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US Villejuif : le huis clos comme recours à la folie des parents

Par Corentin Delorme

À la suite de la tentative d’agression au couteau subie par un de ses éducateurs, menacé par un parent de joueur, l’US Villejuif a suspendu tous ses entraînements et matchs jusqu’à la reprise du 8 janvier. Seul le seizième de finale de Coupe de Paris face à l’US Palaiseau, disputé mercredi, n’a pas été annulé. L’occasion de se rendre auprès d’un club qui veut que le football reprenne ses droits au plus vite, sans pour autant laisser passer cet événement inacceptable.

US Villejuif : le huis clos comme recours à la folie des parents

Il fait assez froid en ce mercredi soir du côté de Villejuif. Dans quelques minutes, le coup d’envoi du dernier multiplex de Ligue 1 sera donné, mais sur la pelouse du stade Louis-Dolly, la lumière des projecteurs est plus crue. Les hommes en rouge accueillent l’US Palaiseau, pour le compte des 16es de finale de la Coupe de Paris, et mènent à la mi-temps. Cette pause, Ismaël Bamba, directeur technique de l’USV, ne l’utilisera pas pour galvaniser son groupe, même s’il l’aurait préféré. Au lieu de ça, le directeur technique de l’USV se pose en bord de terrain pour évoquer l’affaire qui a ébranlé l’actualité et tout son club. « Ce qu’il s’est passé, c’est inacceptable et intolérable », gronde-t-il d’emblée avant de recontextualiser. « Un parent d’un U12 est venu, parce qu’il était frustré de la manière dont l’éducateur gérait son fils. Il avait l’impression que l’éducateur était injuste. Je pense que c’est une accumulation qui mène à une frustration et à ce genre de réaction. » Dans la confusion et à raison, le club décide d’annuler matchs et entraînements de toutes les sections. Une décision loin d’être simple à prendre comme l’explique Salim Fofana, coach des U14 du club : « Ce sont les enfants qui en pâtissent, c’est à eux que ce genre d’attitude nuit. Ça ne nous fait pas plaisir de prendre une mesure aussi drastique que celle-ci. »

Au-delà de l’agression qui a été celle subie par leur collègue, les deux hommes s’accordent sur un point : ce sont les enfants, dont ceux croisés çà et là dans le local du club, qui souffrent le plus de la situation. Ismaël Bamba le souligne, disant lui-même « parler avec son cœur » : « Ce n’est pas mon fils, mais ça me touche. Nous, on avait des rêves quand on était enfant, et on continue de rêver à travers eux. À travers le petit, on m’enlève aussi mon rêve, et un adulte n’a pas le droit de faire ça. » Les mots employés pour parler de cet événement, qui vient faire éclater la bulle que les éducateurs construisent depuis plusieurs années pour les enfants, sont très forts, le directeur technique de l’USV parlant même d’une « bombe ».

Tandis qu’une pluie fine continue de tomber sur les joueurs qui enchaînent les sprints, Salim Fofana renchérit sur ce point : « Si c’était une majorité des parents qui agissait ainsi, on arrêterait. On ne va pas se laisser faire, on ne lâchera pas, et s’il faut rééduquer des adultes en employant des moyens drastiques comme ça, on n’hésitera pas à le faire. » Le fait est que Villejuif n’est pas le seul club concerné par ce genre de comportement, qui découle de ce que les médias appellent les « Projets Mbappé », soit la pression constante d’une cellule familiale pour voir sa progéniture réussir coûte que coûte dans le football. Depuis le mois de septembre, des faits semblables se sont produits aussi à Montrouge et à Linas-Monthléry, avec des mesures similaires prises dans l’espoir de calmer les esprits avant qu’un drame n’arrive.

L’union sacrée

Malgré cela, l’atmosphère au club n’est pas plombée, Salim et Ismaël montrent même un visage bien loin d’être ceux de personnes résignées. Ils ont un combat à mener et entendent bien ne pas se laisser abattre, comme l’explique le coach des U14 : « On ne donnera pas la victoire à ce genre de pratique. Arrêter, c’est renoncer, et c’est hors de question. C’est vraiment un message, on va continuer à faire notre travail et ce qu’on aime, ici avec les garçons et le staff. » Au club, les parents ont envoyé de nombreux messages de soutien aux éducateurs via les boucles WhatsApp, signe d’une solidarité qui s’est mise en place et qui tient, ainsi que d’une prise de conscience. Comprendre : ces débordements ne sont pas généralisés et la grande majorité des parents viennent seulement « voir leur enfant jouer », ajoute Ismaël Bamba. Pourtant, la décision d’un huis clos a été prise pour les entraînements à partir de la reprise du 8 janvier et jusqu’à nouvel ordre. Une mesure réaffirmée par le directeur technique de l’USV mercredi, même si le match du soir fait figure d’exception. Il confie aussi avoir eu des discussions avec Montrouge afin de trouver une solution « pour que ça s’arrête ». Pour l’instant, le huis clos est la seule solution trouvée pour y parvenir et a le mérite de garder ce qui est pour eux essentiel : le football. Que ce soit les parents ou même les recruteurs, qu’on peut croiser lors de matchs de U12, « il faudra que chacun reste à sa place » d’après Salim Fofana. « Tant que les adultes restent de l’autre côté de la barrière, il n’y a pas de souci, clarifie Ismaël. Mais si on touche à l’essentiel, à savoir le terrain et le bien-être de l’enfant, là je me réveille, je sors mes griffes. »

Ce soir-là, les joueurs de Villejuif font le boulot sur le terrain, avec une victoire 4-1. Au club, tout le monde reste uni et travaille main dans la main. Les enfants ont été informés de la gravité de l’événement, et une discussion commune a été menée entre dirigeants et éducateurs pour reprendre les activités dans un cadre plus sain. Ismaël Bamba, connu comme le loup blanc au stade Louis-Dolly, ne se voyait pas faire autrement : « En abandonnant, on abandonne les enfants. Je vous le dis parce que je suis musulman et parce que le football est le centre de ma vie : je mourrai soit sur un terrain de foot, soit à la mosquée. » L’amour du football, c’est le carburant de ce club de banlieue parisienne, sacré champion de France en U11 il y a deux ans. Salim Fofana le dit, « il y a un projet », et il n’est pas question de le lâcher. Le problème rencontré cette semaine est plus grand que l’US Villejuif, touche plusieurs clubs en France, et la réponse devrait donc venir des instances que sont la Ligue ou la FFF. Ismaël Bamba saisit l’urgence et préfère avancer plutôt qu’attendre les instructions : « Je ne regarde pas en haut pour qu’ils viennent nous aider. Ceux qui aiment le foot vont réagir. » Difficile de faire plus clair comme message.

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Par Corentin Delorme

Tous propos recueillis par CD.

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