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Batelli : « J’ai conscience du produit qu’on m’a confié »

Propos recueillis par Maxime Brigand
Batelli : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’ai conscience du produit qu’on m’a confié<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Champion d’Europe des moins de dix-neuf ans avec l’équipe de France en juillet dernier, Ludovic Batelli a depuis pris les commandes des U20 avec qui il s’apprête à affronter deux fois les Pays-Bas en quatre jours. La Coupe du monde 2017 dans la tête et une certaine idée de l’ordre sur fond d’humanisme. Leçon de coaching.

Comment on se sent quelques semaines après un titre de champion d’Europe?On se sent plutôt pas mal, avec la satisfaction du travail et du devoir accompli. Je n’aime pas trop me mettre en avant, car je pars du principe que le football est un sport collectif. Ce titre est le fruit d’un très gros travail collectif entre le staff, l’entraîneur et les joueurs.

D’où vient cette volonté permanente de refuser la lumière?Sans doute de mon éducation déjà. Môme, à la maison, on n’avait pas trop l’habitude de se mettre en avant ou de parler de soi.

J’aime bien que les êtres, les hommes, les joueurs se réunissent autour d’un double projet : le projet de jeu et le bien-vivre ensemble

Je pense aussi que ça vient de ma construction de footballeur au niveau du poste. Gardien de but, même si c’est vrai qu’on est un petit peu tout seul, on a le temps de regarder le mécanisme collectif, donc on est plus dans l’analyse, la pondération. Toute cette histoire fait ce que je suis devenu aujourd’hui. J’aime bien que les êtres, les hommes, les joueurs se réunissent autour d’un double projet : d’abord celui du projet de jeu parce que c’est important, les stars c’est bien sûr les joueurs, mais avant tout c’est l’équipe, et bien vivre ensemble, accepter le mécanisme de vie en collectivité, faire l’effort pour les autres. C’est des choses qui font que je suis très attaché à ces valeurs.

Qu’est-ce qu’il reste aujourd’hui du Batelli joueur ?Je dirais qu’il reste, sur les fondements, cette volonté de vivre les choses collectivement de la même manière. Il reste aussi mon envie, beaucoup de générosité, ce besoin d’être toujours tourné vers les autres… Je pense que si on devait me caractériser, on reviendrait au rôle de capitaine que j’ai souvent assumé dans les équipes où j’étais. Pourquoi ? Parce que je parlais toujours au nom de la collectivité, pour le bien des autres, et ensuite défendre ma propre parole qui était avant tout celle de l’équipe et des potes. Même si je suis un peu taiseux, même si je ne parle pas beaucoup quand je ne connais pas trop, que je préfère prendre de la hauteur pour écouter et analyser, quand je suis dans un environnement où je m’épanouis et que je prends du plaisir à travailler et à vivre, j’ai envie que les gens qui bossent avec moi aient leur part de réussite du projet. Je pense que c’est le plus important quand on manage une équipe : c’est d’abord la réussite de ceux qui nous entourent qui font qu’on réussira. J’ai pris ce parti.

C’est ce caractère qu’on avait notamment retrouvé lors de votre causerie avant le troisième match de poules en Allemagne cet été. Vous aviez demandé à vos joueurs de se tourner vers les membres du staff. Vous estimez que ces personnes ne sont, parfois, pas assez regardées?Oui, et je pense que ces gens-là méritent aussi d’avoir aussi une récompense. Ils sont importants dans n’importe quel moment : une causerie, la préparation d’un match, dans une compétition. Parfois, je pense qu’il faut remettre l’église au centre du village. Il faut savoir pourquoi on fait les choses et pour qui. Comme je dis toujours, on le fait d’abord pour soi parce qu’il y a de la fierté, de l’ambition, mais on le fait aussi pour les gens qui vous donnent beaucoup, qui vous aident dans ce parcours. En Allemagne, le staff, technique, médical, dans l’organisation, a été d’une grande importance dans la conquête de ce titre.

Votre histoire en équipe de France est assez liée à celle d’Olivier Meurillon. Comment on développe cette relation coach-adjoint ?D’abord, je pense qu’il faut apprendre à se connaître, à connaître l’homme, puis ensuite connaître le technicien.

Moi, j’ai une confiance totale quand je mets quelque chose en place pour l’équipe et Olivier (Meurillon)est le relais parfait pour m’aider à obtenir ce que je veux obtenir.

Sur le plan technique, on s’est vite rendu compte qu’on partageait les mêmes choses, que ce soit au niveau du projet de jeu ou du projet de vie. Après, il y a la compétence. Olivier est un éducateur reconnu, il a fait ses preuves en club et ailleurs. Ensuite, il faut laisser travailler les gens. Moi, j’ai une confiance totale quand je mets quelque chose en place pour l’équipe, et Olivier est le relais parfait pour m’aider à obtenir ce que je veux obtenir. Il s’éclate avec ce groupe, et moi, je m’épanouis avec, jusque dans cette transmission de témoin. Lui organise une grande partie des séances et me permet d’avoir ce recul, ce détachement pour pouvoir lire davantage le comportement des joueurs et leurs attitudes, en tant que joueur et en tant qu’homme. Au-delà de ça, on se dit les choses, la mise en place ne passe que par là, comme ça il n’y a jamais de sous-entendu, de faux-fuyant.

