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Coke : « Contre Liverpool, j’ai senti toute la force du FC Séville »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
8 minutes
Coke : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Contre Liverpool, j’ai senti toute la force du FC Séville<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En finale de Ligue Europa 2015-2016, le capitaine du FC Séville, Coke Andujár Moreno, a inscrit un doublé décisif face au FC Liverpool. Aujourd’hui à Schalke 04, le latéral droit de vocation raconte ce jour qu’il n’aurait même pas imaginé en rêve.

Avant de démarrer cette finale, Séville était double tenante du titre. Vous aviez battu Benfica en 2014, puis le Dnipro en 2015… Est-ce que le fait d’affronter Liverpool, un grand club d’Angleterre, était une pression supplémentaire ? Il n’y avait pas de réelle pression particulière par rapport aux deux autres finales. C’est juste que cette affiche rendait la finale bien plus belle et attractive. Attention, le Benfica et le Dnipro méritaient leur place en finale, il n’y a rien à dire là-dessus. Mais Liverpool, c’est une histoire européenne encore plus forte, que tous les fans de football connaissent. Et puis, il faut le dire, Liverpool avait fait un superbe parcours et son équipe était très compétitive. Ils étaient plus sous pression que nous, car selon l’issue de la rencontre, soit ils allaient jouer la Ligue des champions l’année suivante, soit ils ne jouaient aucune compétition européenne. Pour eux, c’était quitte ou double en quelque sorte. Pour nous, c’était un vrai défi collectif de jouer cette équipe sur un seul match.

Liverpool était aussi le nouveau club d’Alberto Moreno, champion d’Europe avec vous lors de l’édition 2013-2014. Est-ce que vous vous êtes appelé avant le match, pour vous chambrer un peu ? On se parle toujours un peu avec Alberto, à travers des messages par portable ou via les réseaux sociaux. Mais cette fois-ci, nous étions restés discrets avec lui. Chacune des deux équipes se préparait de son côté, avec concentration et l’objectif de remporter la compétition. Donc non, je n’ai pas parlé avec Alberto à partir du moment où nous savions que nous allions nous retrouver à Bâle. Je lui ai simplement souhaité bonne chance avant la rencontre, mais c’est tout.

En conférence de presse d’avant-match, Unai Emery évoquait la Ligue Europa comme « la femme » du FC Séville. C’était une manière de vous mettre en confiance avant d’affronter Liverpool ? Dans son histoire européenne, le FC Séville s’est lié d’une manière très spéciale avec la Ligue Europa. Nous avions l’opportunité de remporter la C3 pour la cinquième fois, une performance historique qu’aucun autre club en Europe n’avait réalisée. Aujourd’hui, quand tu penses au FC Séville, tu penses aux trophées remportés en Ligue Europa. Certains clubs sont déçus de ne jouer que la C3 car, au départ, ils ambitionnaient la C1. En conséquence, ils rentrent dans cette compétition sans réel objectif, parfois pour faire tourner leur effectif. Au FC Séville, jamais tu ne verras ce genre de choses. Il y a trop de respect pour l’Europe. La folie qui s’installe au sein du club dès le début de la compétition montre à quel point le désir de réussir et d’aller loin pour le sevillismo est fort.

Dans le dernier quart d’heure, les 5000 Sévillans se faisaient entendre et les 15 000 Anglais restaient silencieux.

Le jour du match au Parc Saint-Jacques de Bâle, il y avait beaucoup plus de supporters des Reds que du FC Séville. Est-ce que cela vous a surpris au moment d’entrer dans le stade ? En réalité, nous savions que ça allait se passer de cette manière. C’était du 70-30 en faveur de Liverpool, c’est vrai. Le FC Séville allait jouer deux finales en l’espace de quatre jours, car nous étions aussi qualifiés pour la finale de Coupe du Roi contre le FC Barcelone. Financièrement, nous savions que la plupart de nos supporters ne pouvaient pas se permettre de voyager jusqu’à Bâle, acheter le billet du match et rentrer, puis racheter un billet pour Madrid et nous supporter contre le Barça. Certains ont fait le choix de venir en Suisse, d’autres d’aller au Vincente-Calderón. Mais je me souviens très bien que lors de la seconde période, on entendait bien chanter les Sevillistas. Dans le dernier quart d’heure, les 5000 Sévillans se faisaient entendre et les 15 000 Anglais restaient silencieux. Cela nous donnait encore plus de courage pour terminer le match avec cette victoire. Au départ, Emery se décide à te mettre titulaire en milieu droit, avec Mariano derrière toi, en latéral. Quelles étaient les consignes données par le maestro ? Deux ou trois matchs avant cette finale, le coach me teste sur ce même poste, un peu plus avancé. Ça s’était bien passé : j’avais marqué dans le derby face au Bétis, puis j’avais confirmé ma bonne prestation contre l’Espanyol et le Sporting Gijón. L’objectif, c’était d’avoir un bon repli défensif avec Mariano, car nous savions que le côté gauche serait occupé par Coutinho et Alberto Moreno, deux profils offensifs. Ensuite, en phase de possession, je devais combiner avec les autres milieux de terrain et, si l’opportunité se présentait, me faufiler vers l’intérieur et tenter ma chance sans hésiter.

