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C’était Daniel Leclercq, notre Druide

Propos recueillis par Florian Lefèvre, Mathieu Rollinger, Simon Butel, Andrea Chazy et Matthieu Pécot
C’était Daniel Leclercq, notre Druide

Il a été champion de France sur le banc du RC Lens en 1998, un exploit dingue qui a marqué l'histoire du foot français. Daniel Leclercq, surnommé le Druide, s'est éteint ce vendredi 22 novembre à l'âge de 70 ans. Ceux qui l'ont côtoyé ont tenu à lui rendre hommage.

Guillaume Warmuz (gardien du RC Lens champion de France 1998)

« C’est un jour qui devient triste, tout à coup. Daniel fait partie de notre histoire, une histoire commune. À Lens, quand on a été sur le toit de France, c’était son histoire, c’était son moment. On pense que les choses vont toujours être comme ça et finalement…

Quoi qu’il arrive, le Grand Leclercq restera comme un personnage atypique. Un perfectionniste qui voulait toujours aller de l’avant, qui voulait du panache. Il avait un côté décalé dans le sens où il n’était jamais satisfait. Il était exigeant, très caractériel, mais aussi très compétiteur. Je me souviens d’un match que l’on gagne 2-0 ou 3-0, il n’était pas content parce qu’on avait loupé deux occasions. Au Havre, on devait mener à la mi-temps. Je vais voir mes quatre défenseurs, et on se dit : « On est à 1-0, on ne sort pas trop, on ne prend pas de risques. » Daniel me regarde et dit : « Commencez pas à jouer défensif. » Son idée de football-panache, « on va partout pour gagner » , quand on te dit ça au départ, surtout après une saison où tu as failli être relégué, ça fait un peu peur. Avant ça, on parlait des positionnements tactiques pour réduire les espaces. Lui n’avait pas du tout cette vision-là, il voulait un football offensif, d’attaque. Pour notre génération, c’était presque révolutionnaire.

Il voulait un football offensif, d’attaque. Pour notre génération, c’était presque révolutionnaire. Et finalement, c’est lui qui avait raison puisque ça a fonctionné. Quand on croit en un homme et en son projet, avec toutes ses qualités et ses limites, c’est toujours fort.

Et finalement, c’est lui qui avait raison puisque ça a fonctionné. Quand on croit en un homme et en son projet, avec toutes ses qualités et ses limites, c’est toujours fort. Il nous a ouvert les yeux avec des possibilités qu’on n’avait même pas imaginées. De penser que Lens pouvait être champion de France, bon… (Il souffle.) C’est improbable. Mais il a su prendre ses troupes et au mois de janvier, il nous a convoqués individuellement pour savoir si on voulait être champions. On a tous dit oui, évidemment. Cette journée à Auxerre (la dernière journée où Lens va décrocher son titre, N.D.L.R.), ça restera. On pouvait tout perdre et on est allé le chercher. Et c’est mérité parce que ça correspond à sa vision du football. C’étaient ses convictions, diffusées auprès d’une génération qui était prête à recevoir son message. Une conjonction. Il est natif du coin de Valenciennes (de Trith-Saint-Léger, N.D.L.R.), il a son histoire, il jouait à VA… C’est un gars du Nord, quoi ! Il faut habiter dans le Nord, vivre avec ces gens pour comprendre. Et puis, il y a le pays minier aussi, qui est encore autre chose. Mais Daniel collait très bien avec le Pas-de-Calais, les Corons… Il connaît toute cette histoire, il est sorti de là, il portait ça en lui. » MR


Arnauld Mercier (capitaine de Valenciennes en 2003-2004)

« Ce matin, je suis sous le choc. Daniel, c’est une personnalité, une gueule, quelqu’un de très charismatique. Il en imposait par son silence. Il y a deux jours, je parlais avec mon assistant de ses séances à Valenciennes, de sa vision du foot.