Quand on parle avec des personnes qui ont travaillé avec vous, c’est toujours ce qui ressort : cette franchise. En équipe de France, vous convoquez souvent des rendez-vous individuels. Comment on appréhende ce type de rencontres avec de jeunes adultes ?Il ne faut pas leur raconter de conneries. Ce sont des joueurs de bon niveau, donc il faut leur dire les choses vraies. Le plus important est aussi de savoir leur dire quand ils sont dans le droit chemin et qu’ils font les choses bien. Pour l’avoir vécu avec certains coachs, il n’y a parfois que les aspects négatifs qui sont présents lorsque l’entraîneur reçoit un joueur. Je pense qu’à un moment, le joueur a besoin de repères et le repère, ce n’est pas simplement quand ça ne va pas bien et qu’il n’a pas fait les choses comme on aurait voulu qu’il les fasse, c’est aussi faire entrer des aspects positifs, avec, par exemple, le visuel lié à la vidéo. Il faut manifester de l’intérêt et de la confiance à ces jeunes. Le positif développe à l’intérieur du joueur un sentiment d’appartenance, un capital confiance. J’ai été élevé comme ça, en me recadrant aussi quand je sortais du droit chemin, mes parents utilisaient souvent la carotte et le bâton. C’est un état d’esprit où tu mêles le sentiment d’être satisfait par moments, insatisfait dans d’autres, mais quand tu ne caches pas tes émotions, le joueur ne peut pas tricher. C’est une question d’honnêteté.

Avez-vous conscience d’avoir aujourd’hui entre les mains une génération dorée ?J’ai conscience du produit qu’on m’a confié. Après, comme toujours, ce n’est pas parce que vous avez de très très bons joueurs que vous réussirez à faire une très bonne équipe. Parfois, on fait une très grande équipe avec des joueurs de talent moindre, à condition que l’état d’esprit et la volonté de bien vivre ensemble est là. Quand vous pouvez mêler tout ça, ça donne ce qu’on a vécu cet été avec un groupe qui s’est comporté de manière fantastique. On produit du jeu et ce qui nous poursuit d’abord, c’est l’efficacité, la qualité des matchs, la qualité des résultats sportifs, car on n’est jugés que là-dessus. Là, l’osmose était parfaite entre les joueurs et avec le staff, donc c’est que du bonheur. Dans ces moments-là, on a envie de donner encore plus. Mais tout ça, c’est parce qu’on a toujours été honnêtes dans nos rapports. C’est facile de dire à quelqu’un qu’il n’a pas été bon. Le plus dur est de lui montrer comment il doit s’améliorer et comment il doit bosser pour. Et là, le staff est essentiel.

Justement, vous êtes passé par cette étape d’observation lorsque vous étiez analyste vidéo avec Patrick Gonfalone lors de l’Euro U19 2015 en Grèce. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?Je ne remercierai jamais assez Pat’ de m’avoir permis d’évoluer dans son staff.

Je suis tout nouveau à la Fédé, c’est ma quatrième saison. Avant l’année dernière, je n’avais jamais été baigné dans une telle compétition.

Je suis tout nouveau à la Fédé, c’est ma quatrième saison. Avant l’année dernière, je n’avais jamais été baigné dans une telle compétition. Le fait d’avoir pu vivre ça avec Patrick pendant trois semaines m’a fait gagner du temps sur la façon d’appréhender les choses, quel niveau d’exigence il faut pour ce niveau. J’ai un niveau d’exigence élevé par rapport à moi, donc ça m’a aussi permis de pouvoir apprendre à gérer ça. Il m’a fait prendre connaissance et conscience de certaines choses. J’étudiais les adversaires, mais j’étais aussi, sans pression, dans le staff, donc j’ai apporté certains éléments à Pat’ et lui m’a apporté beaucoup sur l’appréhension d’un championnat d’Europe U19.

C’est aussi là que vous avez terminé de dessiner votre projet de jeu ?Plus le projet de vie. Le projet de jeu appartient à chaque entraîneur. Je ne suis jamais intervenu dans ses choix, ses entraînements, mais je lui donnais simplement des sentiments, un ressenti. C’est important de vivre une telle compétition de l’intérieur avant.

À quel moment avez-vous pris conscience cet été que cette équipe pouvait aller au bout ?Après le match des Pays-Bas [victoire 5-1, ndlr]. À la mi-temps, je sais qu’on peut faire un gros truc, même si on s’est un peu écartés dans notre jeu et il a fallu remonter quelques bretelles. C’est à cet instant qu’on a réinstallé les croyances comme on les avait installées lors du tour qualificatif en Serbie. Je me suis dit que si on avait pas trop de bobos, si la ligne de conduite est conservée… Je ne me disais pas forcément qu’on allait gagner l’Euro, mais le Portugal était un adversaire à notre portée. Cette victoire contre les Pays-Bas offrait la possibilité d’être en demi-finale, mais aussi assurait notre qualification pour la Coupe du monde. La façon dont on a géré ce match nous a permis de continuer notre route, et les garçons ont surfé sur un capital confiance énorme. Comme on s’était préparés très fort physiquement, on pouvait faire basculer une rencontre jusque dans les vingt dernières minutes. C’est aussi la victoire de notre Euro : cette préparation de dix jours, exigeante, où les garçons ont accepté de bosser fort. Le titre est la rançon.


