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« Un club ne meurt pas d’une descente, mais d’une mauvaise situation financière »

Propos recueillis par Raphaël Brosse
8 minutes
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Cancres de l’élite cette saison, Metz et Bordeaux viennent de chuter en Ligue 2. Une descente et ses conséquences financières sont très souvent synonymes de grosse galère, mais certains réflexes permettent de rapidement se relever. Petit cours de relégation bien négociée avec Fabrice Bocquet, ancien directeur général du FC Lorient (2015-2020) et auteur de L’Important c’est les trois points (Amphora).

En attendant de connaître l’issue du barrage, on sait d’ores et déjà que Metz et Bordeaux évolueront en Ligue 2 la saison prochaine. Êtes-vous optimiste quant à leur capacité à vite rebondir ? Les deux cas n’ont rien à voir. Metz est un club qui a plus que l’habitude de monter et descendre. Il a du mal à se stabiliser, malgré les nombreux investissements de son président. Néanmoins, la vision des dirigeants semble claire sur la durée. Pour Bordeaux, c’est différent. C’est une très grande ville de France, donc on peut penser que le FCGB a énormément d’atouts pour remonter rapidement. Cependant, ses finances et la gestion de l’effectif laissent planer de gros doutes. Comme je le dis toujours : un club ne meurt pas d’une descente, mais d’une mauvaise situation financière. Toutefois, si cette situation est saine, les Girondins auront une force de frappe nettement supérieure à celle des autres équipes de la division.

La meilleure façon de bien négocier une relégation, ne serait-ce pas de l’anticiper ?Si car, malgré une bonne saison en Ligue 1, on n’est jamais à l’abri que la suivante soit plus délicate. Avec Lorient, on avait été plutôt performants en 2015-2016 (quinzièmes en championnat sans jamais être en danger, demi-finalistes de la Coupe de France, NDLR), mais l’année suivante, on est descendus. Tout reste fragile, et le rôle d’un dirigeant est justement d’anticiper les coups durs. Sans cela, on court le risque de se prendre un gros coup de bambou derrière la tête.

Je ne sais pas si les dirigeants bordelais ont prévu des salaires Ligue 2 dans leurs contrats, mais s’ils ne l’ont pas fait, ils vont se retrouver dans une situation comptable très compliquée.

Comment faire, concrètement ?Il y a trois leviers : profiter de ses années au plus haut niveau pour développer ses actifs, comme le centre d’entraînement ou le stade, s’appuyer sur son centre de formation et veiller à avoir une structure de coûts flexible. Par exemple, quand on fait signer un contrat à un joueur en Ligue 1, il vaut mieux y indiquer aussi un salaire Ligue 2, qu’il toucherait en cas de descente. Ça permet une plus grande flexibilité de la masse salariale. C’est très important, pour réduire les coûts et éviter d’être en difficulté sur le marché des transferts. Je ne sais pas si les dirigeants bordelais ont prévu des salaires Ligue 2 dans leurs contrats, mais s’ils ne l’ont pas fait, ils vont se retrouver dans une situation comptable très compliquée. Avec une masse salariale qui rend vos finances exsangues, vous êtes en effet obligé de vous séparer coûte que coûte de certains joueurs et vous apparaissez en position de faiblesse dans les négociations. Dans ces conditions, impossible de maximiser ce que vous souhaiteriez obtenir.

Les clubs relégués récupèrent plusieurs millions d’euros en guise d’aide à la descente. Faut-il tout miser sur un recrutement compétitif ou opter pour des investissements de plus long terme ?La bonne réponse se trouve entre les deux. Quand un club descend, on peut comprendre qu’il ait la volonté de remonter rapidement. D’ailleurs, les statistiques montrent que c’est dans la première année qu’on a le plus de chances d’y parvenir. En revanche, on court un réel risque financier en cherchant à tout prix à remonter immédiatement. Déjà parce qu’il y toujours une incertitude dans le sport et que même dans l’hypothèse d’une promotion, si vous vous êtes mis la corde autour du cou, vous allez vous retrouver dans le rouge financièrement au niveau supérieur. C’est ce qu’il s’était passé avec Lens, promu en 2014, mais interdit de recrutement. C’est normal d’utiliser une partie de l’aide à la descente pour chercher à être compétitif, mais mieux vaut accepter un temps plus long, se donner quelques années supplémentaires pour redresser la barre.

Bernard Serin, le président messin.

Venons-en à la constitution de l’effectif post-relégation. Comment convaincre des joueurs frileux à l’idée d’évoluer en Ligue 2 de rester ? Les retenir contre leur gré peut s’avérer néfaste pour tout le monde.Effectivement. On l’avait d’ailleurs vécu avec Majeed Waris, resté avec nous en Ligue 2 pendant les six premiers mois, et ça avait été très compliqué, car il n’était plus dans le bon état d’esprit, ce qui est compréhensible. A contrario, certains acceptent de rester une saison supplémentaire alors qu’ils auraient préféré jouer en Ligue 1. Dans un monde idéal, il est mieux d’avoir un groupe pleinement concerné par son expérience en Ligue 2 plutôt que dans un esprit de regret.

