Une histoire de portiers
Paul Robinson ou David James ? Un faux débat tant il est clair que les deux loustics sont loin du niveau international. Un mal qui ronge un peu plus le foot british chaque week-end. Pourtant, a long time ago, l'Angleterre a connu de bons gardiens. Il était une fois...
C’est donc Paul Robinson qui gardera les barres de l’Angleterre contre l’Estonie samedi. Incontournable numéro 1 dans l’esprit de McClaren face à l’impressionnant David James… Cela fait quelques années que la perfide Albion se contente du goal « le moins pire » , si tant est qu’il y en ait un pour rattraper l’autre. D’ailleurs, si l’on passe brièvement en revue les équipes postulant au podium de Premier League, Chelsea fait confiance à un Tchèque, Liverpool à un Espagnol, Manchester United a son Néerlandais, Wenger lorgne sur un portier finlandais en pensant à Yoann Pelé, et Eriksson souhaiterait mettre le Danois Schmeichel fils en concurrence avec l’Allemand Lehmann. Bref, pour les portiers britanniques, c’est la crise.
Ca nourrit peut-être les vannes d’Hervé Mathoux, et ça fait rire, jaune parfois, les journalistes anglais, mais le problème est sérieux. De relances dévissées en chandelles improbables, de sorties hasardeuses en fautes de main, en passant par de mauvaises appréciations des rebonds et un service à peine minimum dans le contrôle de leur zone aérienne, les gardiens britons prouvent régulièrement qu’ils sont loin de l’assurance tout risque. Mais si on fouille bien, on retrouve les traces de solides gaillards sur la ligne des Trois Lions. Les médias d’Outre-Manche ne s’y trompent pas, et la nostalgie de temps meilleurs les envahit.
Ca remonte par contre. Au début des folles seventies. L’immense Gordon Banks se crashe en voiture en 1972. Laissant dans la foulée un vide entre les poteaux anglais. Mais la relève est là. Peter Shilton est déjà apparu, montrant plusieurs fois de belles choses après Mexico 1970. Puis dut se contenter souvent du banc lorsque Ray Clemence, de Liverpool, prit les gants de titulaire en 1972 précisément – avant de prendre une brève retraite internationale en 1976. Shilton/Clemence, voilà un duo qui excitait les foules, qui vendait du rêve, pas du genre Gaston Lagaffe avec des moufles.
En 1980, l’Angleterre n’a plus connu la joie d’une Coupe du Monde depuis dix ans, et compte bien aller en Espagne 82. Ron Greenwood, le sélectionneur, arrive à une unique conclusion : il faut les meilleurs goals du pays, en alternance, au poste de numéro 1. En clair, Shilton et Clemence doivent tourner. Jusqu’à quand ? demande-t-on à Greenwood en interview. « Jusqu’à ce que nous soyons en Espagne » .
Le temps de se qualifier venu, Shilton rend les buts plus propres qu’il ne les a trouvés face à la Norvège à Wembley, 4-0. Puis laisse sa place à Clem’ pour une défaite à Bucarest contre la Roumanie 2-1. “Shilts” tient la baraque lors de la victoire sur les Suisses 2-1. En match amical, l’Angleterre reçoit l’Espagne, et se fait surprendre 2-1, décidément, malgré Clemence.
Le choix définitif semblait alors s’être simplifié. Même si Clemence ne doutait de rien : « C’était clair pour moi. J’étais le numéro un bien qu’ayant fait d’horribles erreurs et perdu de mon niveau en championnat. Mais Peter et moi devions alterner » . Shilton, lui, a pris la chose du bon côté même s’il aurait pu prétendre à meilleure considération : « C’était une situation unique. Sur le long terme, ça n’aurait pas été convenable. Mais nous étions partenaires et sur le court terme, nous étions préparés à composer avec » .
Mais après la rencontre gagnée 1-0 contre la Hongrie, en novembre 1981, avec Shilton dans la cage, Greenwood devait, une bonne fois pour toutes, trancher dans le bacon. Des obligations avec son club firent manquer deux matchs de chauffe à Ray Clemence, laissant de fait la place de titulaire à Peter. Qui enchainera les sélections pendant le reste des eighties, au point d’être aujourd’hui le recordman en équipe nationale avec 125 capes sur le dos.
Bref, un problème de riche tant le niveau des deux gardiens était envié du monde footballistique de l’époque. Alors qu’à quelques encablures de l’Euro 2008, Steve McClaren ne dispose, lui, que de numéros deux dans sa panière. Et encore.
Pierre Maturana (et quelques mags anglais)
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