Football Revolution

Balon Mundial est un tournoi de football pour des immigrés de tous bords organisé à Turin. C’est la deuxième année que la manifestation a lieu, avec un mot d’ordre en forme de slogan révolutionnaire : compétition, dialogue contamination. Un tournoi amateur où chaque équipe est constituée de joueurs venant du même pays auquel s’ajoute une série d’activité culturelles et de débats organisés par diverses associations italiennes et étrangères (Offinakoinè, Hiroshima Mon Amour, Groupe Africain pour la culture et le sport…) : un livre album avec des récits sur l’immigration et le sport signés par de célèbres journalistes et écrivains, un documentaire, une exposition photographique du reporter de Gênes Massimiliano Clausi…Autant d’initiatives voulues par la ville de Turin dans le cadre de son projet “Turin au pluriel”. Le tout à l’occasion de “l’année européenne du dialogue interculturel”.

En chiffres, cela donne 24 équipes et 500 personnes représentant tous les continents. Chaque samedi et chaque dimanche, du 7 juin au 6 juillet, ces gens se sont croisés. D’abord sur un terrain de foot dans le secteur du Lingotto, une des banlieues industrielles de Turin puis, pour l’après-match, sur le parterre de Hiroshima Mon Amour, un local où à l’heure de l’apéritif on déguste des spécialités du monde entier, bercés par de douces mélodies aux sonorités exotiques. De nombreux concerts (Pagade do Grilo du Brésil, Abidat Rma du Maroc…) ont d’ailleurs animé la fête finale du 6 juillet.

Balon Mundial est un roman qui raconte les mille et une histoires de l’immigration en Italie dans lesquelles s’imbriquent de nombreux personnages qui dessinent une vaste mosaïque. Des histoires, comme celle d’Ebow Essien, ancien entraîneur et désormais dirigeant du Ghana avec dans la besace une coupe d’Afrique glanée en 1982. Le titre en poche, notre homme fut invité en Malaisie pour jouer avec les All Stars contre le Brésil de Zico et Socrates où il fut élut meilleur joueur du tournoi. Ebow eut alors un contact pour jouer en Europe, à l’Olympiakos.

Lorsque l’accord semblait sur le point d’être trouvé, son manager lui vola l’argent et fit capoter le transfert. Il se retrouva en Italie, à évoluer dans des divisions mineures où tous lui demandaient ce que des pieds aussi doués faisaient sur des terrains de la banlieue de Rome.

Aujourd’hui Ebow est ouvrier avec sur le CV un diplôme d’entraîneur délivré par la fédé de foot professionnelle italienne. « Un jour à Turin – racontent ses joueurs – Appiah le voit, l’embrasse, lui dit que malheureusement il ne peut rien faire pour lui. Puis il sort 400 € de sa poche. Ce n’était rien pour lui » . Pour Appiah, Ebow est encore un mythe. Pas pour les lois européennes.

Les équipes sont variées : elles vont d’étudiants chinois en master aux ouvriers ghanéens, en passant par d’anciens footballeurs professionnels roumains venus chercher, en vain, l’eldorado en Italie.

La finale du tournoi de sport se déroule sous la pluie. Elle oppose une équipe roumaine à une équipe ivoirienne. Les speakers commentent le match pour Onda Flash, une radio locale, dans toutes les langues. Toutes les sonorités s’entremêlent les unes aux autres. Les tirs au but sont l’épilogue d’une finale qui s’achève avec la joie des Africains, la déception des Roumains et le gigantesque sourire des participants d’une manifestation dont la valeur symbolique dépasse l’esprit de compétition. Des histoires, des douleurs, de l’espoir aussi. Le tout sur une pelouse verte, avec un ballon au milieu.

Par Domenico Mungo, à Turin, avec L. Duvernet-Coppola