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Jean-Paul Rouve : « Aujourd’hui, les footballeurs sont les personnages les plus emblématiques »

Propos recueillis par Victor Foenkinos
10 minutes

À l’affiche du Bourgeois gentilhomme au théâtre Antoine, Jean-Paul Rouve interprète un homme riche cherchant à s’élever au rang de noble, tout en se laissant berner par son entourage. Une histoire qui n’est pas sans rappeler certaines mésaventures vécues par des footballeurs, eux aussi nouveaux riches parfois entourloupés par leurs proches. Connu dans toute la France pour son rôle de Jeff Tuche, encore un nouveau riche, l’acteur se confie sur sa non-passion pour le football, tout en distillant quelques conseils pour éviter... de devenir Premier ministre.

Jean-Paul Rouve : « Aujourd’hui, les footballeurs sont les personnages les plus emblématiques »

Quel est votre rapport avec le football, qu’il soit en club ou en sélection ?

Je n’y connais rien. Je ne regarde que quand il y a la Coupe du monde ou la Coupe d’Europe, parce que c’est amusant d’être avec les copains. Mais souvent, je ne connais pas la moitié des joueurs. J’en connais quelques-uns, bien sûr : Mbappé et tout ça, je les connais. Et puis là, j’ai regardé un peu quand il y a eu le PSG. Et par exemple, le PSG, je sais qu’ils sont champions, mais je ne sais même pas de quoi.

Ils sont champions d’Europe.

Voilà. Petit, je n’ai jamais été vraiment intéressé par le foot. Je faisais juste les albums Panini avec mes copains quand j’étais plus jeune, mais je ne suis pas amateur, je n’y connais pas grand-chose. Maintenant, peut-être un petit peu plus, donc je comprends mieux certaines tactiques, mais ce n’est pas mon sport de prédilection.

Quel est le dernier match que vous avez regardé ?

C’est très certainement le PSG, quand ils ont gagné en finale.

Étonnant quand on sait que votre acteur préféré, Patrick Dewaere, a joué un footballeur dans le film Coup de tête.

Oui, il a joué un footballeur, et c’est un de mes films préférés, mais c’est pas un film sur le jeu. C’est un film sur les coulisses. Ça raconte autre chose. Finalement, le foot, ce n’est qu’un prétexte dedans.

 

Est-ce qu’on peut dire que les footballeurs et les acteurs font le même métier ? Vous essayez de divertir les gens, vous vous entraînez beaucoup, vous pouvez vous blesser, et puis vous faites des interviews pour So Foot.

Ouais, c’est vrai. Après, il y a quand même une grosse différence… Je veux dire que les footballeurs, ils sont quand même plus près, dans le monde artistique, des danseurs, parce qu’ils ont une carrière courte. Acteur, tu peux le faire jusqu’à la fin de ta vie. Footballeur, il y a un âge où, malheureusement, tu ne peux plus. Donc, je trouve que le plus dur dans leur métier, c’est ça. C’est qu’ils savent qu’à 40 ans, c’est fini.

Je suis pote avec des footballeurs ou avec des sportifs en général, et ils trouvent ça incroyable d’apprendre un texte par cœur.

Jean-Paul Rouve

Vous voudriez être acteur jusqu’à quel âge ? Y a-t-il une date de péremption ?

Acteur, tu n’as pas de date de péremption. Au contraire, je pense que tu te bonifies avec l’âge. Alors que sportif, malheureusement, tu te bonifies et puis après, tu commences à descendre.

Quel est le plus difficile, selon vous, entre un entraînement, par exemple, de Didier Deschamps, ou de faire une répétition avec Jérémie Lippmann (le metteur en scène de la pièce) ?

L’entraînement avec Deschamps, parce que je ne suis pas du tout sportif. Ce n’est pas mon monde, quoi. Après, je suis pote avec des footballeurs ou avec des sportifs en général, et ils trouvent ça incroyable d’apprendre un texte par cœur. Ils disent : « Mais comment tu fais pour retenir tout ? » Et moi, je dis : « Mais comment vous faites pour courir comme ça pendant 90 minutes ? »

Et est-ce que, pour toutes les répétitions que vous devez faire, vous avez un entraînement physique ? Oui, en fait, ce qu’il faut, c’est avoir une bonne hygiène de vie. Je m’échauffe un peu le soir pour ne pas me faire des claquages ou des choses comme ça, des entorses. Il faut faire attention.

