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Don Patricio, itinéraire d’un héros décrié

Par Romain Duchâteau
Don Patricio, itinéraire d’un héros décrié

Pour avoir offert le seul titre de Liga au Betis Séville et évité la faillite au FC Barcelone, Patrick O’Connell a acquis le statut d’icône en Espagne. Pas en Angleterre où, après un passage à Manchester United, l’Irlandais reste perçu comme un traître. Récit des aventures d’un héros aux facettes à la fois sombres et rayonnantes.

Longtemps, les passants ont arpenté les allées du cimetière de Sainte-Marie sans se retourner sur sa tombe. Pas une seule fois. Et pour cause, dans les interminables rangées de pierres tombales qui garnissent ce lieu de l’Ouest de Londres exclusivement réservé aux disparus de confession catholique, son nom n’était inscrit nulle part. Comme si Patrick O’Connell, qui s’est éteint dans l’anonymat et le dénuement le plus total à 71 ans le 27 février 1959, n’avait jamais existé. Pourtant, l’Irlandais figure parmi les privilégiés qui ont marqué de leur empreinte l’histoire du football. Notamment en Espagne.

C’est là-bas, loin de son pays natal, qu’il a permis au FC Barcelone de ne pas disparaître dans les années de dictature franquiste. Un fait d’armes enfoui que le club catalan a décidé de remettre en lumière en affichant un portrait à son effigie dans la salle de réunion du Camp Nou, après une vive campagne d’admirateurs en Espagne, Irlande et Angleterre. Aussi, grâce à l’aide du petit-fils de celui qu’on surnommait « Don Patricio » , un appel de fonds a permis d’acheter une pierre tombale enfin digne. 56 ans après son décès, le héros a eu droit à son hommage. Sans que cela ne vienne toutefois occulter les zones d’ombre autour du mythe.

« Je ne suis pas un traître. Les Anglais ont acheté le footballeur, pas mes convictions »

Avant d’acquérir une renommée légitime en Espagne, de s’ériger en sauveur du Barça et de disparaître dans l’indifférence, Patrick O’Connell, dit aussi « Paddy » , s’est d’abord distingué outre-Manche. Son histoire tumultueuse prend sa source en terre irlandaise, à Dublin. Né le 8 mars 1887, le gamin grandit dans une famille catholique où ses parents, vestiges vivants de la grande famine du milieu du XIXe siècle, sont de fiers militants nationalistes. Surtout, ces derniers vouent une haine profonde à l’Angleterre et sa politique expansionniste, responsable selon eux de la disparition progressive des valeurs rurales et gaéliques propres au pays du shamrock. C’est dans ce milieu aux convictions affirmées qu’il se forge son opinion politique. Corollaire de cet environnement, O’Connell amorce sa carrière au Belfast Celtic, club majoritairement constitué de nationalistes irlandais. Mais malgré ses origines toujours fièrement revendiquées, le défenseur consent à rejoindre le Royaume et Sheffield Wednesday contre un salaire mensuel de 5 livres. Presque gêné d’avoir pris cette décision, il se justifie par courrier auprès de ses parents : « Papa, maman, je vous écris pour vous dire que je ne suis pas un traître. Les Anglais ont acheté le footballeur, pas mes convictions. »

Après ce passage chez les Owls, l’enfant de Dublin s’en va monnayer ses talents à Hull City, en 1912, durant deux saisons. Et c’est durant cette période que sa fibre patriotique affleure à nouveau. Le 14 mars 1914, à l’occasion d’un match contre l’Écosse, l’Irlande n’a besoin que d’un nul pour soulever la British Home Championship. Mal embarqués à la suite de la sortie sur blessure de leur capitaine Billy Scott, les Boys In Green souffrent dans l’écrin de Windsor Park. Encore plus quand Paddy se fracture le bras sur une mauvaise chute. Mais celui-ci ne se démonte pas et s’accroche. « Il faudra m’arracher la tête pour que je sorte du terrain ! » s’égosille-t-il sur la pelouse. Son inconsciente détermination finit cependant par payer puisqu’il est l’auteur de la passe décisive sur le but salvateur. Quatre jours avant que le pays de Sa Majesté ne refuse d’adopter le Home Rule (mesure censée offrir plus d’autonomie à l’Irlande), la nation du trèfle vert remporte la compétition devant son voisin britannique. Il n’en faut pas plus pour qu’O’Connell jubile : « Je n’aime pas leurs manières, mais j’adore leur argent ! » Justement, en 1914, Manchester United le recrute pour 10 000 livres. S’il devient le joueur le plus onéreux de son époque et le premier capitaine étranger de l’histoire des Red Devils, il laissera l’image d’un pourri dépourvu de toute conscience professionnelle.

