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Agnelli, la Juve et l’indécence européenne

Par Adrien Candau
4 minutes
Agnelli, la Juve et l’indécence européenne

Obsédé par l'idée de réformer cette Ligue des champions qu'il ne veut plus partager qu'avec certains clubs triés sur le volet, Andrea Agnelli a comme oublié un petit quelque chose. À savoir, travailler correctement, pour permettre à la Juve d'enfin passer un cap sur le plan continental. Mais la Vieille Dame, éliminée par Porto ce mardi en huitièmes de finale de C1, a encore une fois cruellement bien porté son surnom.

Dans sa vision d’un monde idéal, Andrea Agnelli s’imagine peut-être une cour de récré. Rien à voir avec un gigantesque bac à sable, où les marmots se mélangent et se dispersent à leur gré, dans une fusion de rires, de jeu de paume et de balles en mousse. Non, le terrain de jeu idéal d’Andrea Agnelli est autrement plus ordonné. Les sixièmes ne se mélangent pas avec les cinquièmes. Les cinquièmes ne se mélangent pas avec les quatrièmes. Pour réaliser cette vision, Andrea Agnelli et certains de ses homologues veulent construire une clôture, où l’on ne s’amuse plus qu’avec ceux de sa classe. Un mur qu’il a fallu bâtir et qui devrait prochainement sortir de terre. Pendant qu’il en imaginait la forme et qu’il en plantait les premiers clous, Andrea Agnelli a cependant arrêté de faire une chose. Une chose élémentaire, pour un président de club de football : bien diriger sa formation et la doter d’une vision stratégique dans l’air du temps. Alors quoi ? Alors, voilà des années qu’Andrea Agnelli prépare le grand chamboulement de la Coupe d’Europe. Et voilà des années que la Juventus est embarrassante à regarder, dans cette Ligue des champions qu’il s’est juré de réformer.

On prend les mêmes, et on recommence

Ce mardi, les Juventini ont trouvé le moyen de sortir dès les huitièmes de finale de l’épreuve, face à une équipe de Porto pourtant seulement troisième de Liga Nos cette saison. Le tout en bénéficiant d’une supériorité numérique dès la 55e minute, après l’expulsion de Taremi, l’attaquant des Dragons. Ce match, les tifosi bianconeri l’ont vécu comme une vieille histoire, qu’on leur a ressassée en boucle, ces trois dernières années. Le pitch ? Déjà vu. Comme face à l’Atlético de Madrid et l’Ajax en 2019, la Juve, ridiculement minimaliste au match aller, doit se refaire la cerise au retour. Les péripéties ? Prévisibles. Paralysée par un milieu de terrain affligeant d’immobilité et d’insuffisances techniques, la Vieille Dame en est réduite à sauter les lignes grâce aux longues ouvertures de Bonucci. Ou encore à s’en remettre au pied droit de Juan Cuadrado, chargé de bombarder en centres une surface bunkerisée. Le dénouement ? Froidement logique, comme une formule mathématique ou un principe physique. Comme face à l’Ajax en 2019 et Lyon en 2020, la Juventus, plombée par une animation collective indigne d’une équipe de son standing présumé, sort prématurément de l’épreuve.

Agnelli, grandes ambitions, petite gestion

Tous ces problèmes, toutes ces carences, avaient déjà été constatés lors des deux saisons précédentes. Qu’est-ce qu’Andrea Agnelli y a changé depuis ? Rien. Ou alors si peu. On serait même tenté de dire que les Piémontais ont continué à doucement mijoter dans le jus amer de leur régression. La solidité défensive, l’expertise tactique et la solidarité collective des années Allegri s’est progressivement envolée. Pour compenser ce manque, cette équipe disait vouloir apprendre le déséquilibre, révolutionner sa manœuvre offensive, moderniser son approche vieillissante et conservatrice du jeu. Pour ne plus aborder les finales de Ligue des champions comme un outsider, comme ce fut le cas face au Barça (défaite 3-1, en 2015) puis face au Real (revers 4-1, en 2017).

À cet effet, embaucher Maurizio Sarri à l’été 2019 ne pouvait pas être suffisant. Il fallait que toute la machine bianconera accepte de changer de logiciel. Mais en avait-elle seulement les moyens ? A posteriori, le recrutement de Cristiano Ronaldo pour 100 millions d’euros, doublé d’un salaire annuel mirifique estimé à quelque 30 millions, ressemble désormais à une grossière erreur stratégique. Si le Portugais peut toujours accoucher de miracles dans la surface, encore faut-il qu’on lui donne les ballons pour le faire. Mais la Juve n’est pas le Real Madrid. Pour recruter Ronaldo, elle a dû, faute de moyens, se dégarnir ailleurs et surtout au milieu de terrain. À cet égard, les transferts de Rabiot et Ramsey (partis libres de leurs clubs respectifs) et d’Arthur (échange avec Pjanić) ne lui ont pas coûté beaucoup de billets. Le prix à payer, celui du terrain, était pourtant très lourd : l’entrejeu blanc et noir est sans imagination, statique et frileux. Tout le monde le dit, tout le monde le voit. Sauf peut-être Andrea Agnelli, qui était manifestement plus préoccupé par son fameux projet de refonte de la Ligue des champions, où il ne voudrait plus voir se mélanger les petits et les grands. Mais ce lundi soir, c’est bien Porto qui a miniaturisé les Bianconeri, dont l’ambition européenne s’est une fois de plus avérée n’être rien de plus qu’une grandiloquente illusion.

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