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Comment Blanc peut-il s’inspirer de Simeone ?
Ce soir à Londres, dans l'atmosphère si particulière des soirées européennes de Stamford Bridge, face au savoir-faire inestimable des John Terry et Branislav Ivanović, noyé devant l'expertise mystique de José Mourinho, le Paris Saint-Germain n'aura pas seulement besoin d'un entraîneur. Il faudra un peu plus. Il faudra que Laurent Blanc s'inspire de ce que Diego Simeone a réalisé la saison dernière. Il faudra que le PSG abandonne l'idée de « bien défendre » pour attaquer le Bridge comme des pirates.
Nous sommes le 30 avril 2014, et l’Atlético Madrid de Diego Simeone rend visite au Chelsea de José Mourinho pour la seconde manche d’une demi-finale de Ligue des champions inattendue. Les Blues devaient vivre une saison de transition, mais auront tout de même tracé leur chemin à travers Galatasaray et le PSG. L’Atlético ne devait pas se mêler au gratin européen, mais aura réussi à sortir le Milan et le Barça. À l’aller, les deux formations se sont neutralisées autour d’un score nul et vierge, qui a vu les 50 000 supporters de l’Atlético chercher désespérément la clé du cadenas que José Mourinho avait jetée dans les eaux du Manzanares. Peine perdue face à une formation londonienne qui sait parfaitement défendre son gardien, même sans Terry ni Ivanović, et même lorsque ce gardien n’est plus Petr Čech.
Au retour, sur les terres conquises par l’entraîneur portugais, Diego Simeone devait enfin succomber pour son manque d’expérience, disaient-ils. Son Atlético, fait de courage et de bravoure, allait finalement périr logiquement comme un petit au milieu de la cour des grands. C’est ce qui devait arriver, du moins. Au tour précédent, le Paris Saint-Germain l’avait emporté 3-1 à domicile, et avait tout de même fini par se faire éliminer. Laurent Blanc misant tout sur la tactique du « on défend et on contre » , espérant qu’une défense Thiago Silva-Alex puisse ne pas encaisser deux buts sans qu’une attaque Cavani-Lavezzi-Lucas en mette un, le PSG avait sombré dans les dernières minutes : 2-0. Deux ans avant, c’était le Napoli de Mazzarri qui n’avait pas profité d’un score positif à domicile (3-1 à l’aller, défaite 4-1 au retour). Alors, en avril 2014, après avoir seulement obtenu un 0-0 à Madrid, l’Atlético devait forcément perdre. A priori. Enfin, c’est ce qui devait arriver, si l’Atlético était venu pour défendre à Stamford Bridge.
Le jour où Simeone a renversé Stamford Bridge
Et d’ailleurs, c’est ce qui est arrivé. Lors des 36 premières minutes du match, Diego Simeone met en place un plan de jeu conservateur, timide, défensif, qui fait curieusement penser à ceux de Mazzarri et Blanc. Les Colchoneros reculent, Godín et Miranda défendent dans leur surface, et les contres lancés vers Adrian et Diego Costa ne sont pas assez soutenus pour espérer autre chose qu’un peu de chance. En face, Mourinho n’a pas non plus lâché sa formation la plus offensive : le milieu est ultra-défensif, avec un double pivot David Luiz-Ramires, Willian pour travailler dans l’axe et Azpilicueta en ailier « offensif » droit. Bien aidé par le manque de culot du Cholo, Chelsea parvient donc tout de même à gagner aisément du terrain à l’aide des longs ballons de David Luiz et des percées axiales de Ramires et Willian, attaqués seulement dans les trente derniers mètres madrilènes. À la 36e minute, Fernando Torres ouvre logiquement le score après un joli numéro de Willian sur le côté droit, reprenant un centre d’Azpi. 1-0, les Blues tiennent leur qualification.
Forcé par le destin, Diego Simeone fait alors ce que José Mourinho avait fait quatre ans plus tôt avec l’Inter à Stamford Bridge : prendre le jeu à son compte, presser agressivement les milieux londoniens, conserver le ballon dans le camp adverse, jouer haut, faire monter les latéraux pour faire reculer les ailiers blues, principaux points de chute des longs ballons de Cahill et David Luiz. Bref, réduire les Blues à des contres pour les écarter de la surface de Courtois et ne pas subir leur jeu aérien et leurs coups de pied arrêtés. À la 44e minute, le latéral droit Juanfran se trouve dans les six mètres de Schwarzer lorsqu’il reprend le centre de Tiago pour servir Adrian. À la 60e minute, la surface des Blues est prise d’assaut par six Colchoneros (Costa, Adrian, Turan, Tiago, Godín, Miranda) lorsque Diego Costa obtient un penalty. Dix minutes plus tard, c’est une nouvelle montée de Juanfran qui permet à Arda Turan de marquer le troisième but, celui de la qualification.