Est-ce que le choix de te titulariser en face à face direct avec Alberto Moreno, un joueur que tu connaissais particulièrement bien, était voulu par Unai ?Avec Unai, nous étudions en profondeur toutes les équipes que nous allions affronter. Tous les joueurs, tous les schémas de jeu possibles… Tout, en fait. Dès lors, il devient presque impossible de ne pas connaître le footballeur que tu vas avoir en face de toi pendant le match. Bien sûr, je connaissais aussi Alberto en tant que personne, mais le joueur aussi je le connaissais par cœur. C’est juste une petite anecdote, mon placement sur le terrain ne venait pas de cette affinité que nous avions.

Très sincèrement, je pense que nous avons réalisé une seconde période parfaite, de la première à la dernière minute. Nous aurions pu battre n’importe quelle équipe sur ces 45 minutes.

Vous vous êtes branchés pendant le match ? Non, pas du tout. Des paroles classiques, quand le jeu était arrêté ou quand il fallait obtenir une touche ou parler avec l’arbitre, mais il n’y a eu aucune blague ou provocation pendant le match. Nous étions tous les deux là pour gagner, c’était le seul objectif. L’atmosphère du moment était trop tendue pour prendre la chose à la légère.
À la mi-temps, vous êtes menés 1-0 et c’est plutôt bien payé vu la domination adverse. Quel est le discours d’Emery dans les vestiaires ? Il nous a dit qu’on devait retrouver notre identité de jeu et dominer la balle, comme nous l’avions fait lors des précédents matchs. Il considérait Liverpool comme une équipe très forte, mais il nous a convaincus que nous étions plus forts qu’eux, que nous avions la capacité d’inverser la tendance. En deuxième mi-temps, nous attaquions du côté où se trouvaient nos supporters. Emery nous a dit qu’il fallait regarder cette tribune et agir comme si nous jouions à domicile, sans faire attention aux supporters de Liverpool. Au Sánchez-Pizjuán, nous étions capables de battre n’importe qui : le Real Madrid, le Barça… Très sincèrement, je pense que nous avons réalisé une seconde période parfaite, de la première à la dernière minute. Nous aurions pu battre n’importe quelle équipe sur ces 45 minutes. Le débordement de Mariano pour Kévin (Gameiro, ndlr) nous met dans les conditions idéales.

C’est le tournant du match d’après toi ? Probablement, oui. C’était la meilleure chose qui pouvait nous arriver. Juste avant le début de la seconde période, nous nous sommes réunis tous ensemble, comme si un nouveau match démarrait. On s’est dit que nous devions le faire, pour nous, pour nos familles. Il fallait se donner jusqu’à mourir de fatigue, car nous avions fourni trop d’efforts, trop de sacrifices pour en arriver là.

Tu peux croire que le fait de gagner trois fois la compétition en trois ans finit par t’habituer. Mais en fait, non.

Ensuite vient ton fameux doublé… Tu as le souvenir de ce qu’il te passe par la tête au moment de ces deux buts ? Marquer dans une finale de Coupe d’Europe, c’est souvent le rêve de tout footballeur professionnel. Alors imagine, marquer un doublé qui donne la victoire à ton équipe, pfff… C’était plus qu’un rêve devenu réalité. À Bâle, j’ai senti toute la force du FC Séville. Personnellement, je marque de temps en temps, mais là, un doublé en finale… Il y a une certaine forme de chance aussi là-dedans. Carlos Bacca l’avait fait l’année d’avant, mais bon, il était attaquant ! (Rires.) Le secret de cette victoire, c’est que nous avons lutté jusqu’à la fin, sans jamais arrêter d’y croire.

Ça fait quel effet de soulever une Coupe d’Europe en tant que capitaine ? Ça aussi, c’est un rêve ! Tu peux croire que le fait de gagner trois fois la compétition en trois ans finit par t’habituer. Mais en fait, non. C’est toujours une joie immense, parce que tu te dis que c’est peut-être la dernière fois que tu vas soulever cette coupe. Quand je regarde les photos de notre célébration, ce sont des souvenirs qui resteront gravés pour toujours.

Tu te souviens des mots d’Emery dans le vestiaire après avoir remporté cette troisième C3 ? Je ne crois pas qu’il y ait eu beaucoup de mots, mais des cris de joie, oui ! (Rires.) Nous sommes restés tranquilles le soir même sur Bâle, car la Coupe du Roi arrivait le week-end suivant. Mais bon, Emery en avait profité pour nous remercier un par un de l’investissement mis au quotidien dans notre travail. Il s’était adressé aux 25 joueurs de l’effectif, même à ceux qui étaient blessés ou n’avaient pas joué la finale. C’était la victoire d’un groupe.

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Propos recueillis par Antoine Donnarieix

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