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Alaba, le couteau autrichien

Par Adel Bentaha
Alaba, le couteau autrichien

À 29 ans, David Alaba donne une impression d’ancienneté des plus insolentes. Une constance sans faille, maintenue par une polyvalence nourrie depuis ses plus jeunes années entre Autriche, Allemagne et aujourd’hui Espagne. Retour sur le modelage d’un garçon à qui (presque) tout réussit. Partout où il passe.

Tout humain vient au monde avec des prédispositions certaines. Pour David Alaba, celles de la polyvalence et de l’adaptation lui ont été transmises dès la petite enfance. Par son père d’abord. Né au Nigeria, George Alaba débarque en Autriche à 24 ans afin d’y achever ses études. De quoi lui laisser le temps d’intégrer l’armée autrichienne, d’en devenir le premier soldat noir et d’entreprendre, par la suite, une jolie carrière de DJ. Par sa mère ensuite. Reine de beauté aux Philippines, Gina émigre de son côté à Vienne, en qualité d’infirmière. Différentes cultures et différents modes de vie, venus construire un David aux fonctions multiples, qui plus est sur un terrain de football. La force fondatrice du bien surnommé : « kompletter Fußballer ».

À l’Austria, et contrairement à un club comme l’Ajax, il n’y a pas de positions fixes. Nous faisons jouer nos jeunes à différents postes afin de les faire s’adapter au mieux. Et à ce jeu, David s’est très vite mis en avant.

Ailier-latéral-latéral-ailier

Néanmoins, avant de faire parler la poudre Ligue des champions, David Alaba a d’abord dû se construire des modèles. Introduit au football par le paternel, l’imaginaire du garçon, émerveillé par la Bundesliga allemande, se forge. Et comme une évidence, les rares Super Eagles à fouler les Fußballfeld attirent rapidement son regard de passionné. Parmi eux, un milieu récupérateur en la personne de Sunday Oliseh, venu faire les beaux jours du Borussia Dortmund, puis un buteur, Victor Agali, au service du Hansa Rostock et de Schalke 04. Deux joueurs aux spécificités diamétralement opposées, donnant (déjà) la tournure polyvalente que prendra la carrière de l’Autrichien. Poussé par Alaba Senior, l’enfant de Donaustadt chausse ainsi ses premiers crampons au SV Aspern avant de rejoindre, à 10 ans, le géant Austria Vienne. « Adolescent, c’était l’un des plus fluets, se remémore son formateur, Thomas Janeschitz. Il flottait dans ses maillots et comme ils étaient de couleur violette, on le remarquait encore plus. Mais ce que je retiens de lui, c’est son sourire communicatif. Dès les premiers entraînements, on avait compris que l’on avait un phénomène sous les yeux. »

Faisant fi de ces difficultés physiques, David Alaba gravit en effet les échelons dans les catégories jeunes de l’Austria, au point d’en devenir une pièce maîtresse. « Nous l’avons fait débuter en ailier gauche, car il courait assez vite, poursuit Janeschtiz. Mais vers 14 ou 15 ans, on lui a fait refaire des tests. À l’Austria, et contrairement à un club comme l’Ajax, il n’y a pas de positions fixes. Nous faisons jouer nos jeunes à différents postes afin de les faire s’adapter au mieux. Et à ce jeu, David s’est très vite mis en avant. Lui qui n’hésitait jamais à venir aider son latéral, ce qui est rare pour un adolescent, on s’est dit qu’il fallait l’essayer en piston défensif. Là encore, ça a été une claque. » Vitesse et endurance, des qualités marathoniennes héritées de son père : « Je l’emmenais avec moi lors de chacun de mes footings, relate George pour le Süddeutsche Zeitung. C’étaient des entraînements militaires, mais lui suivait sereinement mon rythme. » Insaisissable près de la ligne de touche, celui qui « n’hésitait jamais à demander du rab et des conseils après chaque séance » accumule alors les tâches.