De Paddy le véreux à Don Patricio le vénéré

À l’aube de la Première Guerre mondiale, certains joueurs de United et Liverpool se mettent d’accord avant un match pour un succès 2-0 des Red Devils, coté à 8 contre 1 chez les bookmakers. Lors de cette rencontre, alors que le score convenu est atteint, l’arbitre siffle un penalty pour Manchester. Paddy O’Connell s’en charge et choisit de balancer le cuir au poteau de corner. Au terme de la partie, l’Irlandais avoue que le match est truqué et dénonce huit autres présumés coupables. Deux mettent fin à leur carrière dans la foulée et mourront dans les tranchées, tandis que l’un de ses compères, Enoch West, tente à deux reprises de se suicider, avant d’être innocenté par la Fédération anglaise en 1945. « Ce fils de pute a gâché ma vie, lâchera la victime au crépuscule de sa vie.Il savait que j’étais innocent, mais il lui fallait un coupable idéal pour se couvrir. »

La réputation ternie, le natif de Dubin termine son parcours de joueur dans l’opprobre, traînant ses crampons au sein de clubs amateurs anglais. Il faut attendre 1922 pour que son destin bascule. Rentré en Irlande en pleine guerre civile, il rallie l’Espagne sur les conseils d’un proche afin d’entraîner le Racing Santander. Là-bas, il rencontre l’amour, mais se distingue surtout pas ses qualités de coach, pour le moins singulières en terre ibérique. Une expérience réussie après une autre du même acabit au Real Oviedo lui ouvre les portes du Betis Séville en 1932. Sur le banc des Verdiblancos, O’Connell jouit d’une flatteuse réputation. Au point de se voir attribuer le surnom de Don Patricio. Mais près de vingt ans après l’affaire MU-Liverpool, sa nature malhonnête refait surface.

Dictature franquiste

Le 27 avril 1935, la veille de recevoir son ancien club de Santander, O’Connell, qui a besoin d’un succès pour devenir champion avec le Betis, se rend à l’hôtel des Montañeses et leur soumet sa proposition tendancieuse : « Vous n’avez plus rien à gagner. Vous n’allez quand même pas vous tuer sur le terrain pour nous battre, pas vrai ? » Ses adversaires déclinent. Qu’importe, les Andalous s’imposent le lendemain (5-0) et remportent leur première Liga de leur histoire. La seule, encore aujourd’hui. Son itinéraire, dicté par la dictature franquiste, le guide ensuite en Catalogne où il devient coach du FC Barcelone. Mais aussi l’homme qui va éviter au club de disparaître. En 1936, la guerre civile espagnole éclate, entraînant l’interruption du championnat, et, quelques mois plus tard, le président des Blaugrana Josep Sunyol est assassiné par les troupes franquistes. En proie à d’importantes difficultés financières, le club catalan accepte alors la proposition d’un entrepreneur qui offre 15 000 dollars en échange de matchs amicaux au Mexique et aux États-Unis.

Ce voyage permettra au Barça d’éviter la banqueroute et de disparaître, mais vaudra à O’Connell d’être banni d’Espagne à son retour. « La guerre d’Espagne ? J’ai survécu à la Première Guerre mondiale, à la guerre civile irlandaise, je peux bien survivre à ce ridicule conflit, confie-t-il à l’époque. Franco ne me fait pas peur et ne m’intéresse pas. » Après un exil forcé, il effectue une dernière pige en revenant au Racing Santander. Avant une retraite en toute quiétude ? Pas vraiment. Un jour, un Irlandais catholique se présente à lui et lui fait comprendre qu’il est peut-être son père. En guise d’unique réponse, Paddy lâche : « Daniel, je vais te poser une seule question avant de rentrer chez moi : comment va Manchester United ? » Oui, jusqu’au bout, les vieux démons de Patrick O’Connell auront resurgi.

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