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Auxerre : Jean-Claude Hamel, président d’une époque révolue

Par Julien Duez
Auxerre : Jean-Claude Hamel, président d’une époque révolue

Jean-Claude Hamel est mort à l’âge de 90 ans. Une longue vie dont plus de la moitié a été passée au service d’un projet unique en son genre : l’AJ Auxerre. C’est en qualité de président que ce fils de garagiste a fait passer un club de patro de la PH à la Coupe d’Europe. De l’histoire ancienne pour un patron à l’ancienne.

Il aurait fêté ses 91 ans le 9 juillet prochain, mais c’est finalement au printemps 2020 que Jean-Claude Hamel a rendu son dernier souffle. Dans une clinique de l’Auxerrois, où il résidait depuis déjà plusieurs mois. Sur les coups de 20h30, au moment de repousser l’époisses pour attaquer la flamusse, la nouvelle tombe comme un coup de poing dans la gueule via les canaux de communication de son club de toujours, déjà endeuillé il y a moins d’une semaine par le décès tragique de Fabrice Lepaul. « L’AJ Auxerre pleure son président historique et s’associe à la peine de ses proches. Un registre de condoléances sera à disposition du public dès demain après-midi au stade Abbé-Deschamps. Le club rend hommage à l’un des plus grands dirigeants du sport français et présente ses plus sincères condoléances à sa famille. » Historique, parmi les plus grands… les qualificatifs flatteurs ne manquent pas. À raison.

Le bouillant du cru

Président de l’AJA de 1963 à 2009, Jean-Claude Hamel est de ceux qui n’ont pas eu besoin d’aller loin pour accomplir de grandes choses. Hormis pour ses études et son service militaire, il n’aura jamais bougé d’Auxerre, où il voit le jour en 1929, entouré de six frères et sœurs bercés par l’amour d’un couple de notables icaunais, dont le père, concessionnaire automobile, lui lègue la branche poids-lourds en 1952. Une passion bien plus qu’un métier, puisqu’il pouvait passer une nuit entière à négocier une vente et pouvait en parler autant à Carlo Molinari, fan de bécanes, qu’à Fidel Castro, en visite dans l’Yonne sur invitation du roi du poulet bourguignon, Gérard Bourgoin. Comme un certain Guy Roux, qu’il contribue à nommer entraîneur-joueur de l’AJ Auxerre en qualité de membre du conseil d’administration du club bleu et blanc, Hamel se révèle redoutable dans les affaires, puisque sa boîte va rapidement compter plus d’une centaine d’employés, qu’il chérira avec la tendresse du patronat provincial un tantinet patriarcal.

Sa carrière sportive ne se résume pas seulement au golf et à d’intenses parties de chasse en Afrique. Le jeune homme a pris une licence de footballeur sous les couleurs du patronage Saint-Joseph, à l’exemple de ses frères aînés. Pas un hasard si par la suite, il deviendra le pilier du développement d’une AJA elle-même née sous la houlette de l’abbé Deschamps, honnête homme d’Église qui n’avait, à l’origine, pas d’autre ambition que celle de permettre à la jeunesse auxerroise de s’adonner au sport plutôt que de traîner dans les rues. Une âme protectrice au service de la communauté, voilà ce qui unissait le clérical Ernest Deschamps et le gaulliste Jean-Claude Hamel. Sauf que le second faisait passer les affaires avant la foi et lorsqu’il accède à la présidence du club de la route de Vaux en 1963, il ne sait probablement pas encore qu’il passera plus de la moitié de son existence assis dans le fauteuil d’un patron qui fera rivaliser sa petite ville (ou son gros village, c’est selon) avec les plus grosses écuries de France, d’abord, puis de l’Europe entière.

L’homme d’une époque

Peut-on vraiment dissocier la figure de Jean-Claude Hamel de celle de Guy Roux ? Si le second disait du premier qu’il était « son seul échec pédagogique », les différences de caractère n’ont en rien entaché la complicité d’un duo qui a donné à l’AJA ses lettres de noblesse. Une AJA dans laquelle l’un comme l’autre ont su trouver leur place : à Guy Roux, celle d’ambassadeur médiatique sur le devant de la scène, à Hamel celle d’homme de l’ombre, de diplomate discret et qui, selon la toujours très bien informée Auxerre TV, n’hésitait pas à négocier au centime près les menus de ses joueurs au restaurant lorsque l’équipe évoluait encore avec le statut amateur. Parce que pour faire installer dans la durée une modeste structure au sein des hautes sphères du ballon rond hexagonal, il fallait bien avoir ce bon sens paysan, quand bien même on serait fils de militaire ou de commerçant.

Ceci dit, Hamel n’avait rien d’un type froid et coincé, bien au contraire. À Auxerre, on le disait aimable, prévoyant, amical, voire même doté d’un certain sens de l’humour. Comme ce jour de 1987, lorsque à la veille d’un match de C3 face au Panathinaïkos, alors qu’il est invité sur le yacht de son homologue grec, il effectue un saut de douze mètres de haut depuis le pont du navire, simplement pour répondre à un défi lancé par son ami Jean-Pierre Soisson, maire d’Auxerre pendant près de trois décennies. Jamais avare d’un bon mot, celui qui carburait à la clope et au vin blanc compte à son actif un titre de champion de D2 (1980), un doublé légendaire Coupe-championnat (1996) et trois autres Coupes de France (1994, 2003 et 2005). C’est au soir de la dernière que son cœur chavire. Non pas de joie, mais de tristesse, après avoir appris la nouvelle du départ de Guy Roux, dont il n’aurait rien su. Le sentiment qui domine alors ? La trahison. Parce qu’Auxerre, c’était une histoire de famille, une certaine idée du football à la française, attaché à ses valeurs et à son territoire, dans lequel une franche poignée de main avait valeur de paraphe au bas d’un contrat.

Si l’heure est au recueillement, on n’oubliera cependant pas la tentative de retour aux affaire de Jean-Claude Hamel qui, en 2011, soit près de deux ans après avoir quitté ses fonctions, tente un putsch face à la présidence de son successeur Alain Dujon, pour installer sur son siège un autre de ses amis, Gérard Bourgoin. Commerçant comme lui, bourguignon comme lui, et symbole malgré lui du patriarche. Depuis, la page s’est définitivement tournée, et l’ère Hamel est officiellement révolue. Reléguée en Ligue 2 un an plus tard, l’AJ Auxerre est aujourd’hui à sa place dans le ventre mou de l’antichambre et ne doit sa survie qu’à la persistance de son savoir-faire en matière de formation, couplée à l’arrivée providentielle d’un investisseur chinois vraisemblablement parti pour rester. Un an avant sa mort, Jean-Claude Hamel avait été honoré de la création d’un salon à son nom au cœur du stade Abbé-Deschamps. Aujourd’hui, il faudrait bien plus que renommer une tribune pour lui rendre un hommage équivalent à son travail accompli. Adieu Président. Et merci.

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