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Cristiano Ronaldo à contre-pied

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Cristiano Ronaldo à contre-pied

Sacré meilleur joueur en Angleterre pour la deuxième année consécutive, Cristiano Ronaldo est bien évidemment l'homme de la saison. Mais sera-t-il celui de l'année ? Rien n'est moins sûr car à l'heure du money time (finale de Ligue des Champions, Euro), l'attaquant de Manchester United n'a pas encore apporté toutes les garanties.

Ces dernières semaines, on a vu Sir Alex Ferguson guilleret. L’œil gourmand, il comptabilise les innombrables superlatifs dont l’Europe du football affuble Cristiano Ronaldo, son Cristiano Ronaldo. Et en bon homme à tout (bien) faire de Manchester United, à la fois entraîneur, recruteur, nounou et comptable, Fergie estime, évalue, soupèse les propositions qui s’apprêtent à inonder le fax de MU, sûr que l’affaire sera(it) forcément bonne. Car Ronaldo a peut-être donné ce qu’il avait de meilleur et la suite de la success story pourrait ne pas être à la hauteur.

Un bilan chiffré imparable

Dit comme ça, l’hypothèse tiendrait presque du blasphème. On n’est pas aveugles, le Portugais cartonne. Cette saison, l’attaquant mancunien facture 40 buts toutes compétitions confondues dont 30 en championnat, à une petite unité du record d’Alan Shearer (en 95/96) depuis la réduction de la Premier League à vingt clubs. Et la saison n’est pas encore tout à fait terminée.

Oui, dans la foulée de la saison dernière, Ronaldo continue de repousser ses limites. En plus, il faut le dire, le numéro 7 de United a donné et redonné dans toutes les positions, de toutes les manières : sur coups de pied arrêtés entre penalties cliniques et coup-francs ahurissants, pied droit, pied gauche, de la tête, du ventre (si, si), un café, l’addition.

Quand on prend soin de détailler la bête, on constate là encore qu’il ne manque rien. Rapide, puissant, endurant et une détente assez phénoménale très bien utilisée, Rome ou Liverpool pourraient en témoigner. De plus, au-delà d’un physique désormais proche de ce qui se fait de mieux, Ronaldo a manifestement travaillé sa truffe.

Cette saison, bien plus que les précédentes, il a fait preuve d’un flair et d’une présence dans la surface dignes des meilleurs goleadors, véritable fox in the box. La confiance aidant, le Lusitanien ne se pose pas de questions et flingue à tout va dès qu’il sent le cadre à portée de fusil. Allons bon, ben tout va bien alors ? Peut-être sauf qu’à bien y regarder, cette réussite fascine autant qu’elle peut inquiéter.

Où est passé le funambule ?

Car au fond, le contenu de nombreux matchs de Ronaldo interpelle. Hormis contre quelques tâcherons de Premier League, le Mancunien n’a que très rarement surclassé ses adversaires alors que ses stats affolantes tendraient à montrer qu’il a outrageusement survolé la saison. On ne compte plus les rencontres où le supposé meilleur joueur a fait preuve d’une discrétion parfois proche de la contre-performance. Jusqu’à ce qu’un but n’attire d’un coup d’un seul la lumière et les louanges.

Bien sûr, cette capacité à éclairer le destin de son équipe sur un coup de cuillère à pot peut être perçue comme la marque des tout grands. Sauf que ce genre de coup d’éclat ne devrait arriver que les jours “sans”. Et, à bien visionner les productions intégrales de Ronaldo (et pas les résumés), on s’aperçoit qu’il en a presque fait son ordinaire, rarement très brillant dans le jeu, si ce n’est contre Aston Villa (son meilleur match de l’année) et une poignée d’autres rendez-vous à la dimension souvent relative.

Alors, on pourrait aussi évoquer le pedigree des grands buteurs aussi modestes dans leur participation collective que prolifiques dans la réalisation à l’image d’un David Trezeguet par exemple. Sauf que pour cette race particulière d’attaquants, la discrétion est inhérente à leur jeu, on pourrait presque dire à leur efficacité quand il s’agit de rester tapi dans l’ombre, de passer le plus clair de son temps à traîner dans la surface, à guetter le moindre ballon exploitable. Et Ronaldo n’appartient pas à cette famille, puisque très actif dans tous les secteurs.

Oui, Ronaldo ne se planque pas et c’est peut-être ce qui est troublant. Car le Portugais tente toujours autant de provoquer balle au pied mais il ne passe pratiquement plus, si ce n’est en vitesse et en puissance une fois lancé. Mais face à une défense en place, plus rien ou presque. Les exemples pourraient se multiplier en championnat comme en Ligue des Champions.

Pour qui se souvient de la double confrontation face à Lyon, personne n’a souvenir d’un seul dribble réussi. Et pour cause, il n’y en a pas eu. On n’exagère pas. Un visionnage scrupuleux du match aller comme du retour l’indique sans ambages : Ronaldo n’a pas éliminé un seul Lyonnais. Même Ben Arfa et sa défense fantôme lui ont piqué le ballon en un contre un. Mais encore une fois, son but de renard à Old Trafford a effacé la production. Ou plutôt l’absence de production.

Discret lors des grands rendez-vous

Hyper-réaliste cette saison, à défaut d’autre chose, contre des équipes au calibre inférieur (Lyon, Rome, Liverpool ou même Arsenal), Ronaldo continue de se casser le nez avec une extrême régularité contre le haut du pavé. Contre ces formations que Manchester ne surclasse pas, les faiblesses de la star continuent de ressortir dans les grandes largeurs et prennent d’autant plus de relief quand la hype d’en face est digne, elle, de sa réputation. On se souvient du duel très largement perdu face à Kaka la saison passée. Cette année, c’est Lionel Messi qui affiché toute sa classe face à une défense mancunienne autrement plus solide que celle de Barcelone sur laquelle n’a pourtant cessé de buter Ronaldo.

Certes, Manchester United est en finale de Ligue des Champions (le 21 mai prochain) face à Chelsea et c’est une nouvelle occasion pour lui de mettre fin à cette série de rendez-vous manqués. Tout comme on attend déjà monts et merveilles de lui à l’Euro.

Pourtant, Arsène Wenger se charge de tempérer les espérances. « Ça sera beaucoup moins évident pour lui avec le Portugal car il est très attendu, mais il sera moins bien entouré qu’à Manchester » . En clair : il y aura nettement moins de possibilités de masquer ses faiblesses éventuelles (et régulièrement aperçues cette saison, on se répète).

Là encore un rapide coup d’œil aux éliminatoires renvoie à l’ambiguïté du bonhomme : buteur certifié (8 réalisations) mais une seule fois scoreur contre un des quatre premiers (face à la Pologne).

En juin en Suissautriche, il n’y aura pas d’Azerbaïdjan, d’Arménie, de Kazakhstan ou même de Belgique (7 pions contre eux) pour soigner les stats à moindre coût. Il n’y aura que du lourd ou presque. Et là, on saura vraiment si Cristiano Ronaldo est l’immense champion 2008 que les chiffres jusqu’ici le laissent supposer.

Par Dave Appadoo

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