Pourquoi avez-vous accepté de jouer Le Bourgeois gentilhomme ? En fait, je ne l’ai pas accepté. Jérémy m’a proposé la pièce, et j’avais envie de refaire du théâtre. Alors j’ai dit : « Oui, pourquoi pas. » On s’envoyait des pièces. Et puis j’ai relu des classiques, dont Molière, et je me suis dit : « Mais elle est vraiment marrante, cette pièce. J’ai envie de me frotter à un classique et faire un truc que je n’ai jamais fait. »

 

Et si vous aviez pu donner un rôle à un footballeur, cela aurait été lequel ? Dorante, le beau gosse (dans les Fausses Confidences de Pierre Corneille, NDLR). Les footballeurs sont beaux gosses en général. Ils sont musclés et ils ont la classe.

Finalement, dans Les Tuche et dans la pièce, vous jouez un nouveau riche. De quoi vous êtes-vous inspirés pour ces rôles ? Dans la pièce, Monsieur Jourdain n’est pas un nouveau riche. Il est fils de marchand, il a toujours bien gagné sa vie. Lui, ce qu’il veut, c’est accéder à la noblesse. C’est autre chose. C’est un statut qu’il veut atteindre. Ce n’est pas forcément l’argent. Il a l’argent. Lui, ce qu’il veut, c’est le statut, la reconnaissance et le statut de la noblesse. Donc, c’est différent. Mais pour le représenter sur scène, je ne me suis inspiré de rien. Juste de l’entraînement.

Si vous aviez été à cette époque, auriez-vous voulu être un noble ? Je n’en sais rien. Je ne me rends pas compte, à l’époque, de ce que ça représentait vraiment. Aujourd’hui, ça nous semble dérisoire. Je sais que tu pouvais acheter ton titre de noblesse. Je pense que les gens, en tout cas, auraient bien aimé être nobles, parce que tu avais une meilleure vie.

Si on compare à notre époque, ça impliquerait de traîner avec Emmanuel Macron tous les jours et de ne pas payer d’impôts. En vrai, il n’y a pas l’équivalent aujourd’hui, parce que les nobles de l’époque, déjà, c’était comme un statut divin. Ça n’existe plus aujourd’hui. Tu ne travaillais pas. C’est un peu comme un rentier. C’est un drôle de statut. C’est un peu comme quand tu vois la famille royale anglaise. Tu te dis que c’est un peu bizarre.

À 18 ans, c’est normal de ne pas avoir les pieds sur terre. Sauf que Yamal, il a tellement d’argent que ça prend des dimensions surréalistes.

Jean-Paul Rouve

Beaucoup de footballeurs sont des nouveaux riches, et certains ont du mal à garder les pieds sur terre. Est-ce qu’avec vos rôles, vous comprenez un peu mieux pourquoi ? Je comprends. Mais pour moi, ce n’est pas lié à leur métier, mais plutôt à leur âge. Ce n’est pas lié à la quantité d’argent, parce qu’il ne faut pas oublier que tous ces footballeurs sont très jeunes. Ce sont des ados, des grands ados.

Comme Lamine Yamal, qui a 18 ans. C’est normal qu’à cet âge, tu aies envie de t’amuser. À 18 ans, c’est normal de ne pas avoir les pieds sur terre. Sauf que lui, il a tellement d’argent que ça prend des dimensions surréalistes. Mais ça peut arriver à un chanteur, ça peut arriver à un acteur, ça peut arriver au fils d’un gars qui a réussi dans la tech, ça peut être n’importe quoi. Il y en a qui ont un peu de maturité et il y en a qui n’en ont pas, qu’importe le métier.

Dans Le Bourgeois gentilhomme, Monsieur Jourdain se fait arnaquer par tout son entourage, une situation qui arrive à quelques footballeurs comme Paul Pogba. Comment pensez-vous qu’on tombe dedans et comment peut-on en ressortir ? C’est toujours pareil. Déjà, toi, est-ce que tu es construit pour faire face au milieu dans lequel tu évolues ? Est-ce que tu as ça ou pas ? Si tu ne l’as pas, il faut avoir un entourage sérieux. C’est pour ça que beaucoup de footballeurs, comme ils sont jeunes, sont entourés par les parents. Un mec comme Mbappé, tu vois qu’il est bien construit, parce qu’il y a ses parents. Il faut ça. C’est comme quelqu’un qui gagne au loto, tout le monde va lui demander de l’argent. Évidemment, tu as des gens intéressés et c’est pour ça que Le Bourgeois gentilhomme, c’est hyper moderne, parce que ça parle d’aujourd’hui. On comprend très bien que ça pourrait arriver à quelqu’un demain.

