Pour conclure cet entretien de vingt minutes, Bourdin a eu le malheur de lancer Le Graët sur la question des fumigènes. « On est revenus nettement en arrière depuis trois mois. On est l’un des seuls pays d’Europe... Et l’UEFA ne nous confiera plus de compétitions si on n’arrête pas ce genre de choses » , s’est emballé le boss de la 3F sans que l’on comprenne vraiment quel rétropédalage et quel particularisme caractérisent le football français. Le nombre de fumigènes craqués dans les stades de l’Hexagone ? Ils sont en hausse, mais ce n’est pas nouveau. En janvier dernier, déjà, Didier Quillot le directeur général de la Ligue constatait « une multiplication par près de 2,5 » par rapport à la saison 2016-2017.
Inexpertise
Venons-en au particularisme français de l’usage pyrotechnique théorisé par Le Graët. « En Angleterre, il y a longtemps que c’est fini ; en Allemagne, même pas en rêve ; l’Italie, encore un petit peu ; l’Espagne, même pas en rêve... » , affirme-t-il. En Espagne et en Angleterre, c’est vrai, mais pour le reste... Si les fumigènes sont interdits dans les stades allemands, les ultras les utilisent toujours et il n’est pas rare de voir un craquage massif lors d’un anniversaire ou une situation exceptionnelle comme la relégation d'Hambourg. En Serie A, berceau de la culture ultra, il y a moins de fumigènes qu'avant mais rien que la saison dernière, le montant total des amendes contre les clubs, à cause de l'usage d'engins pyrotechniques, s'est élevé à 200 000 euros. Alors, Le Graët bombe le torse en vue de la saison prochaine : « On va réunir la Ligue, (...) ça va être zéro fumigène ! » Son idée : les matchs ne doivent pas démarrer tant que des fumigènes seront agités en tribune : « Ceux qui aiment le football ne seront pas très contents des types qui sont derrière le but avec des fumigènes. » Diviser les supporters, une certaine idée de la fonction présidentielle du football français.Depuis vingt-cinq ans, les engins pyrotechniques sont interdits dans les enceintes sportives en France parce qu’ils dégagent une forte chaleur et peuvent servir de projectiles dangereux. Depuis vingt-cinq ans, les supporters parviennent à passer outre les fouilles et sont prêts à braver la loi et les interdictions de stade, quitte à se déguiser et mettre en danger leurs parties génitales, parce qu’ils considèrent que cela fait partie intégrante du spectacle en tribune.
Les sanctions ne freinent pas les supporters
Le Graët le reconnaît lui-même : « Pour le moment, on a fait beaucoup de sanctions, ça n’a pas servi à grand-chose. » L’expérience nous a démontré que tant que les fumigènes et feux de bengale, pots de fumée, cierges, etc. seront interdits, les supporters continueront leur usage de manière sauvage. À l’instar de la question de l’aménagement des tribunes, les dirigeants du football français auraient intérêt à dialoguer avec les supporters pour mieux appréhender et concilier les différents types de supporterisme, entre ultras et non ultras. Car des solutions existent, à commencer par les torches sécurisées. Le Graët ne veut plus de fumigènes dans les stades français. En attendant, comme l’a repéré le collectif Supps par terre, Orange, « partenaire majeur de la FFF » , utilise un fumigène dans son dernier spot publicitaire. Une belle ironie.
Par Florian Lefèvre À lire : le dossier « ultras et autorités réunis autour d'une même table » , dans le SO FOOT #154
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