Quand j’étais son capitaine, j’étais au rapport avant, pendant et après les entraînements. Il me demandait d’être là le matin pour me dire ce qu’il attendait de moi en matière de leadership. Si la séance s’était mal passée, il me rappelait à l’ordre. Il exigeait que j’interagisse avec mes partenaires, il te transmettait une manière d’être qui permet de penser au collectif… Il m’a interdit de vestiaire pendant une semaine à la suite d’un article de presse erroné, la semaine de notre match de Coupe de France contre le Monaco de Didier Deschamps. Il était exigeant, mais très attachant parce qu’il aimait les joueurs. S’il trouvait que l’équipe avait joué le match du week-end dans la juste mentalité, il était capable de nous embrasser à l’entraînement tous les matins. Je voulais lui rendre hommage en l’invitant lui et son staff en Belgique. Ça me chagrine. Comme quoi, le destin vous rappelle que quand on a des idées, il faut les mettre en pratique… » FL


Jean-Guy Wallemme (capitaine du Lens champion de France en 1998)

« Ce matin, j’étais à l’entraînement quand j’ai vu tous les appels que j’avais sur mon téléphone, je me suis posé des questions. Et puis, il y a eu ce message de Gervais Martel… Je suis surpris, forcément, même si je savais qu’il avait de temps en temps quelques soucis de santé. Il avait l’air d’aller plus que bien, il allait souvent aux Antilles…

C’est quelqu’un qui avait énormément de caractère, avec beaucoup d’ambition. Je me souviens que lorsqu’il était joueur et qu’il s’énervait, il pouvait quitter le terrain.

On m’a dit que c’était une embolie pulmonaire, il avait plus des problématiques de cœur. Comme beaucoup d’entraîneur, par ailleurs… Il n’était pas non plus si âgé que ça. Je l’avais vu il y a huit mois de ça, au musée du RC Lens, pour les 20 ans du titre. Pour moi, ça reste des souvenirs extraordinaires que ça soit humainement ou sportivement. Avec lui, on a marqué l’histoire de ce club, quelque part. C’est quelqu’un qui a toujours (ou presque) été dans la région : il s’est occupé des jeunes, je l’avais croisé quand il était à Valenciennes, j’étais ensuite son capitaine, plus tard il a été mon directeur sportif quand j’étais entraîneur (2008-2010, N.D.L.R.). C’est quelqu’un qui avait énormément de caractère, avec beaucoup d’ambition. Je me souviens que lorsqu’il était joueur et qu’il s’énervait, il pouvait quitter le terrain. On pouvait parfois être en froid, on avait des petits conflits à cause de nos personnalités, mais je préfère retenir les bons moments. La saison du titre, on s’appelait très souvent pour parler de l’effectif. On a failli tout perdre, c’était très usant, mais à la fin, ça a été fabuleux. Après notre victoire à Auxerre, pour aller décrocher le titre, on s’est retrouvé à 4 heures du matin à Bollaert à fêter ça avec 40 000 personnes, et 60 000 le lendemain dans les rues de Lens. » MR


Jimmy Adjovi-Boco (défenseur du RC Lens de 1991 à 1997)

« Daniel, c’est le seul titre de Lens, un entraîneur exigeant, un joueur avec une patte gauche d’une précision redoutable.

On se souvenait tous du Grand Blond, qui faisait des transversales. Tout ce qu’il faisait était très professionnel, très carré. C’est la rigueur. Je l’ai connu quand il s’occupait des jeunes à Lens, puis ensuite lors de la saison précédant le titre, quand il a pris l’équipe avec Roger Lemerre au RC Lens. J’aimais discuter avec lui, parce que comme Sikora, Wallemme ou Laigle, c’étaient des gens du cru. Lui était un peu bourru, assez pudique, mais avec un fond extraordinaire et une connaissance du football fabuleuse. À cette période, on n’avait pas beaucoup de résultats, mais son analyse des choses était juste.

Il n’était pas comme les autres entraîneurs. Un caractère trempé, parfois un sale caractère. Et en disant ça, je le dis de manière bienveillante.

Par rapport au joueur qu’il était, il ne supportait pas qu’un de nous n’arrive pas à réaliser un exercice. Alors il prenait le ballon, il disait : « C’est comme ça qu’il faut faire » , et sans échauffement, sans rien, il le faisait parfaitement. C’est cette exigence qui a ensuite mené l’équipe au titre. Les gens le diront tous, Daniel était spécial. Il n’était pas comme les autres entraîneurs. Un caractère trempé, parfois un sale caractère. Et en disant ça, je le dis de manière bienveillante. Il pouvait avoir des mots durs, non pas pour blesser l’autre, mais pour que les choses avancent. Il transpirait le football, et dans sa dimension humaine, c’était quelqu’un de rare. » MR


Jean-Louis Borloo (président du VAFC de 1986 à 1991 puis en 2014)

« Daniel, c’est un taiseux qui voit très très clair. Quand je l’ai appelé la première fois pour qu’il prenne les rênes de l’équipe, j’étais à Paris et lui était à Valenciennes.

