sa carrière », reconnaît son entourage, qui jure que, s’il a « beaucoup souffert », l’imperturbable gardien « n’a jamais douté » de son destin, porté par « un mental à toute épreuve ». « Il est équilibré dans sa tête, approuve Julio Olarticoechea, sélectionneur de l’Argentine aux Jeux olympiques en 2016. Ça lui permet de faire face quand les choses tournent mal. » Comme lorsque des demies de Ligue des champions contre Liverpool virent au cauchemar. Comme lorsqu’à Rio de Janeiro, le méconnu Rulli prend un but casquette dès le premier match contre le Portugal (défaite 2-0). « Ce n’était pas facile, mais il s’est relevé, note l’ex-défenseur nantais, champion du monde 1986 avec Maradona. Son comportement a toujours été irréprochable. Tu vois qu’il a la tête bien faite. » Avant de rejoindre la Real Sociedad en 2014, l’Argentin avait d’ailleurs entamé une licence en gestion des entreprises à l’université.

« La clé, c’est son caractère, confirme Cristian Guaita, qui a dirigé l’international en U16 à Estudiantes. Tu lui dis les choses une fois, et il comprend. Et puis son aplomb est remarquable. Il ne craint pas la pression. Il transmet sa sérénité et sa force à ses coéquipiers, qui jouent libérés. Il n’est pas le plus spectaculaire, mais il ne panique jamais dans les situations électriques. Autrement dit, il sait faire simple quand ça devient compliqué. » Le genre d’attitude qui fait aujourd’hui rugir de plaisir le Vélodrome, à la recherche pendant deux ans d’un successeur à l’icône Steve Mandanda, et fait dire à Roberto De Zerbi qu’il possède « un grand gardien, un grand homme et un grand leader », quelques mois à peine après l’arrivée en toute discrétion du champion du monde à Marseille en provenance de l’Ajax Amsterdam.

Martín Zuccarelli, l’homme qui lui a donné sa chance, en est presque surpris. « Je lui voyais un beau futur, et d’ailleurs, Juan Sebastián Verón (la légende du club) l’adorait. Mais sincèrement, je n’aurais pas imaginé qu’il en arriverait là », confesse le technicien. Quatre ans après un prêt réussi à Montpellier, Rulli est « heureux » à Marseille, d’après ses proches, et vient d’être titularisé deux fois de suite avec la sélection en octobre. Alors comme tout le monde, Leandro Cortizo s’incline : « C’est devenu un gardien de classe mondiale. » Sans faire de bruit.

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Par Thomas Broggini, à Buenos Aires 

Tous propos recueillis par TB, sauf ceux de Roberto De Zerbi, issus de la conférence de presse après OM-Monaco (2-1) le 1er décembre.

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