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Comment la France va jouer sans Ribéry

Par Markus Kaufmann
Comment la France va jouer sans Ribéry

Didier Deschamps annonce le forfait de Franck Ribéry, et une partie de la France ne cache pas sa joie. D'après celle-là, les Bleus seront plus forts sans leur meilleure individualité. Concrètement, dans tous les secteurs du jeu, que change l'absence de Franck Ribéry et comment Didier Deschamps peut-il réussir à la compenser ?

Ils sont nombreux à avoir souhaité que Didier Deschamps fasse avec Ribéry ce que Jacquet avait osé faire avec (ou plutôt sans) Ginola et Cantona. Problème : son groupe, Deschamps l’a choisi en 2012, lorsqu’il a commencé à former une équipe pour qualifier les Bleus à la Coupe du monde. Et il se trouve que lors de ces qualifications, Ribéry était indispensable. Des Bleus, il aura été un cadre, un leader technique, un joueur décisif (contre la Biélorussie, l’Espagne, la Géorgie, la Finlande, c’est-à-dire contre tout le monde) et parfois même une sorte de sauveur, à Minsk notamment. Deschamps est maintenant forcé de plonger dans l’inconnu. Moins de certitudes, de vécu, d’automatismes. Sans tomber dans une éternelle envie de renouveau – et sans se laisser trop influencer par la victoire 8-0 contre la Jamaïque – on peut se poser la question : comment l’équipe de France peut-elle vraiment devenir une meilleure équipe sans Franck Ribéry ?

Comment défendre le côté gauche ?

Pour commencer simplement, Didier Deschamps perd son attaquant gauche titulaire. Ce n’est ni Mark van Bommel ni Andrea Pirlo : ce n’est « qu’un attaquant » . Dans le 4-3-3 qui s’était finalement imposé, Ribéry formait avec Benzema et Valbuena un trio de joueurs techniques capables de faire la différence aussi bien par la passe que le but. Des trois, il était surtout le meilleur défenseur. Ainsi, la phase défensive est certainement celle qui a le plus inquiété Deschamps lorsqu’il a appris le forfait de son numéro 7. Sur ce côté gauche, celui d’Évra, Ribéry était l’assurance constante d’une aide défensive. D’autant plus qu’avec un milieu fait de trois relayeurs, l’équipe de France doit encore convaincre Deschamps qu’elle sait gérer les phases de transition. Avec Ribéry à gauche et l’éternelle faible activité offensive du côté droit, les côtés semblaient protégés.

Sans le 7, le rôle défensif de Blaise Matuidi prend une toute nouvelle dimension, si c’est encore possible. Si DD choisit Giroud devant Benzema et Valbuena, Matuidi viendra couvrir les montées d’Évra, ou Évra ne montera pas. De toutes les options du sélectionneur, aucune n’offre le volume de jeu de Ribéry, mais celle de Griezmann semble la moins risquée en phase défensive, de par ses bonnes aptitudes au pressing. Enfin, s’il est terrible de perdre Ribéry à quelques jours du Mondial, il faut préciser que la dernière titularisation du numéro 7 remonte au fameux 19 novembre contre l’Ukraine. Les Bleus de Deschamps auront donc évolué sans leur ailier gauche durant quatre matchs : Pays-Bas (Ribéry entre à la 63e minute), Norvège, Paraguay et Jamaïque. Ils n’auront encaissé qu’un but, sur coup de pied arrêté.

Ouverture du jeu et automatismes

À la construction, Ribéry pouvait non seulement décrocher pour venir aider son milieu de terrain à se mettre en place – ce que devrait pouvoir faire n’importe lequel de ses remplaçants – mais il savait aussi prendre le recul nécessaire pour remettre en retrait, voire renverser sur le côté opposé pour mieux déséquilibrer le bloc adverse. Un savoir-faire plutôt rare. Ce sont les fameux coups d’œil où, sans contrôle, Ribéry remet à Varane ou Pogba à droite. Là, Deschamps n’a pas forcément de solutions. Avec un droitier comme Benzema, il garde cette possibilité, mais avec un gaucher comme Griezmann, il prend le risque de condamner son côté gauche, même si le joueur de la Real a la mobilité pour donner de la continuité à la construction du jeu des Bleus, peu importe sa position sur le terrain.