Voie de gauche

Une polyvalence précoce pour un gaucher, souvent exclusif, dont la frappe de balle caractéristique ne tarde pas à se matérialiser. « Je voulais à tout prix faire de son bon pied une arme fatale. J’estime que faire évoluer les jeunes en faux pied, afin qu’ils rentrent dans l’axe est une solution de facilité, détaille Janeschitz. C’était donc mon souhait de le faire jouer en tant que gaucher, à gauche. Ça lui a permis de perfectionner ses centres et sa patte gauche, celle que l’on connaît aujourd’hui. » L’affinage de l’adolescent prend forme, et mis en lumière, le nom de David Alaba ne tarde pas à traverser le Tyrol. Point de chute : Munich et son Bayern en 2008. « Normalement, je devais signer en Angleterre. Mais le Bayern est arrivé de nulle part, et Werner Kern (directeur des équipes de jeunes) s’est directement entretenu avec mon père, précisait David dans Einfach mal Luppen, le podcast des frères Kroos. Il nous a invités à visiter les installations et est même venu nous chercher à l’aéroport. Une fois arrivé à la Säbener Strasse, le centre d’entraînement du club, j’en suis tombé amoureux. » Il y restera treize ans.

En Bavière pourtant, changement de cap. Étoffé physiquement et sous l’impulsion d’Hermann Gerland, son coach en équipe réserve, Alaba entame une énième mutation, dans un rôle totalement novateur : celui de milieu relayeur. « Son gabarit de plus en plus athlétique nous a poussés à le faire jouer dans cette position, rembobine Gerland pour Fussballboom. Il s’y sentait à l’aise et sa formation de latéral-ailier lui avait offert les notions nécessaires à un bon maniement du ballon. Il ne lui restait qu’à travailler sa vision du jeu. » Pour cela, David l’érudit se met au régime sec, à base de « vidéos de Cesc Fàbregas, son modèle à suivre ». Un homme de bon goût.

La principale interrogation pour ce type de joueur c’est : à quelle vitesse va-t-il pouvoir lire le jeu ? Mais j’ai vite compris que c’était en fait lui qui dictait le tempo des matchs.

Le grand 8

Ailier, latéral puis milieu de terrain, difficile dès lors de déterminer une position préférentielle pour un joueur rapidement devenu expert en polyvalence. Preuve en est : de ses 431 rencontres avec le Bayern, 258 auront été disputées sur le flanc gauche, 138 dans l’entrejeu. Un postulat impressionnant sur lequel Marcel Koller, sélectionneur de l’Autriche entre 2011 et 2017, n’a pas hésité à s’appuyer. « Lorsque j’arrive en 2011, le vivier autrichien n’était pas vraiment flamboyant, se remémore le Suisse. En défenseur gauche, Christian Fuchs était au sommet de sa carrière, en plus d’être capitaine. Il a donc fallu habituer certains joueurs à évoluer à contre-emploi ou à plusieurs postes différents. Le protagoniste principal, c’était David. Il avait déjà expérimenté divers rôles dans sa carrière et en analysant ses capacités techniques et sa progression dans la lecture du jeu, nous avons décidé de le positionner en relayeur. »

Sélectionneur adjoint, Thomas Janeschitz, qui retrouve alors son protégé, n’a également pas tardé à monter dans le train : « Il était évident que son avenir, en équipe nationale du moins, se jouerait dans l’entrejeu. Quand je l’ai retrouvé en sélection, David avait encore doublé en taille et en masse, mais n’avait absolument rien perdu de sa finesse technique, c’était déroutant. Mais le véritable point de bascule, ça a été son entente avec Marko Arnautović. Je dis toujours que David est le garde-fou de Marko, son associé de toujours. » La puissance offensive d’Arnautović tranche effectivement avec le travail de l’ombre d’un Alaba chargé de ratisser et de distribuer chaque ballon. Expérience prouvée et probante, au sortir d’un Euro 2016 collectivement décevant, puisque quitté dès le premier tour, mais individuellement enrichissant car intégralement disputé dans ce costume de numéro 8, aux côtés de l’émergent Marcel Sabitzer. De quoi conforter Marcel Koller dans ses positions et définitivement installer le grand David dans la catégorie des joueurs complets : « L’harmonie qu’il apportait aux côtés de Marko Arnautović était sans égal. En attaque, Marko était une machine et derrière, David permettait de calmer un peu les situations chaudes. La principale interrogation pour ce type de joueur c’est : à quelle vitesse va-t-il pouvoir lire le jeu ? Mais j’ai vite compris que c’était en fait lui qui dictait le tempo des matchs. » Rien que ça.