On devait se voir tout de suite, et on s’était retrouvé dans un resto-route sur l’autoroute du Nord, à mi-chemin. Je me souviens qu’il tenait aussi le bistrot « Le Penalty » en face de Nungesser… Un gars tendre, charmant, parfois bougon. Il aimait bien s’exprimer par les mots. Par des attitudes, des mimiques. Mais c’est un cœur en or, très tendre et assez blessé par la vie. Je n’ai jamais su pourquoi d’ailleurs. Ce n’était pas seulement un pied gauche magique, c’était le pied gauche le plus lumineux du football français. Il était d’une précision diabolique, il centrait comme d’autres faisaient des carreaux à la pétanque ! Il permettait à son partenaire à rester dans la dynamique, de ne pas ralentir sa foulée. Je vais vous dire : il est complètement le football du bassin minier. C’était il y a 20 ans, le moment où on passe du football d’un terroir à un football de l’argent.

Daniel, c’est le petit sourire qui en dit long. Ce n’est pas un type qui faisait des phrases. La taille du sourire disait tout. Petit, grand, allongé, vous pouviez lire sur son sourire ce qu’il pensait.

Lui, il avait encore ces valeurs d’un football de terroir, et ça tombait bien, car on n’avait pas les moyens d’être autre chose ! Il voulait que ses joueurs soient durs au mal, qu’ils mouillent le maillot, que l’esprit d’équipe prédomine. C’était un type d’une gentillesse infinie. Daniel, c’est le petit sourire qui en dit long. Ce n’est pas un type qui faisait des phrases. La taille du sourire disait tout. Petit, grand, allongé, vous pouviez lire sur son sourire ce qu’il pensait. Oui, c’est vrai, Daniel n’exultait jamais lorsque son équipe marquait. Je ne savais pas pourquoi, et d’un côté, ça ne m’a pas surpris non plus. Je pense peut-être que pour lui, le travail n’est fini que lorsqu’il est fini. Parce qu’à la fin du match, dans les vestiaires, il se détendait complètement. Le jour de la montée (en Ligue 2, à l’issue de la saison 2004-2005), je me rappelle un visage heureux, épanoui, apaisé. » AC


Martine Mauriaucourt (employée du RC Lens depuis près de 20 ans)

« J’ai partagé le bureau de Daniel quand il était directeur sportif. J’étais son assistante, je m’occupais du service du recrutement.

Des salariés du club pouvaient le croiser dans les brocantes, car c’était un grand collectionneur. Il collectionnait les capsules de champagne par milliers – on lui en ramenait – et des petites voitures anciennes.

Je voyais que c’était quelqu’un d’exigeant, de la vieille école. C’est quelqu’un qui pouvait faire peur de prime abord. Quand je ne le connaissais pas, je me disais : « Il ne doit pas être facile celui-là. » Mais c’est tout le contraire, il était adorable. Il était froid, mais il aimait les gens. Un caractère de cochon avec un grand cœur. Il ne supportait pas le manque de respect. Il pouvait dire aux jeunes : « T’enlèves ta casquette quand tu dis bonjour à Martine. » Ces derniers temps, il était parti en Martinique. Il revenait de temps en temps dans les bureaux. On discutait de tout et de rien. Il aimait la pêche. Des salariés du club pouvaient le croiser dans les brocantes, car c’était un grand collectionneur. Il collectionnait les capsules de champagne par milliers – on lui en ramenait – et des petites voitures anciennes. On va garder de lui l’image d’un homme abordable. Un grand Monsieur. » FL


Gilbert Gress (attaquant de l’OM 1972/1973)

« Tant pis pour ceux qui n’ont pas connu le joueur, mais moi, je l’ai connu. C’était lors de la saison 1972-1973 à Marseille.

