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Diamanti, le solitaire

Alexandre Pauwels
6 minutes
Diamanti, le solitaire

Des dreadlocks, des tatouages, des yeux clairs. Aussi clairs que ses idées. On ne va pas se le cacher, Alessandro Diamanti est une curiosité. Un mec qui a su se hisser jusqu’à la Nazionale et l’Euro à la faveur d’une superbe saison à Bologne. Une sacrée victoire, quand on vient de tout en bas.

Le nom d’ « Alino » a résonné toute la saison durant, dans les travées du Stadio Renato Dall’Ara de Bologne. Une ville, un club qui ont vécu un passage de témoin cette année. La baisse de forme et le départ du héros Marco Di Vaio, et la révélation Alessandro Diamanti. « Alino » donc, de son surnom d’adolescent tout frêle, est devenu le playmaker des Felsinei, et ses performances lui ont valu une sélection pour l’Euro. Un honneur qu’il mérite. Mais la curiosité là-dedans, outre un look assez unique dans le calcio, c’est que Diamanti a 29 ans. La question qui se pose logiquement est : qu’a-t-il foutu pendant toutes ces années ? Et bien, il a galéré dans les bas-fonds, appris de ses erreurs dans la pénombre. Il n’est pas le premier à se révéler à l’orée de la trentaine, en Italie. Mais il est le seul dans la jeune liste du sélectionneur Prandelli. Un technicien qui a flairé le pari. Reste à voir s’il s’avèrera bon ou mauvais.

Mieux vaut tard que jamais

Dire qu’Alessandro Diamanti a galéré est un euphémisme. Il vient de la « gavetta » , comme on dit au pays. Autrement dit, il a grandi dans les divisions inférieures, longtemps, avant de pouvoir percer. Natif de Prato en Toscane, Alino trimballe toute sa jeunesse de footballeur dans des clubs de seconde zone, du genre Prato donc, Empoli, Fucecchio, Florentia Viola (oui, le nom de la Fiorentina ruinée)… Autant dire de la Serie C et Serie D, exclusivement. Dans la tradition d’un pays qui n’accorde que peu de chance à ses jeunes, Alessandro Diamanti doit faire preuve de patience, changer de club fréquemment en espérant donner de l’élan à sa carrière. Certes. Mais il y a aussi un caractère fantasque chez le jeune homme, grand fêtard, qui grille par son comportement sa première cartouche lors d’une pige à l’AlbinoLeffe, sa première saison en Serie B. Pour autant, c’est bien ce même comportement qui lui vaudra une deuxième chance : à peine un an après son échec en B, il est recruté par Livourne.

Le président du club, Aldo Spinelli, a été conseillé par son joueur Fabio Galante, l’un des plus grands bringueurs/baiseurs de la Botte, qui aurait partagé quelques virées en boîte avec le jeune Alino. Ce dernier entrevoit donc la chance de découvrir la Serie A, à 24 ans. Alors que le pire est à envisager avec Galante à ses côtés, Diamanti s’assagit, se trouve une belle et intelligente présentatrice, Silvia Hsieh. Il grandit. Il passera au final deux bonnes saisons à Livourne, s’illustrant dans un rôle de milieu offensif expert en coups de pied arrêtés, le tout pour un bilan correct (17 buts en 59 rencontres). En plus de l’avoir révélé, Livourne reste encore aujourd’hui le club où il aura posé ses valises le plus longtemps : deux saisons. Parce qu’après son aventure toscane, Alessandro ne cessera de changer d’air. Encore. En homme libre, il se taille contre toute attente à West Ham découvrir la Premier League, revient à Brescia l’année suivante et, lorsque le club lombard redescend, atterrit finalement à Bologne. Club qui s’attribue la moitié de son contrat et se rend vite compte qu’il en aura pour son argent.

Une simple alternative ?

On connaît donc la suite. Enfin, pas tout le monde. Car, dans le petit club qu’est Bologne, habitué des joutes de bas de tableau, dur pour Diamanti de se faire remarquer, si ce n’est avec un trash-talking toujours vivace ( « Totti n’est pas une bandiera, car, pour moi, elles n’existent pas. Il a fait une grande carrière, mais s’il l’avait fait gratuitement, alors ce serait une bandiera. Mais avec un salaire de 10 millions ? C’est facile. Quand il y a de l’argent, il n’y a pas de symboles, les symboles n’existent que dans le volontariat… » ). C’est dire le mérite qui lui revient, au sortir de cette saison, d’avoir pu être apprécié par Prandelli. D’avoir su exister, alors que l’attention est plutôt attribuée à des joueurs de « grands » clubs.

Ses belles prestations (7 buts et autant de caviars en 30 rencontres), son jeu foufou et influent ont séduit, comme sa patte gauche, qui se présentait comme une évidente alternative à Pirlo sur coups de pied arrêtés. Voilà donc Diamanti à l’Euro, un objectif que le joueur clamait dès son arrivée à Bologne cette année. Car il n’avait, jusqu’à sa « nomination », été appelé qu’une fois en équipe nationale. Une petite sélection, une petite mi-temps disputée face à la Roumanie, en novembre 2010. Une sélection à laquelle il tenait tellement, qu’il était allé jusqu’à cacher un début de grippe à son coach, juste pour goûter au maillot azzurro. Une preuve d’amour certaine. De consécration, aussi. Et d’envie de profiter, par crainte que cela n’arrive plus.

Implication

Cette fois-ci, Alessandro n’a pas menti. Mais les sceptiques demeurent nombreux devant son envol pour la Pologne. Pourquoi sélectionner un mec de 29 ans, sans réel avenir au sein du collectif ? Au final, il n’y a qu’à jeter un regard en arrière pour se rendre compte qu’Alino est loin d’être le seul : à son poste, Francesco Moriero (Mondial 98) et Cristiano Doni (Mondial 2002) sont aussi apparus en Nazionale tout proche de la trentaine. Récemment, on pense à Luca Toni, aussi. Reste encore à savoir à quelle trempe appartient Diamanti : s’il restera cet honnête joueur de petit club qui n’existera que le temps d’une compétition internationale, comme les deux premiers cités, ou s’il peut aspirer à un futur plus glorieux, comme le troisième. Au bout de deux rencontres de poule, la réponse se fait toujours attendre. La raison est simple : Alino n’a pas disputé la moindre minute de jeu. La faute à une révision de schéma tactique de la part du sélectionneur Prandelli, passé du 4-3-1-2 au 3-5-2.

Le maître à jouer de Bologne ne semblait pouvoir exister que dans le premier dispositif, taillé pour son rôle de milieu offensif. Pourtant, pour ce qui pourrait être l’ultime match de la Squadra Azzurra à l’Euro face à l’Irlande, Diamanti peut encore partir titulaire. Pour un nouveau changement tactique et pour son mérite, comme l’explicitait récemment Cesare himself : « Mes compliments vont à « Ale », pour sa grande implication. Tout le monde est impliqué, mais lui tout particulièrement. » Prandelli n’a pas tort, comme dit le proverbe, « le plus grand hommage que l’on puisse faire d’un diamant, c’est de l’appeler un solitaire » . De fait, s’attendre à découvrir, ce lundi, une dégaine de fou furieux.

Edoardo Bove : et maintenant ?

Alexandre Pauwels

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