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Quand deux stars « franquistes » signèrent à l’OGC Nice

Par Grégory Sokol
Quand deux stars « franquistes » signèrent à l’OGC Nice

Il fut un temps, certes lointain, où les clubs anglais ne recrutaient pas à tout berzingue et où les autres avaient encore le droit au chapitre. En ce temps, l'OGC Nice, en D2, attirait deux stars de la Selección.

Le calme de la Promenade des Anglais après le tumulte de la guerre civile espagnole de 1936. C’est le choix que font Josep Samitier (qui se fait appeler José par souci d’hispanisation) et Ricardo Zamora à quelques mois d’intervalle. Tumultes à ne pas prendre à la légère, comme en témoigne le meurtre de l’éphémère président du Barça, Josep Sunyol, jugé trop indépendantiste au goût des phalangistes qui le passèrent tout bonnement par les armes. Les deux joueurs sont loin d’être des inconnus, bien au contraire même, ayant tous les deux évolué au FC Barcelone, puis au Real Madrid, ainsi que piliers de l’équipe espagnole vice-championne olympique à Anvers en 1920. Le gardien Zamora était même tellement fort que son remplaçant, écœuré, décida de rentrer en Espagne avant la fin du tournoi. Samitier, lui, organisa insatiablement le jeu à partir du milieu du terrain, révolutionnant son poste car inédit pour l’époque. Zamora tenta de fêter comme il se doit la première épopée de l’histoire de la Selección en essayant de faire passer illégalement une boîte de havanes à la frontière belge, bien planquée sous son siège. Pari perdu et une nuit au placard en prime pour le gardien qui évoluait alors au Barça.

Annoncé mort à tort par la presse

Les deux joueurs, en plus d’être les stars du foot ibérique de leur époque et sans doute parmi les pionniers de la star system éclosant d’un football qui se professionnalise, ont la réputation d’être plutôt franquistes. Volonté de se ranger du côté du supposé plus fort ou réelles convictions politiques, chacun se fera son opinion. Si Samitier et Zamora sont tous deux nés à Barcelone, aucun n’est animé par un sentiment d’indépendantisme exacerbé. Au contraire, El Mago Samitier, celui qui, un jour, tâta le cuir à Cadaqués avec Salvador Dali, autre franquiste-to-be bourré de talent, n’a jamais caché son soutien au général Franco. Paradoxal puisqu’il a également fièrement porté le maillot de l’équipe de Catalogne à plusieurs reprises. El Divino Zamora, de son côté, supporte le club se voulant garant de l’identité espagnole en Catalogne, le RCD Espanyol, alors appelé Español toujours par souci d’hispanisation et en réponse à la création du trop multiculturel FC Barcelone. Si Samitier fait la quasi-intégralité de sa carrière au Barça avec un succès certain, Zamora n’y passe que trois ans, tombant dans l’oubli des supporters culés et revenant bien vite à ses premières amours du côté du quartier aisé de Sarrià, avec à la clé une suspension d’un an pour fausse déclaration de commission sur le prix du transfert. Brouillé avec les dirigeants du Barça, le gardien se paye même le luxe de bâtir sa légende sous les couleurs du Real Madrid en finale de la coupe en 1936, la dernière avant le début de la guerre civile, lorsqu’il empêche les Catalans d’égaliser dans les tout derniers instants du match, se détendant de tout son long pour aller chercher le ballon qui partait se nicher au ras du poteau gauche.

Les deux hommes et amis sont, malgré eux, érigés en héros nationalistes pendant la guerre. Josep Samitier, tout d’abord, est arrêté par la milice anarchiste puis relâché, fuyant ensuite le pays sur un navire de guerre à destination des côtes françaises. La récupération politique ne tarde pas, et le quotidien sportif madrilène Marca en fait un symbole de nationalisme. « Samitier a été contacté par Marseille après la guerre civile. Il aurait pu signer, mais l’OM avait trop de joueurs étrangers dans son effectif et s’est arrangé avec l’OGC Nice » , rapporte Michel Oreggia, auteur et historien des Aiglons. La star s’engage avec Nice en septembre 1936. Le cas Zamora est encore plus croustillant. Celui-ci est officiellement annoncé mort criblé de balles par le quotidien conservateur ABC dans le but de renforcer le sentiment anti-anarchiste. Vexée, la milice anarchiste capture un Zamora bel et bien vivant et l’emprisonne, car étant chef des services sportifs d’un journal de droite. La légende veut que le joueur ait plusieurs fois frôlé la mort en prison et n’ait dû son salut qu’en se montrant prolixe sur sa carrière devant les geôliers, ainsi qu’en tapant des foot avec eux. Plus vraisemblablement, si la carrière de Zamora en a sans doute intrigué plus d’un, gardes compris, il est détenu dans les meilleures conditions. Réfugié par la suite à l’ambassade d’Argentine, c’est elle qui permet à l’international espagnol de quitter le pays avec des papiers réglementaires, et non à fond de cale comme un vulgaire clandestin. Thèse relatée par l’intéressé lui-même à son arrivée à Nice en mars 1937 dans la presse locale.