Il faut profiter de la relégation pour appuyer sur un bouton « Reset » et travailler à la réduction de l’effectif.

Dans votre livre, vous insistez sur la nécessité de s’appuyer sur un groupe restreint pour être performant. La descente représente-t-elle une occasion idéale de dégraisser l’effectif ?Souvent, quand les résultats ne suivent pas, on cherche à compenser au mercato d’hiver. À l’arrivée, on se retrouve avec un groupe touché par la descente et par la frustration, car beaucoup de joueurs n’ont pas eu le temps de jeu espéré. Il faut donc profiter de ce moment-là pour appuyer sur un bouton « Reset » et travailler à la réduction de l’effectif. Au FC Lorient, on avait environ 35 joueurs quand on est descendus. Ça nous a pris deux ans pour équilibrer tout cela et tomber à 24-25 joueurs. Ça ne se fait pas d’un claquement de doigts, mais c’est essentiel. Il y a plus de qualité, plus de place pour les jeunes, moins d’états d’âme et moins de risques de se disperser pour l’entraîneur.

S’ils restent en poste, Gérard Lopez et Admar Lopes vont avoir du boulot à Bordeaux pendant l’été.

Vous aviez l’habitude de préparer une feuille de route pour le mercato dès le mois de mai. En quoi est-ce si important ?Il y a beaucoup d’émotions pendant un mercato. Or, les meilleurs plans sont ceux que l’on établit avant de voir toutes ces émotions arriver. C’est primordial pour s’assurer d’avoir un alignement parfait de la gouvernance, du président à l’entraîneur en passant par la cellule de recrutement et le directeur sportif. Si on n’est pas complètement alignés, on risque de commettre des bêtises dans le feu de l’action, de manquer de réactivité, ou de vouloir sécuriser un joueur par défaut. Bien s’organiser permet d’anticiper ces situations. Un bon mercato passe donc par une feuille de route très claire et préparée à l’avance.

Il faut créer les conditions pour permettre aux jeunes d’avoir leur chance. Sinon, c’est presque une hérésie.

Quelle place un club relégué doit-il accorder à son centre de formation ?C’est clairement un élément à privilégier, mais l’équation économique n’est pas simple. Sur dix-quinze millions d’euros de budget, un centre de formation de qualité peut nécessiter trois millions d’euros. Faire des économies au niveau du centre, c’est compliqué. C’est pourquoi il faut créer les conditions pour permettre aux jeunes d’avoir leur chance. Sinon, c’est presque une hérésie. C’est un enjeu stratégique majeur.

Sékou Mara, pépite du centre de formation girondin et rare satisfaction de la saison.

Parlons du banc, désormais. Quel profil d’entraîneur privilégier pour viser la montée ?Nous avons constaté que les clubs qui remontent vite en Ligue 1 s’appuient soit sur des entraîneurs ayant déjà connu des promotions, comme Jean-Marc Furlan, Christophe Pélissier, Philippe Montanier ou Antoine Kombouaré, soit des entraîneurs issus du club ou de la formation, tels que Bernard Blaquart ou David Guion. Mais il n’y a pas qu’une seule vérité et il faut raisonner de la manière suivante : quels sont vos besoins ? Qu’est-ce que vous recherchez ? Ça peut être très différent d’un club à l’autre, donc il faut s’adapter.

Mickaël Landreau était un novice en 2017, et c’est pourtant lui que vous aviez choisi après avoir été relégués. Ce choix n’était-il pas trop risqué ?C’était osé, oui. Mais ça faisait sens, parce que Mickaël avait un projet de club assez fort, avec une volonté de s’appuyer sur les jeunes. Il rentrait dans ce qu’on recherchait. La question était de savoir si l’on voulait remonter coûte que coûte ou si l’on souhaitait d’abord mettre en place des bases solides. Il y avait un alignement sur cette seconde option. Malheureusement, la montée nous a échappé de peu. Quand il est arrivé, Christophe (Pélissier, qui a succédé à Landreau en 2019, NDLR) s’est cependant rendu compte que les fondations étaient très bonnes.

Mickaël Landreau, époque FCL.

La saison prochaine, quatre équipes seront reléguées. Faut-il s’attendre à voir les clubs dépenser sans compter pendant l’été ?Comme disait Jacques Rousselot : « Dans chaque club de Ligue 1 sommeille un club de Ligue 2. » Pour le PSG, Marseille et Lyon, cette maxime ne s’applique pas vraiment, mais tous les autres ou presque auront peur de descendre. Sauf que quand on est guidé par la peur, on commet des bêtises, surtout lors du mercato. On privilégie un potentiel impact immédiat, quitte à mettre en danger son projet sur la durée. Pour moi, il faut éviter que l’argent versé par CVC (le fonds d’investissement qui va apporter 1,5 milliard d’euros à la Ligue et aux clubs, NDLR) ne soit injecté en majorité dans les transferts et les salaires, par la crainte des quatre descentes. Stratégiquement, pour l’ensemble du foot français, ce serait une erreur.

À lire : L’important c’est les trois points, aux éditions Amphora.
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Propos recueillis par Raphaël Brosse

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