Euro 08 – Croatie : bientôt debout !
Pays grand comme la Provence, peuplé de moins de 5 millions d'habitants et n'affichant pas encore 20 ans au compteur, la Croatie force le respect. Car dans chaque sport de balle, croate rime avec crack. En football aussi.
Il y a dix ans, c’est parce qu’un visionnaire avait senti le danger qu’ils n’étaient pas devenus champions du monde. Cet homme, Aimé Jacquet, avait su prévenir sa troupe : « Comme vous le savez, pour des raisons politiques, la Yougoslavie a éclaté…Mais attention les gars, c’est les mêmes ! De bons joueurs de ballon, de TRES bons joueurs de ballon » .
Si la génération de Boban et Suker n’est plus là, la Croatie peut néanmoins espérer faire aussi bien à cet Euro. En même temps, c’est ce qu’on annonce tous les deux ans, et c’est un fiasco à chaque phase finale de compétition majeure, excepté en 2004 où elle figurait dans un groupe coton. Non qualifiée pour l’Euro 2000, elle n’est pas sortie des poules des deux dernières coupes du monde, dépassée par le Mexique puis l’Australie au classement FIFA. Ça fait quand même un peu désordre.
L’équipe a de tout temps disposé de bons joueurs mais peine inlassablement à former un vrai groupe. Ces dernières années, l’emblème croate, c’était Dado Prso. Toutes ses actions sentaient la sueur, un vrai film porno de l’est. L’image de la Croatie avait changé, finis les techniciens, place aux combattants. Les Dalmates ont compris, désormais c’est back to basics, les esthètes sont de retour. Avec deux figures de proue : Niko Kranjcar et Luka Modric.
Si on voulait faire simple, on dirait que Niko Kranjcar est l’héritier de Zlatko Kranjcar, ça tombe bien, c’est la famille. Dans les faits, là où papa tentait d’être un buteur accompli, fiston se rapproche davantage d’un autre membre de la Yougo version 90 : Robert Prosinecki. Grosse technique donc meneur de jeu, mais Kranjcar, on ne le verra pas courir dans tous les sens à la Ribéry. Depuis deux ans à Portsmouth, il a intégré le tacle à sa panoplie. Mais Redknapp admet volontiers que son joyau est la caution beau jeu de Pompey, preuve qu’il n’a rien perdu de sa classe balle au pied. Il y a deux ans, Kranjcar c’était la “next big thing” qu’on annonçait un peu partout en Europe. Trop de pression – papa était en outre sélectionneur – ou pas encore mûr, toujours est-il qu’il a loupé son Mondial. Mauvais signe, Luka Modric prend le même chemin.
Luka Modric, dans les tendances des Inrocks, il serait à pré-hype. Le cas typique du gars que tout le monde surestime, juste pour pouvoir se la raconter avant les autres, genre “moi aussi je sais détecter les talents”. Il pourrait avoir le même effet que Justice l’année dernière. Comme les petits gars de chez Colette, la presse est avec lui et ça fait deux ans qu’il potasse au pays son chef d’œuvre. Son single, il l’avait sorti lors du dernier match des éliminatoires à Wembley. La Croatie était déjà qualifiée, tout le monde pensait qu’elle allait laisser filer le match. Pas Luka, qui voulait montrer à Albion de quoi il était capable. Résultat : il jouera à Tottenham l’année prochaine et l’Angleterre n’a rien d’autre à foutre que de l’attendre.
Lui comme ses coéquipiers, dont le talentueux défenseur Vedran Corluka, auront donc tout intérêt à réussir leur Euro. Sinon, le statut d’équipe en devenir ira à une autre. C’est aussi simple que cruel.
Romain Canuti
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