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Comment le football se positionne-t-il dans les manifestations en Iran ?

Par Quentin Ballue, avec Amaury Goncalves
Comment le football se positionne-t-il dans les manifestations en Iran ?

Les manifestations qui secouent le pays depuis deux semaines n'ont laissé indifférent aucun secteur de la société iranienne, y compris le football. En activité ou retraités, de nombreux joueurs ont pris position en faveur du mouvement de contestation. Malgré les menaces et la répression.

« Désormais, les plus conservateurs, y compris parmi ma propre famille, s’expriment clairement. Au téléphone, avant, on parlait avec des codes. Maintenant, ils me parlent ouvertement. Quelque chose de très important a été brisé. » Réfugié en France depuis 40 ans, le journaliste iranien Jamshid Golmakani porte un regard empreint d’émotion sur les manifestations qui agitent son pays depuis le 16 septembre. Le décès de la jeune Mahsa Amini dans des conditions troubles, quelques heures après son arrestation par la police des mœurs pour port du voile « inapproprié » , a poussé des milliers d’Iraniens à descendre dans la rue pour défier les autorités. « En étant très gentil, on peut parler de régime autoritaire. C’est un régime très agressif vis-à-vis des droits fondamentaux des êtres humains », explique Golmakani, l’ONG Iran Human Rights dénombrant au moins 92 morts dans la répression des protestations. Une situation tendue, dans laquelle le football est plus qu’un simple spectateur.

« Ils nous appellent pour nous menacer »

Nombre d’internationaux ont utilisé les réseaux sociaux pour appuyer les manifestants, en remplaçant leur photo de profil par un fond noir ou en publiant des messages de soutien. C’est le cas de Mehdi Taremi, Vahid Amiri, Karim Ansarifard, Sardar Azmoun ou encore Saman Ghoddos, qui a salué « le courage des femmes de (son) pays ». Le milieu de terrain d’Esteghlal Zobeir Niknafs s’est quant à lui rasé la tête pour montrer sa solidarité avec les nombreuses Iraniennes qui se sont symboliquement coupé les cheveux. Ont aussi pris parti des légendes nationales comme Ali Daei, Karim Bagheri et surtout Ali Karimi, qui a multiplié les publications sur Instagram, où il compte plus de 13 millions de followers. Mardi dernier, le match de la Team Melli face au Sénégal s’est joué à huis clos en Autriche, à la demande de la fédération iranienne, pour prévenir tout incident. « Le football fait peur. Lors d’autres mouvements de contestation, en 2009 ou il y a trois ans, ils avaient annulé des matchs sous prétexte qu’ils ne pouvaient pas assurer la sécurité de la population. Mais à vrai dire, c’était plutôt pour la sécurité du régime, pour sa légitimité », rebondit Golmakani, qui a notamment réalisé le documentaire Iran, du foot et des affaires.

Les joueurs de la sélection nationale ont néanmoins marqué le coup en portant une parka noire pendant l’hymne national. « Nous voulions jouer le match avec un maillot noir, mais la fédération ne nous a pas laissés faire, confie un joueur souhaitant garder l’anonymat. On a donc utilisé des vestes noires pour montrer notre soutien au peuple. Le noir symbolise la tristesse, c’est la couleur que l’on porte pour des funérailles. Nous sommes avec notre peuple et nous voulons qu’il le sache, car il est mis sous pression par le gouvernement. C’est pourquoi nous leur montrons que nous les soutenons et que nous sommes avec eux, mais on a peur d’être arrêtés. » Certains l’ont déjà été, à l’image du défenseur Hossein Mahini, qui a publiquement affiché son soutien aux manifestants. « Personne ne sait où il est maintenant, déplore un ancien coéquipier. Si on poste quelque chose sur les réseaux sociaux, ils nous appellent pour nous menacer de nous arrêter. On n’est pas en sécurité. »

Prince of Dispersia

La menace est d’autant plus présente que « comme là-bas, tout est idéologie, tout est dans les mains du pouvoir politique, y compris le football », éclaire Golmakani. « L’actuel responsable du football iranien(Mehdi Taj, NDLR)est profondément pro-régime, c’est un ancien membre des gardiens de la révolution. » Raison pour laquelle un point d’interrogation entoure aujourd’hui la présence de Mehdi Taremi, Sardar Azmoun et consorts à la Coupe du monde. « Un petit prix à payer pour ne serait-ce qu’une seule mèche de cheveux d’une femme iranienne, a balayé Azmoun sur Instagram. Je n’ai pas peur d’être évincé. Honte à vous d’avoir si facilement tué le peuple et vive les femmes d’Iran. »

« C’est un coup supplémentaire pour affaiblir le régime et renforcer ce mouvement populaire, estime Golmakani. Jusque-là, les footballeurs s’exprimaient sur le plan professionnel, par exemple en mettant en cause la gestion de l’équipe de football par les responsables gouvernementaux. Ils mettaient en cause le régime et sa légitimité dans leur domaine professionnel. Ils s’exprimaient, mais pas politiquement, comme depuis deux semaines. À côté de ça, il y a des footballeurs qui interviennent comme des milices du régime, par exemple Khodadad Azizi, qui avait marqué le but décisif contre l’Australie dans le match qualificatif pour la Coupe du monde 1998. Ce monsieur est pro-régime, il suit les ordres et la politique du pouvoir. »

Dans ce contexte, le collectif Open Stadiums, qui milite pour l’ouverture des stades aux Iraniennes, a publié une lettre ouverte destinée à Gianni Infantino, demandant à ce que l’Iran soit exclu du Mondial. « Au même titre que la Russie, nous confie une membre du collectif. Sinon, la FIFA montrerait un double visage en matière de droits de l’homme. » La lettre invoque notamment l’article 3 des statuts de l’instance, qui proclame que « toute discrimination […] pour des raisons de conceptions politiques ou autres […] est expressément interdite », sous peine de suspension ou d’exclusion : « Pourquoi la FIFA donnerait à l’État iranien et à ses représentants une scène mondiale, alors qu’il refuse non seulement de respecter les droits humains basiques, mais est en train de torturer et de tuer son propre peuple ? » L’Iran doit commencer la sixième Coupe du monde de son histoire dans 49 jours, contre l’Angleterre. D’ici là…

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Par Quentin Ballue, avec Amaury Goncalves

Tous propos recueillis par QB et AG, sauf mentions.

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