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Algérie : au Brésil pour quoi faire ?

Par Chériff Ghemmour
Algérie : au Brésil pour quoi faire ?

One, two, three ! Vivra l’Algérie ?... L’EN (Équipe nationale) vient de décrocher son deuxième billet d’affilée pour la Coupe du monde. Une belle performance qui ne doit cependant pas nourrir les mêmes folles illusions qu’en Afrique du Sud. A priori plus faible représentante africaine au Mondial, on ne peut qu’attendre une bonne surprise de cette Algérie encore perfectible…

Mais où est passée l’algerian touch ?

Les images du passé défilent sur Canal Algérie, chaîne TV de là-bas très suivie par les Algériens de France. Le long documentaire émaillé d’interviews de joueurs du passé relate maintenant l’épopée des Fennecs à la Coupe du monde 1982… À travers des matchs pré-Mundial contre d’autres sélections ou des clubs (Real, Benfica), on suit la montée en puissance d’une équipe bien décidée à « faire un truc » en Espagne. Souvent l’Algérie joue en rouge… Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui frappe à chaque seconde, c’est la classe phénoménale individuelle et collective de cette équipe. Une qualité technique rare, un jeu systématiquement tourné vers l’avant, une circulation de balle joliment maîtrisée… Une philosophie de jeu inspirée par l’immense Rachid Mekhloufi, co-entraîneur avec M. Khalef mais vraie tête pensante de cette « algerian touch » . En attaque, les artistes ont pour nom Dahleb, Belloumi, Assad, Madjer. Au milieu, le capitaine Ali Fergani irradie de calme et d’intelligence. On redécouvre les fabuleux déboulés du latéral droit Chaabane Merzekane, sorte de Max Bossis en plus costaud. On comprend mieux dès lors pourquoi cette équipe battra la RFA (2-1) et fera sensation au Mundial : avec le Brésil et la France, l’équipe d’Algérie avait du style. Évoquer cet Âge d’Or ne sacrifie pas au foot-nostalgie. Il permet plutôt de dresser la comparaison saisissante entre les glorieux temps anciens et le présent immédiat qui a suivi la qualif des Fennecs après leur victoire sur le Burkina Faso (1-0). Quel déclin… Au foot artistique d’avant-hier, on est carrément passé pousse-ballon d’aujourd’hui (le constat vaut aussi pour les Bleus actuels, à des années-lumière, techniquement parlant, de la bande à Platoche).

L’Algérie a perdu de sa magie. Tout simplement. Le constat ne date pas d’hier mais il est terriblement plus flagrant quand on a vu les protégés de Vahid ânonner péniblement leur football en barrages aller et retour face à des Burkinabés volontaires mais limités (2-3, 1-0). Les Fennecs étaient bien armés physiquement pour aller au « combat » . L’attentat de Bougherra sur Kaboré juste sanctionné d’un jaune témoigne en effet de l’esprit de duel, à l’opposé de la philosophie de Mekhloufi, adepte de l’évitement par la passe juste. Il y a un an, le vieux sage nous contait d’une voix charmeuse toute la beauté de la technicité algérienne, couplée à son inspiration créatrice. Au lieu de ça, on a un milieu sans génie qui tente aujourd’hui de faire vivre le ballon : Vahid ne dispose-t-il donc que d’un Brahimi pour animer l’entrejeu, lui qui n’est même pas un vrai numéro 10 ? On se souvient de la fin de qualif du Mondial 2010 et des matchs contre l’Égypte : les Ziani, Meghni, Matmour, Mansouri, Lemmouchia constituaient un midfield déjà plus attrayant. Où est passée la créativité ? Devant, sur le papier, la triplette Feghouli-Slimani-Soudani a de quoi inspirer le respect, mais elle peine à bien combiner et privilégie un peu trop le raid individuel. Comme pour la qualif au Mondial 2010, c’est d’ailleurs encore un défenseur axial qui a marqué le but de la délivrance, Bougherra mardi soir et Yahia en 2009 (1-0 face à l’Égypte, en 2009)…