Caniche, poules et moutons

Les deux amis à nouveau réunis profitent de leur fin de carrière azuréenne dorée. Josep Samitier, métronome des Aiglons selon les comptes-rendus d’époque, emmène avec lui sa réputation de coureur de jupons et serait devenu proche de la femme du président de l’OGCN, dont il aurait été aperçu promenant le caniche. Ricardo Zamora, lui, sirote désormais son cognac sur les terrasses du Vieux-Nice et fume toujours ses trois paquets de cigarettes quotidiens. Le gardien possédait un style peu académique, béret et col roulé version Damart de mise. « Les joueurs de l’époque racontaient que Zamora n’aimait pas bloquer les ballons et s’arrangeait pour les dégager des poings ou du coude » , abonde Michel Oreggia quant au style particulier du portier. Loin d’être en pré-retraite, les deux joueurs font le boulot en compagnie de Pépito Alcazar, phénomène de buteur passé par l’OM, ou encore des frères Valle. Une équipe incroyable pour la D2. L’historien explique que « l’OGC Nice, comme de nombreux clubs, avait failli plusieurs fois disparaître, faute de recettes. Une grosse crise a eu lieu en 35-36 et 36-37, puis la municipalité et quelques investisseurs locaux ont décidé d’aider le club. Les joueurs m’ont raconté que beaucoup de gens venaient dans les vestiaires et leur donnaient de l’argent, leur permettant ainsi de doubler, voire tripler leur mois. L’un d’eux m’a rapporté qu’à Nice, il n’avait jamais payé une paire de chaussures et était toujours invité au restaurant. Ils avaient une vie de nabab. Un autre gagnait plus que le directeur de sa banque lorsqu’il est devenu pro, ce qui n’était pas rien à l’époque. »

Pourtant, cette équipe au fort potentiel ne parvient pas à faire remonter Nice parmi l’élite. Dans un système de championnat aussi compliqué que le championnat argentin actuel, « ces joueurs ont eu en réalité une bonne saison et demie, car ensuite, il ne faut pas oublier que c’était la guerre et que le championnat fut coupé. Certains joueurs disaient que lorsqu’ils allaient jouer à Brive ou Angoulême, ils se donnaient rendez-vous 4 ou 5 heures après les matchs dans les fermes aux alentours pour acheter des poulets. Ils ramenaient même parfois un mouton, c’était folklorique » , témoigne Michel Oreggia. Zamora ne connaît pas cette période, puisqu’il rentre en Espagne après une saison en tant qu’entraîneur-joueur. Il participe à son retour à un match de solidarité au bénéfice des soldats franquistes à San Sebastián opposant l’équipe d’Espagne, dont il fait partie, à la Real Sociedad, et sera même décoré par le général Franco lui-même en 1950. Samitier fait quant à lui durer le plaisir à Nice jusqu’en février 1942 en tant que joueur puis entraîneur, suite à quoi il retourne au FC Barcelone, d’abord en tant qu’entraîneur puis recruteur. Le club lui doit notamment la venue de László Kubala, légende hongroise du club qui signa après un apéro bien arrosé, pensant qu’il était en route pour le Real Madrid. Plus tard, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le transfert d’un certain Di Stéfano au Barça pour le faire signer à la Maison Blanche. Samitier, artiste dans l’âme, ne supporte en effet ni l’entraîneur des Blaugrana, Helenio Herrera, ni sa tactique.

Obsèques dignes de celles d’un chef d’État

Ricardo Zamora reste à ce jour sans doute le plus grand gardien de l’histoire du foot espagnol, devant Arconada, Zubizarreta ou Casillas. Le trophée du meilleur portier du championnat d’Espagne porte son nom en son hommage, tout comme le meilleur buteur est nommé « Pichichi » , en hommage à l’exceptionnel buteur de l’Athletic Bilbao, également membre de l’équipe vice-championne olympique. S’il fut proche de Franco et directement responsable de la non-venue de Di Stéfano au Barça, Josep Samitier reste une idole chez les Catalans. Il eut même droit à des funérailles en grande pompe, digne d’un chef d’État. Des obsèques où s’est rendu « Georges Gordolon, ancien joueur de Nice, et il y avait selon lui 150 000 ou 200 000 personnes » , explique Michel Oreggia. Les deux amis étaient très appréciés de leurs coéquipiers niçois et considérés comme des gentlemen.

Est-ce que leurs prouesses ont converti au football de nouvelles âmes à Nice ? « Probablement, mais c’est difficile à dire, car les stades étaient petits à cette époque et le nombre de spectateurs jamais décompté » , tempère Michel. Pas faute de vendre le produit, les joueurs affublés de superlatifs tels que « meilleur centre-avant de tous les temps » ou « meilleur gardien de tous les temps » dès leur arrivée, rien que ça. Les Aiglons retrouveront la première division au terme de la saison 1947-48, virant une quinzaine de joueurs par la même occasion. Une stabilité digne de celle d’Arles-Avignon 2010 version Marcel Salerno, mais avec de bien meilleurs résultats. En effet, l’OGC Nice connaîtra la meilleure décennie de son histoire dans les années 50, auréolé de quatre titres de champion de France et deux Coupes de France, battant également en 1960 sans l’éliminer le Real Madrid de Di Stéfano, Gento et Puskás. Tout ça sous les yeux de Josep Samitier, membre du staff merengue.

Par Grégory Sokol

Tous propos recueillis par GS

OGC Nice, 100 ans de passion, Michel Oreggia, Gilletta-Nice-Matin, 2004
Morbo, Phil Ball, WSC Books Limited, 2011

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