De Mazzarri à Simeone, en 4 étapes
Si Laurent Blanc pouvait s’inspirer de la victoire de Diego Simeone à Londres en avril dernier, et non de la défaite napolitaine de Mazzarri comme l’an passé, il le ferait sur 4 étapes. D’une, ne pas s’adapter à l’adversaire. Si Diego Simeone a pu changer rapidement de plan de jeu, c’est parce qu’il avait lancé une composition habituelle : un 4-4-2 formé par les trois paires Costa-Adrian, Turan-Koke et Tiago-Suárez. Blanc devrait-il vraiment faire confiance à David Luiz au milieu, alors que le PSG développe depuis deux saisons un jeu de possession basé sur un milieu Motta-Verratti-Matuidi ? De deux, tenter de contrôler le rythme du match. C’est certainement le plus difficile à faire contre une équipe de Mourinho, qui peut être plus ou moins brillante, mais donne toujours l’impression de savoir ce qu’elle fait. Concrètement, il s’agit de faire plus de fautes que l’adversaire, et savoir choisir quand l’arbitre doit arrêter le match. À Stamford Bridge, l’Atlético avait gagné cette bataille (18 fautes à 12), le PSG l’avait largement perdue (11 à 18).
De trois, le PSG ne doit pas « bien défendre » . Laurent Blanc l’a dit et répété, avant et après le match aller : la qualification passe par une bonne défense. Mais face à Chelsea, une bonne défense ne passe certainement pas par une utilisation de plus de ressources défensives (David Luiz au milieu). D’ailleurs, un 0-0 ne suffirait pas aux Parisiens. Pour éloigner les Blues des cages de Sirigu, limiter l’impact des coups de pied arrêtés et ne pas subir la pression de Stamford Bridge, Blanc devra sortir de sa zone de confort et envisager un plan de jeu audacieux offensivement. De quatre, le PSG doit donc jouer pour marquer. Si Jallet semblait avoir reçu la consigne de ne pas dépasser la ligne médiane la saison dernière à Londres, il aura surtout permis à Schürrle et Hazard d’obtenir des coups de pied arrêtés autour de la surface de Sirigu avec une facilité déconcertante. Avec une mentalité bien plus offensive, Juanfran les avait fait reculer. Cela passe bien évidemment par un milieu de terrain conquérant avec le ballon : alors que Thiago Motta n’avait touché que 64 ballons à Londres, et que la paire Verratti-Cabaye avait atteint les 74 en cumulé (le second avait remplacé le premier à la 54e minute), la mobilité de Koke était parvenue à dessiner la circulation du ballon madrilène avec 96 ballons touchés. Cela pourrait être la mission de Marco Verratti ce soir, s’il est bien aidé par les mouvements de Javier Pastore et Blaise Matuidi entre les lignes.
Les pirates de Paname
Le PSG ne gagnera pas les batailles des tirs et des duels aériens gagnés. Chelsea parvient toujours, peu importe l’opposition, à tenter 15 tirs par match à Stamford Bridge. En revanche, avec un plan de jeu audacieux, Laurent Blanc pourrait réussir à forcer les Blues à construire leur attaque depuis leur propre camp, limiter les coups de pied arrêtés près de sa surface et pousser Mourinho à dépendre des exploits de ses individualités en contre. Pour cela, le PSG doit jouer comme des pirates. Non pas des pirates qui viennent voler un trésor qu’ils ne méritent pas, mais des pirates qui sont prêts à tout perdre pour ce trésor. Des pirates prêts à encaisser trois buts pour pouvoir en mettre trois autres à leur tour. Des pirates prêts à titulariser Javier Pastore un soir de grande rencontre européenne à l’extérieur. Il faudra partir à l’abordage. Le PSG pourrait très bien jouer ainsi et s’incliner devant les exploits de Thibaut Courtois ou la maladresse de ses attaquants, mais il aura mis toutes les chances de son côté. Tout comme il existe plusieurs façons de gagner, il existe plusieurs manières de perdre. Ce soir, Blanc a l’opportunité de passer en quarts de finale de C1, mais il a surtout l’occasion de mettre en place un Paris Saint-Germain prêt à mourir debout pour démontrer à l’Europe qu’il a les armes pour rivaliser avec n’importe qui.
Par Markus Kaufmann
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