- Euro 2024
- 8es
- France-Belgique
Koundé, un costume enfin à sa mesure ?
Dans la peau du titulaire au poste de latéral droit, comme lors de la dernière Coupe du monde, Jules Koundé a réussi son début d’Euro. Le défenseur répond en tout cas à la volonté d’équilibre de Didier Deschamps, même si son apport offensif reste trop limité.
Il avait commencé le rassemblement en ne passant pas inaperçu au moment de monter les fameuses marches de Clairefontaine, fin mai. Jules Koundé, passionné de mode, était arrivé au château avec une tenue mise en valeur par une cravate orange et des santiags à talons. C’est peut-être le problème avec le joueur du Barça, on parle désormais plus souvent de lui pour son extravagance assumée que pour ses performances sur le terrain. Le défenseur central de formation s’est pourtant installé comme titulaire au poste de latéral droit à Barcelone comme en équipe de France, et ce n’est pas rien pour celui dont on moque de moins en moins les prestations. Ses débuts en sélection, notamment dans cette position, avaient été chaotiques. Aujourd’hui, ça va mieux, et son début d’Euro vient le prouver : Koundé a été l’un des plus réguliers durant la phase de poules. « Sa faculté défensive est impressionnante, disait Jonathan Clauss la semaine dernière. Il prend confiance à ce poste, et c’est tant mieux pour l’équipe de France. Un Jules Koundé à haut niveau, c’est très important pour nous. » Même son principal concurrent est sous le charme.
Un rôle défensif taillé pour ses qualités
Il n’est pas le premier nom que l’on coucherait sur le papier pour former le onze des Bleus, mais Didier Deschamps en a fait ces derniers temps un de ses hommes de base. Koundé n’a plus quitté son costume de titulaire depuis huit rencontres en sélection : la dernière fois qu’il n’avait pas débuté, c’était lors du succès contre Gibraltar en novembre. « On n’est pas titulaire au Barça ou avec nous comme ça, expliquait le sélectionneur avant France-Canada. Il en prend pour son grade, un peu trop d’ailleurs, mais j’ai confiance en lui. Il sait ce qu’il a à faire. » Il l’a plutôt bien fait en Allemagne pour l’instant, passant le test Cody Gakpo sans trop d’encombres et se montrant solide défensivement contre l’Autriche. « Je le trouve tranquille, très posé, analyse Jocelyn Angloma, connaisseur du poste et ancien joueur de l’équipe de France (1990-1996). On dirait qu’il ne se prend plus trop la tête et qu’il commence à se faire à cette position. L’adaptation demande du temps, ce n’est pas la même chose que de jouer dans l’axe, notamment dans le positionnement du corps. » Le principal intéressé l’a fait comprendre dans un récent entretien accordé au Parisien : « C’est un poste que j’ai longtemps détesté. Quand on a passé quinze ans à jouer défenseur central, devenir latéral requiert un bagage complètement différent. J’ai appris à l’accepter parce qu’inconsciemment, je pense qu’on se met des blocages en étant négatif. »
En tout cas, il ne se cache plus : il est le troisième joueur français à avoir touché le plus de ballons (226), derrière Theo Hernandez et Dayot Upamecano depuis le début de la compétition. Ses derniers mois au Barça avaient déjà témoigné d’une vraie progression, et ce n’est pas un hasard qu’il ait été le deuxième joueur le plus utilisé cette saison par Xavi (derrière İlkay Gündoğan). Chez les Bleus, il apparaît comme le profil parfait pour Deschamps pour compenser l’appétit offensif de son pendant à gauche Hernandez et assurer l’équilibre de sa ligne défensive. « Je peux comprendre la posture de Didier Deschamps, pose son ancien coéquipier Angloma. Celle d’avoir un latéral qui monte beaucoup d’un côté et un autre plus défensif pour qu’il y ait trois défenseurs pour tenir la baraque. » Plus tôt dans la saison, on lui avait promis l’enfer face à Kylian Mbappé lors d’un quart de finale aller de Ligue des champions dans lequel il avait bien contenu son partenaire en sélection. Deschamps : « On a tendance à juger les latéraux sur leurs qualités offensives aujourd’hui, mais il faut aussi les juger sur leurs qualités défensives. » Il pointe, sans trop le vouloir, la principale marge de progression de Koundé à ce poste.
Un apport offensif encore trop limité
Il y a les consignes d’un côté, et celles de Deschamps semblent assez claires sur cet Euro : le joueur formé à Bordeaux doit épauler la charnière Dayot Upamecano-William Saliba et donc ne pas multiplier les montées dans son couloir. De l’autre, il y a les capacités de Koundé à se transformer en latéral moderne quand le jeu le demande. « On sent qu’il est un peu emprunté à ce niveau, on attend plus offensivement : des dédoublements, des une-deux avec Dembélé pour lui permettre de faire des dribbles et de déstabiliser l’adversaire, estime Angloma. Il n’a pas toujours la bonne posture, il faut avoir le corps vers l’avant sur la prise de balle quand on évolue à ce poste. » Un facteur qui peut aussi expliquer les difficultés d’Ousmane Dembélé – sans que ce ne soit le seul – trop souvent esseulé et qui manque de complicité avec son coéquipier. Un chiffre avancé par Optaillustre bien les limites offensives de Koundé : il est le joueur à avoir tenté le plus de centres (8) sans avoir réussi à trouver un partenaire lors de la phase de poules (Hernandez n’est pas loin derrière avec 5 centres infructueux).
0 – Défenseurs qui ont tenté le plus de centres dans le jeu sans trouver un partenaire à l’EURO 2024 :
8 – 🇫🇷Jules Koundé 7 6 5 – 🇫🇷Théo Hernández, 🇸🇰Dávid Hancko, 🇵🇹Nuno Mendes
Déconnexion. pic.twitter.com/knAzJncf70
— OptaJean (@OptaJean) June 26, 2024
Pour Angloma, le Barcelonais « reste trop sur place, on le voit venir, et ses centres ne surprennent pas beaucoup. Après, il y a aussi le fait que ça manque de présence dans la surface et d’un attaquant présent dans les airs. » Il sera difficile de devenir un contre-attaquant redoutable à 25 ans, à moins que l’option Clauss, qui aurait par exemple pu entrer contre la Pologne, ne se présente comme une solution en cours de rencontre. « La question peut se poser pour que l’on soit plus dangereux sur le côté droit, car on sait que ça vient surtout de la gauche quand Mbappé est là, développe Angloma. Dembélé n’a pas cette personne à côté de lui pour le soulager, la présence de Clauss pourrait lui profiter, mais ce sont des réflexions qui doivent se faire rapidement en plein match. » Face à la Belgique, Koundé va enchaîner une neuvième titularisation en Bleu et faire face à un nouveau défi défensif, celui de parvenir à neutraliser Jérémy Doku. Et pourquoi pas, en bonus, signer un centre gagnant.
Par Clément Gavard, à Paderborn