Daniel, c’était un numéro 10, un pied gauche, des passes à quarante mètres… Son défaut, c’était son manque de vitesse, mais quelque part, ça lui donnait une certaine élégance. J’ai joué trois ans à Marseille, on a fini deux fois 1er et une fois 3e, c’est tombé sur ma saison en commun avec Daniel ! Il était tout le temps posé, calme, d’un calme olympien, tiens, c’est peut-être pour ça que ça collait avec l’OM. À Marseille, on avait tout pour être heureux : les victoires, l’ambiance et le soleil, même si bon, Daniel était plutôt du genre à prendre des coups de soleil !

Évidemment, il faut retenir ce qu’il a fait en tant qu’entraîneur de Lens. Là-bas, personne ne l’oubliera.

Et puis évidemment, il faut retenir ce qu’il a fait en tant qu’entraîneur de Lens. Là-bas, personne ne l’oubliera. Leur titre de champion ne relève pas du hasard. Il faut se souvenir que Lens a été champion en pratiquant un excellent football, ça ne se déplaçait jamais pour ramener un 0-0, et à domicile, quand ça menait 1-0, on n’en restait pas là, ça jouait, encore et encore. Je ne sais pas ce qui s’est passé à l’intérieur du club, mais j’aurais vraiment aimé le voir entraîner cette équipe plus longtemps. » MP


Daniel Xuereb (attaquant du RC Lens entre 1981 et 1983)

« Daniel, c’était notre capitaine. Avec Michel Joly, c’étaient les enfants du club. Donc il voulait que l’équipe gagne tous ses matchs.

Comme on était une bande de jeunes – (Didier) Sénac, (Gaëtan) Huard, (Daniel) Krawczyk, moi… – qui n’avaient rien prouvé, il était souvent derrière nous. On l’écoutait ! Il avait du charisme, il en imposait. En tant que défenseur, il était un peu lourd, mais il avait un pied gauche magique. Il suffisait de faire un appel de balle profond, le ballon arrivait millimétré. Je me souviens qu’il était ami avec la célèbre « Maman Foot » . Une fidèle supportrice du RC Lens, qui venait à tous les déplacements. Elle vous recevait chez elle, toute sa maison était tapissée en sang et or. Maman Foot, c’était Maman Foot, je n’ai jamais connu son nom. Daniel avait organisé une collecte pour qu’elle puisse s’acheter du fioul ou du charbon afin qu’elle puisse se chauffer l’hiver parce que tous ses sous, elle les mettait dans le RC Lens. » FL


Pascal Demuynck (supporter du RC Lens)

« La première fois que j’ai vu jouer Daniel Leclercq, c’était le match Lens-Lazio (en 1977, N.D.L.R.) diffusé sur la première chaîne. J’avais neuf ans. J’ai suivi le match avec mon père sur une télévision en noir et blanc. Une crinière blonde comme la sienne, ça ressort, mais c’est pas le souvenir qu’on en garde.

Sur le podium, après la finale de 1999, il a la coupe dans la main gauche et il pointe le public de la main droite. Sa première pensée, c’est : « Cette coupe, elle est pour eux »… On a perdu quelqu’un de la famille.

C’est plutôt qu’on ait battu la Lazio, alors qu’à l’époque, quand une équipe italienne marquait, c’était un exploit déjà d’égaliser. On a gagné 6-0 ! Ce que je retiens de Daniel Leclercq, c’est son sens de l’humour. L’année du titre, à cinq journées de la fin, on se déplace à Metz – leader du championnat – avec un point de retard. On l’emporte 2-0 avec un match tactique magistral. Deux buts d’Anto Drobnjak. À la fin, le journaliste de Canal lui tend le micro. Sa première réaction, c’est : « Avant de faire l’interview, je tiens à m’excuser auprès des parieurs du Loto sportif. » Finalement, on fait match nul à Auxerre à la dernière journée et on est champions de France. On lui doit les deux seules lignes de notre palmarès : le titre de champion 1998 et la Coupe de la Ligue 1999. Sur le podium, après la finale de 1999, il a la coupe dans la main gauche et il pointe le public de la main droite. Sa première pensée, c’est : « Cette coupe, elle est pour eux » … On a perdu quelqu’un de la famille. » FL


Jérôme Lepagnot (intendant du RC Lens depuis 25 ans)

« En apprenant la nouvelle ce matin en voiture, j’avais du mal à conduire tellement j’avais les jambes qui tremblaient.