Brésil 2014 : raison garder

La double confrontation contre un Burkina sans éclat avec ses deux contextes différents (match aller plus ouvert que le retour cadenassé) a laissé transparaître toutes les limites de cette équipe d’Algérie. Comme pour les Bleus en vue du Mondial 2014 : surtout, pas d’enflammade ! Indice révélateur : la différence de niveau et d’intensité du grand match retour de barrage Égypte-Ghana (2-1) sautait immédiatement aux yeux au vu des perfs algériennes observées tout de suite après à Blida, et avant à l’aller à Ouagadougou… Du coup, comme le titre L’Équipe de ce matin à propos des Bleus : « Au Brésil pour quoi faire ? » Les supporters des Verts peuvent penser que les Fennecs ne pourront de toute façon pas faire pire qu’en 2010 (derniers du groupe C, 1 point). À voir… D’autant plus que l’Algérie, comme la France, serait aujourd’hui selon les projections de la FIFA versée dans le chapeau 3. Il faudrait donc se coltiner une tête de série forcément costaud (chapeau 1) et une grosse sélection du chapeau 4 (Pays-Bas, Italie, Portugal, Russie…) Le chapeau 2 n’est pas non plus de broc (USA, Japon, Mexique, Corée du Sud). Conclusion : les Fennecs doivent d’ores et déjà s’abonner à l’exploit. Car sur leur force intrinsèque, sauf groupe abordable, ils auront du mal à sortir des poules. L’esprit de sacrifice, l’hyper concentration et le boulot qui reste à faire d’ici juin risquent de ne pas suffire : il faudra proposer beaucoup plus en termes de jeu. Bien sûr, les circonstances particulières de la double confrontation qualificative hyper tendue expliquent une expression collective pas toujours au taquet. Mais l’écueil actuel d’un jeu limité et l’écueil futur d’adversaires coriaces au Mondial doivent ramener les supporters à la raison. Concrètement, la qualif assez maîtrisée, tout de même, des Verts d’Algérie s’inscrit aussi sur la lancée d’une CAN 2013 plus que décevante. Là aussi, tout un pays s’était enflammé avant l’épreuve mais c’est à la dernière place que l’Algérie a fini, avec un seul (bon) point obtenu face aux Ivoiriens (2-2, mais après deux défaites face à une petite Tunisie 0-1, et des Togolais hyper réalistes 0-2).

Reste que… Avec cette qualif pour le Mondial 2014, l’Algérie étire enfin une longue séquence internationale plutôt favorable depuis 2010 : deux participations à la Coupe du monde (comme l’Algérie 1982 et 1986 !) et deux présences à la CAN 2010 (4e) et 2013. Les Fennecs avaient zappé les CAN 2006 et 2008… C’est grâce à cette dynamique retrouvée que le foot algérien doit désormais se projeter vers l’avant. Même si les espoirs de passer le premier tour du Mondial sont faibles, il valait mieux se qualifier au pays du football roi, emmagasiner de l’expérience et des sensations. Meurtri par son expérience ivoirienne, Vahid Halhilodzic tient enfin « sa » Coupe du monde : passée la dure épreuve des qualifs pour y parvenir, il pourrait insuffler un vrai supplément d’âme dans le jeu. Il a six mois pour ça. Il faudrait prolonger le bail de Vahid (arrivé en 2011) jusqu’à la CAN 2015, histoire de consolider un manque de stabilité antérieur qui a vu les Fennecs coachés par 15 sélectionneurs depuis avril 2000. Le virer en cas d’élimination précoce en 2014 nuirait à une double échéance Mondial 2014 et CAN 2015 qu’il vaudrait mieux confier au même sélectionneur. OK, Halilhodžić ne fait pas toujours l’unanimité en Algérie. Mais un bail à long terme de quatre ans avec deux rendez-vous importants peut solidifier les acquis récoltés jusque-là.

Formation défaillante et binationaux

En attendant d’autres échéances, l’Algérie doit progresser en profondeur. Il est trop tôt pour évaluer réellement les bénéfices d’un championnat professionnel à 16 clubs inauguré en 2010-2011. Mais l’essentiel est d’abord dans la formation, comme nous le rappelait Rachid Mekhloufi. Et le vieux sage n’était pas trop optimiste, au regard des structures défaillantes pour accueillir les innombrables talents… Aller sans cesse rechercher des binationaux de France ou d’ailleurs offre de vraies opportunités d’enrichir la sélection mais ce ne peut être une bonne politique à long terme. Au contraire. La venue récente des jeunes binationaux français, qui ont souvent joué en équipes de France de Jeunes (Ghoulam, Taïder, Brahimi, Belfodil), s’échelonne au gré de choix personnels qui finissent par nuire à la stabilité d’un groupe et qui frustre légitimement les « nationaux » , ainsi que les supporters… Plus que jamais, le foot algérien est à la croisée des chemins, avec le risque de connaître à nouveau une longue traversée du désert. Malgré sa qualif au Mondial, l’Algérie n’a pas vraiment réintégré l’élite du foot continental qui a récemment installé une Côte d’Ivoire au milieu des tauliers habituels comme le Ghana, Cameroun, Nigeria, voire l’éternelle grande absente, l’Égypte. On gardera un œil sur la préparation de cette Algérie en vue du Mondial en prenant le temps d’entrer dans le détail du jeu et surtout des joueurs. À suivre…

Bleus : premiers pas après le Grizou

Par Chériff Ghemmour

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