Vous assumez votre côté un peu militaire ?Je ne sais pas si c’est la coupe de cheveux ou quoi. J’aime bien les règles, qu’elles soient établies, reconnues et respectées.

Quand tu t’écartes de la ligne, si t’es pas vu ça passe, sinon, t’es sanctionné. Un groupe fonctionne comme ça.

Après, si mettre de la discipline et des règles dans un groupe, c’est être militaire, pas de problème pour cet adjectif. Je pense que c’est surtout s’accaparer des codes et un mode de fonctionnement. Sans ça, rien ne peut fonctionner. Ces règles ont été discutées avec les joueurs. Il n’y a jamais eu de système d’amende, simplement la prise de conscience que quand on s’écarte du chemin, on peut être sanctionné. Quand tu t’écartes de la ligne, si t’es pas vu ça passe, sinon, t’es sanctionné. Un groupe fonctionne comme ça. J’ai de l’autorité, mais je ne fais pas preuve d’autoritarisme, il y a une grande marge de manœuvre, de la liberté dans mon cadre.

Vous avez l’impression, lorsque vous êtes sur un banc, d’être habité. On pense forcément à ce match contre le Portugal où le sélectionneur adverse vient vous chambrer après l’ouverture du score [Emilio Peixe avait tiré la langue en direction du staff français, ndlr] Je pense que quel que soit l’événement, il faut respecter l’adversaire. Je pense qu’il a un peu débordé au début, je suis capable aussi de ça dans ces moments-là. Une fois le match passé, victoire ou défaite, il faut savoir l’accepter. On doit avoir une tenue, un état d’esprit. Après le match, il s’est excusé. Par exemple, j’ai beaucoup aimé l’attitude du sélectionneur italien qui, même après une lourde défaite en finale (4-0), a été exemplaire. Je pense que si j’avais été à sa place, j’aurais été aussi déçu, mais c’est là qu’on voit les grands mecs : dans la défaite.


Pourquoi avoir décidé de rester à la Fédé plutôt que de retourner sur un banc de club ?Je pense que si, à un moment, j’avais eu des meilleurs résultats en club… Puis, il y a eu cette opportunité de la Fédé, et en cela, je remercie tous ceux qui m’ont permis d’y accéder, que ce soit Willy Sagnol, François Blaquart ou Noël Le Graët. Aujourd’hui, je m’éclate pleinement dans ce boulot de sélectionneur.

Si à un moment, à la Fédé, on pense que je suis l’homme d’une situation, pourquoi pas. Je suis un homme qui a parfois des coups de cœur, qui peut aussi tout arrêter sur un coup de tête quand ça ne me convient pas.

Ce sont des contrats à durée déterminée, je serai à la fin de mon contrat après la Coupe du monde. Pour moi, il y a un truc fondamental, c’est la reconnaissance. La reconnaissance du travail, la reconnaissance de ce que vous êtes. Si, à un moment, il y a des opportunités qui se présentent, on les étudiera. Si, à un moment, à la Fédé, on pense que je suis l’homme d’une situation, pourquoi pas. Je suis un homme qui a parfois des coups de cœur, qui peut aussi tout arrêter sur un coup de tête quand ça ne me convient pas. Je suis un mec entier et j’ai appris aussi qu’il y a des moments où il faut s’arrêter plutôt que de vivre dans la douleur. J’ai une Coupe du monde qui se profile, c’est un événement majeur et important. On ne vit parfois qu’une Coupe du monde dans sa vie. J’ai surtout envie de profiter de l’instant présent. Je prends le maximum de plaisir avec les résultats qu’on a et j’ai toujours voulu fédérer les gens qui bossent autour de moi. C’est ce qui suffit à mon bonheur. Après, je suis aussi un homme de challenge et j’aime me lancer des défis. C’est ce qui nous fait avancer et nous fait vivre. Je suis toujours dans cette quête.

Vous pensez ce groupe capable de viser plus haut?Je pense déjà qu’il faudra y aller avec le groupe dans sa totalité, c’est-à-dire tous les joueurs que l’on a emmené au championnat d’Europe par exemple où on a créé une mentalité. Ce groupe a écrit quelque chose, mais qui n’est pas forcément acquis. Il faut qu’il ait envie d’aller chercher autre chose. Si on pense que parce qu’on a été champion d’Europe, on peut faire une performance au Mondial, on ne fera qu’un aller-retour. Il faudra s’arracher encore un peu plus et que les joueurs et le staff se mettent à la hauteur de l’événement qu’est une Coupe du monde.

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