On s’attablait dans un petit troquet dans Lens, où il n’y avait même pas 10 tables. Il avait commencé à y aller quand il était l’adjoint de Roger Lemerre. C’était devenu un rituel. Dans son assiette ? Un peu de charcuterie, une entrecôte frites, avec du rosé ou une bière.

C’était un perfectionniste. On peut employer le mot maniaque. Son bureau était rangé comme une horloge, il n’y avait pas un centimètre de décalage entre ses dossiers. Au quotidien, ce n’était pas facile à vivre, mais quand vous récoltez le titre, vous oubliez tout. L’histoire lui a donné raison. Lors de la parade du titre, on voyait des grands-pères et des grands-mères pleurer. Il a rendu une région heureuse. J’ai le souvenir d’un Lens-Cannes la saison du titre. On gagne 4-0 à la mi-temps (4-1 en fait, N.D.L.R.). En rentrant au vestiaire, il s’avance vers les joueurs et leur dit : « Vous n’allez pas me le perdre, ce match. » Les joueurs le regardaient comme une bête curieuse. Le match reprend : 4-1, 4-2, 4-3, 4-4. Daniel l’avait senti ! Finalement, on gagne 5-4 (avec un penalty de Stéphane Ziani, N.D.L.R.). Cette année-là, on allait manger toutes les veilles de match, lui, moi et deux commerciaux du club. Daniel était capable de faire ouvrir le restaurant le 1er mai et le 8 mai. On s’attablait dans un petit troquet dans Lens, où il n’y avait même pas 10 tables.

C’était un matinal, Daniel. La dernière fois que je l’ai vu, c’était en août dernier à la brocante d’Arras. À 6h du matin, il était là. S’il vous donnait rendez-vous à 6h20, fallait pas arriver à 6h21, sinon vous alliez passer un mauvais quart d’heure.

Il avait commencé à y aller quand il était l’adjoint de Roger Lemerre. C’était devenu un rituel. Dans son assiette ? Un peu de charcuterie, une entrecôte frites, avec du rosé ou une bière. À table, on ne parlait jamais de foot, on parlait de la vie, de l’entourage, ça nous arrivait de finir par une belote. C’était un matinal, Daniel. La dernière fois que je l’ai vu, c’était en août dernier à la brocante d’Arras. À 6h du matin, il était là. S’il vous donnait rendez-vous à 6h20, fallait pas arriver à 6h21, sinon vous alliez passer un mauvais quart d’heure. Cette droiture, c’est quelque chose qu’il a eu du mal à transmettre au groupe quand il est revenu comme directeur technique avec Jean-Pierre Papin entraîneur. Il y avait un décalage générationnel avec les joueurs. » FL


Mickaël Debève (milieu du RC Lens de 1994 à 2002)

« C’est triste, pour toute la famille du Racing et la région. C’était un monument, un grand joueur du club et le plus grand entraîneur de son histoire, le seul à avoir gagné deux titres majeurs. Pour moi, qui ai embrassé la carrière d’entraîneur, c’est un exemple.

C’était un gros compétiteur, exigeant, très droit, qui n’acceptait pas la suffisance, ni de ne pas chercher à gagner. Que ce soit sur un jeu à l’entraînement, sur un tennis-ballon ou sur un match, quelle que soit la compétition, avec lui, on jouait pour gagner. Et il ne fallait pas seulement gagner, il fallait gagner en jouant bien. Cette exigence-là marque une carrière de joueur : on ne devait pas arriver à 50% à l’entraînement ou manquer un ballon, on devait refuser la défaite, et cela nous a rendus meilleurs au fil du temps, jusqu’à ce titre de champion que personne, je pense, ne pouvait nous contester. Hors du terrain, il était très « père de famille » avec ses joueurs, mais sur le terrain, on ne parlait que d’exigence et de gagne. Une fois que c’était fini, ça devenait quelqu’un de très convivial, de gentil, de chambreur aussi, mais il y avait un temps pour tout, un temps pour le travail et un temps pour la rigolade. Il essayait d’organiser des choses, des repas avec nos épouses, pour qu’on ait une vie de vestiaire et que ça rejaillisse sur le terrain.