Le maître du jeu

Les progrès tactiques sont évidents, à l’image de son arrivée au Real Madrid, ardemment désirée par Carlo Ancelotti, dans le costume de défenseur central. Janeschitz : « J’ai été un peu étonné de le voir débarquer en tant que central à Madrid, car au Bayern, il faisait surtout du dépannage à ce poste-là. De plus, il prenait la suite de Sergio Ramos, vous imaginez les attentes ? Mais encore une fois, au bout de ses deux premiers matchs, on a vu son association avec Éder Militão briller, malgré le différentiel de taille existant entre les deux (1,80 mètre pour l’Autrichien, 1,86 mètre pour le Brésilien). » Un constat viable, évidemment partagé par coach Koller : « Il a su évoluer dans ce rôle de défenseur, notamment au sein de clubs qui ont généralement beaucoup de possession. Avec son intelligence, il contribue à la construction de derrière, balle au pied, afin d’initier le jeu. Là où des joueurs moins intelligents doivent compenser par la vitesse ou la force, David joue avant tout avec sa tête, il réfléchit très vite. »

Pour le dissuader de goûter à cet univers (des boîtes de nuit) un peu malsain pour un footballeur, je lui ai donc inventé un tas d’histoires sombres qui se sont déroulées là-bas. Ça l’a carrément dégoûté.

Car au-delà de ces « simples » compétences techniques, le propre de David Alaba se situe effectivement dans l’aspect mental ou, tel qu’aime à le dire son père, dans l’« attitude ». D’un naturel calme et réservé, l’ailier/latéral/milieu a en effet su mûrir. « C’est simple : je ne l’ai jamais vu s’énerver, raconte Janeschitz. Hormis après une défaite ou contre lui-même, il faisait rarement la tête. Ce n’est pas quelqu’un de timide, mais de discret. C’est différent. Il sait quand il faut se taire et quand il faut hausser le ton, là où beaucoup se permettent de faire ce qu’ils veulent. » La tête froide d’un garçon déterminé à devenir une référence et pour qui les fastes ou les privilèges d’une vie de footballeur n’ont jamais vraiment primé. George Alaba : « Vers l’âge de 18, 19 ans, David voulait découvrir l’une des boîtes de nuit où j’officiais comme DJ. Pour le dissuader de goûter à cet univers un peu malsain pour un footballeur, je lui ai donc inventé un tas d’histoires sombres qui se sont déroulées là-bas. Ça l’a carrément dégoûté et, je ne sais pas si c’est vraiment grâce à moi, mais il n’a jamais mis les pieds dans ce genre d’endroit. Il a toujours su préserver sa vie privée et ne se focaliser que sur le football. »

La vie normale d’un « mec relax, qui ne parle pas beaucoup et n’a besoin que d’une ou deux phrases pour motiver ses coéquipiers et mettre le vestiaire en feu », à en croire Marcel Koller. Pas encore trentenaire, David Alaba a donc d’ores et déjà marqué de son empreinte le football international. Un parcours que l’on aurait dit tout tracé, pour une évolution hors des sentiers battus, bien résumée par papa George : « David, c’est un beau mélange : de l’Afrique il tient l’ambition, de l’Asie, l’élégance, et de l’Europe, la rigueur. » Rien d’autre à ajouter finalement, si ce n’est une ligne supplémentaire à un palmarès qui ne demande qu’à s’agrandir.

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Par Adel Bentaha

Tous propos recueillis par AB, sauf mentions.

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