Si Ribéry ne participait pas à la relance – ça n’a jamais été son rôle – la France avait pris l’habitude de voir Cabaye réaliser de longues transversales pour renverser le jeu vers son numéro 7, toujours prêt à coller la ligne de touche pour mieux écarter le terrain. Alors, Ribéry était dans une position idéale pour fixer la défense. Pour conserver ce qui était devenu un automatisme, Deschamps peut laisser Benzema à gauche, lui qui a pris l’habitude d’évoluer sur tout le front de l’attaque, mais l’option Cabella (droitier) semble celle qui se rapproche le plus du pur ailier de débordement qu’est Ribéry.

La fin de la dictature de la gauche ?

Depuis qu’il a fait déménager Malouda, Ribéry n’habite pas le couloir gauche, il l’occupe. Le déséquilibre avec le côté droit semble désormais séculaire, et le jeu des Bleus en est forcement devenu plus prévisible. Si l’apport de la mobilité de Valbuena a permis de diluer cet effet depuis que le Marseillais est titulaire, le forfait de Ribéry pourrait faire tomber ce qui semblait être devenu aussi difficile à réformer qu’une institution administrative. En admettant que Benzema et Valbuena ont une place assurée dans le trio offensif de Deschamps, et que le sélectionneur ne bouleverse pas son 4-3-3, le remplaçant de Ribéry devrait être Griezmann, Cabella, Giroud ou Rémy, sans oublier l’option Sissoko à droite. Certains sélectionneurs n’aiment pas changer de système. D’autres varient volontiers. Il y a les Scolari et les Prandelli : deux écoles. Deschamps semblait vouloir arriver au Brésil avec un onze type. Il se retrouve finalement avec trop d’inconnues pour faire un choix définitif. Résultat : cela risque de varier.

Mais il est certain que sans Ribéry, Benzema et Valbuena auront plus de ballons, plus de temps de réflexion et plus d’influence sur le jeu. La question est de savoir ce que veut Deschamps, ce qui dépendra certainement de l’adversaire. Contre une défense regroupée, l’option Giroud semble évidente, à condition que les Bleus parviennent à défendre leurs couloirs. Dans une bataille équilibrée, Deschamps aurait intérêt à faire confiance à un joueur apportant profondeur et verticalité, comme Griezmann ou Rémy, afin de profiter au maximum des qualités de Benzema face au jeu. Enfin, si les Bleus doivent défendre bas et profiter de grands espaces, l’option Cabella serait celle qui se rapprocherait le plus de Ribéry : de l’explosivité, de la vitesse et de l’adresse à la finition, l’expérience et peut-être aussi l’intensité en moins.

Ribéry, c’est avant tout un état d’esprit

Au-delà du système, les Bleus perdent une force de la nature, une intensité, un état d’esprit. Même dans sa pire forme, Ribéry sera toujours, si ce n’est le meilleur, très utile. Un joueur qui va de l’avant, toujours, quitte à forcer son jeu, quitte à perdre des ballons, à défendre pour trois, à prendre ses responsabilités. Trop ? Peut-être. Mais cette équipe de France ne peut pas se vanter d’avoir trop de cadres. Le match de Ribéry contre l’Ukraine au stade de France (à revoir en vidéo plus bas) est le symbole de l’interprétation aléatoire des performances du numéro 7 en Bleu depuis 2012. Le 19 novembre, Ribéry essaye beaucoup, rate un peu, mais rend une copie énorme.

C’est son tir qui amène le premier but, il offre la passe décisive sur le but injustement refusé de Benzema et une autre dernière passe sur le tir dangereux de Valbuena en fin de première mi-temps. Après la pause, le côté gauche de Ribéry porte l’animation offensive bleue et harcèle les Jaunes. Après avoir expulsé Khacheridi, il offre une série de passes dans l’intervalle à Matuidi, Benzema et Valbuena : quand d’autres se cachent, lui crée, tout simplement. Enfin, c’est son « tir » qui rebondit sur le genou de Sakho, qualifiant les Bleus. À défaut d’avoir fait le Maradona, Ribéry a fait un match complet, un match de cadre, un match qui aurait été salué comme un classique en Angleterre ou en Amérique latine, où les valeurs de combat prennent une toute autre signification. Cette volonté, elle est irremplaçable. Et l’effet qu’elle peut avoir sur les adversaires est peut-être encore plus importante : les Bleus perdent un argument d’intimidation. Pour gagner en imprévisibilité ?

Nkunku, à fond les ballons ?

Par Markus Kaufmann

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