 

Pensez-vous qu’avec les réseaux sociaux, on pourrait encore se faire arnaquer comme ça ? Bien sûr. Regarde la femme qui s’est fait arnaquer en pensant parler avec Brad Pitt. Tu te dis que quand les gens veulent croire à quelque chose, ils y croient.

Dans Les Tuche, comme dans Le Bourgeois Gentilhomme, vous interprétez des personnages qui sont fascinés par un monde qui les dépasse. Est-ce que ça vous est déjà arrivé de ressentir ça dans votre carrière ? Fasciné, non. Quelquefois, je suis intéressé, parce que j’adore les mondes que je ne connais pas, comme la politique. Par exemple, quelqu’un qui a une entreprise, qui vend… J’ai des amis qui sont dans la tech, qui sont dans la data, et je n’y comprends rien, mais ça m’intéresse de me dire : « C’est quoi ton travail exactement ? C’est quoi ton milieu ? » Dès que je suis dans un milieu qui n’est pas le mien, je suis intéressé. Même des milieux, d’ailleurs, pas forcément où il y a beaucoup d’argent : le milieu des forains, le milieu des antiquaires… J’adore découvrir les autres.

À l’époque, c’était le truc le plus extraordinaire, de pouvoir côtoyer le roi. D’un regard du roi, les mecs en parlaient après pendant des semaines.

Jean-Paul Rouve

Avec le contexte politique actuel, si demain Emmanuel Macron vous appelle pour être Premier ministre, qu’est-ce que vous lui dites au téléphone ? Je lui dis non, parce que je pense que, contrairement à ce qu’on peut penser, c’est un vrai métier. Ça nécessite beaucoup de travail, de réflexion. Ce n’est pas quelqu’un comme ça qui peut devenir Premier ministre du jour au lendemain. Et j’en serais bien incapable, parce qu’il faut avoir des visions, il faut avoir des connaissances économiques, sociologiques, et puis il faut être un sacré bosseur. Les politiques que je connais, ils ont un point commun : c’est que ce sont tous des sacrés bosseurs. Ça ne dort pas beaucoup quand tu fais de la politique.

Monsieur Jourdain, lui, il irait, si le roi l’appelait pour être à côté de lui. Bien sûr, parce qu’à l’époque, c’était le truc le plus extraordinaire, de pouvoir côtoyer le roi. D’un regard du roi, les mecs en parlaient après pendant des semaines.

Maintenant, le truc le plus extraordinaire, ce serait de rentrer dans l’entourage de Mbappé ? Exactement. C’est des nouveaux personnages comme ça. Je pense qu’aujourd’hui, oui, ce sont les footballeurs, les personnages les plus emblématiques. Dans la société, j’ai l’impression que ce sont les sportifs.

Quand Teddy Riner commence à laisser entendre qu’il voudrait peut-être se présenter à la présidentielle… Je le connais, Teddy Riner. C’est un mec très drôle, très sympa. Je pense qu’il s’amuse beaucoup de ça, et qu’il a bien conscience que ce n’est pas son métier.

Il y a beaucoup de gens qui pensent que si Zinédine Zidane, demain, se présentait, il serait élu. Oui, parce que ce sont des personnages qu’on aime bien. Mais tu te rends très vite compte que ça ne marcherait pas. Enfin, quoique, je ne dis pas qu’il ne serait pas élu, mais je ne pense pas quand même.

Donc vous ne vous verriez pas comme le nouveau Coluche ? Surtout pas, surtout pas. Coluche, je pense qu’il ne voulait pas vraiment se présenter. Il voulait s’amuser de ça. Il voulait mettre un coup de pied dans la fourmilière.

Si on vous appelle pour faire un match de football de charité, vous y allez même si vous n’aimez pas ce sport ? C’est drôle, mais je l’ai déjà fait ! Mon ami Jean-Claude Darmon, qui fait ça pour des associations, m’avait invité. Donc j’étais allé. Il y avait plein d’artistes. Et moi, comme je ne suis pas bon, il m’avait mis gardien. C’est plus simple, gardien. Puis bon, c’était un match amical, donc ça va.

En tant que gardien, vous avez encaissé combien de buts ? Oh là là, j’évitais le ballon, donc j’en encaissais pas mal. Je ne voulais pas me prendre la balle dans la tête.

Sur scène, il y a le trac, et sur le terrain la pression. Est-ce que vous avez un rituel avant de monter sur scène, comme certains footballeurs ont avant d’entrer sur le terrain ? Aucun. Je n’ai pas le trac. Ce n’est pas un truc que j’ai. Après, c’est différent de jouer devant 2 000 personnes que 80 000, c’est sûr.

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