Hors du terrain, il était très « père de famille » avec ses joueurs, mais sur le terrain, on ne parlait que d’exigence et de gagne. Une fois que c’était fini, ça devenait quelqu’un de très convivial, de gentil, de chambreur aussi, mais il y avait un temps pour tout, un temps pour le travail et un temps pour la rigolade.

J’avais encore des nouvelles de lui, ces dernières années. Je l’ai notamment recroisé avec Toulouse, quand on venait jouer à Lille, ou lorsqu’il y avait des rassemblements d’anciens du RC Lens. À chaque fin de match, il venait me voir pour échanger et me donner quelques conseils. Il était encore à la page, il avait encore cette connaissance du jeu, il était vraiment dans le football moderne. Nos échanges étaient très constructifs. Il avait une vision très particulière du jeu et n’était pas avare de conseils. Comme joueur, c’est l’entraîneur qui m’a le plus apporté. Ma rencontre avec lui a été une révélation : j’avais bien commencé ma carrière à Toulouse, depuis quelques années c’était mitigé, et à son arrivée à Lens il m’a beaucoup fait évoluer et m’a permis de me dépasser et de gagner les seuls titres de ma carrière. Sur les trois prochains matchs, face à Sochaux, Valenciennes, Chambly, je pense qu’il recevra un gros hommage, et c’est tout ce qu’il mérite. » SB


Stéphane Bigeard (conseiller en management de Daniel Leclerc de 1997 à 2017)

« La première fois que je l’ai rencontré, c’était en novembre 1997 après un entretien avec Gervais Martel.

À 14h, il m’a finalement proposé d’aller manger dans une pizzeria où il avait l’habitude d’aller avec Gérard Houllier. Finalement, il y a eu un coup de foudre mutuel, on s’est quitté le soir à 18h et on a commencé à bosser ensemble.

Ce dernier l’a appelé pour qu’on se rencontre et quand Daniel est entré dans le bureau avec sa cigarette, Gervais lui a dit : « Je te présente Stéphane Bigeard, il pourrait beaucoup nous apporter sur le management. T’accepterais de le rencontrer ? » Et là, Daniel lui répond sans même me regarder : « Très bien, 11h30 à Bollaert demain. J’aurai 30 minutes à accorder à ce monsieur. » Le lendemain, j’entre dans son bureau, il était en train d’écrire une fiche avec ses stylos quatre couleurs et sa règle. Car tout ce qu’il faisait, il l’écrivait dans un classeur et c’était d’une propreté extraordinaire. Au bout de 15 minutes , il met sa feuille dans son plastique, il prend une cigarette et me dit : « Je vous écoute. » Après m’avoir raconté qui il était, vers 13h15, je lui propose d’aller déjeuner, mais il me dit : « Non, je ne mange jamais le midi. » Puis à 14h, il m’a finalement proposé d’aller manger dans une pizzeria où il avait l’habitude d’aller avec Gérard Houllier.

Finalement, il y a eu un coup de foudre mutuel, on s’est quitté le soir à 18h et on a commencé à bosser ensemble. Une des premières choses que je lui ai conseillées, c’était de recevoir régulièrement les journalistes pour ne pas les avoir contre lui, mais au contraire, les nourrir d’informations. Du coup, il s’est mis à organiser des conférences dans son bureau, il sortait des bières et les recevait entre 45 minutes et 1 heure. Il leur racontait plein de trucs et les journalistes étaient absolument ravis. Je me souviens aussi très bien du titre en Coupe de la Ligue en 1999. Le lendemain, on avait rendez-vous à Téléfoot, et la veille, on est allés dans une discothèque sur les Champs-Elysées. Tous les joueurs et Gervais faisaient la fête sur la piste de danse. Mais lui, ne voulant pas se mettre en avant, il était avec sa femme et une petite coupe de champagne dans son coin. Le lendemain matin, à l’hôtel, il a dit : « Moi, je n’irai pas à Téléfoot, ce n’est pas mon titre, c’est celui du club et de l’équipe. » Il y est finalement allé, mais en fait, il ne voulait pas attirer l’attention. Et c’est pour ça que tout ce qu’il a fait, il considérait que c’était pas pour lui, mais pour la région, la ville, les mineurs. » MXR

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