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Tuchel et l’inspiration espagnole
Entraîneur coté car novateur du Borussia Dortmund, Thomas Tuchel se rend au Santiago Bernabéu avec l’ambition de faire le spectacle. Un trait de caractère qu’il doit autant à ses intimes convictions qu’à son attrait pour le football espagnol.
À l’été 2014, alors qu’il vient tout juste de démissionner de son poste d’entraîneur du FSV Mayence 05, Thomas Tuchel décide de prendre une année sabbatique. Sympathique, mais pas sans besogne, elle lui permet de s’installer à Munich et de voyager aux quatre coins de l’Europe en quête de nouveaux concepts à étudier. Au Schumann’s, bar du centre de la capitale bavaroise qui ne ferme jamais ses portes, il devient même un habitué en compagnie de son illustre modèle, Pep Guardiola. Dans ce haut lieu de la culture bohème munichoise, ils passent des heures à converser, débattre et importuner les serveurs. En cause, leur propension à concentrer sur leur table tous les poivriers et salières du restaurant, que les deux tacticiens utilisent comme pions dans leurs nombreuses soirées animées par des débats stratégiques. Admiratif du natif de Santpedor – « Il est le meilleur, même s’il ne veut pas l’admettre » –, l’actuel entraîneur du Borussia Dortmund est, plus largement, un féru du ballon rond espagnol. Une attraction qui caractérise son style de jeu et qui lui promet un futur, lointain ou proche, outre-Pyrénées.
« J’ai toujours suivi Barcelone »
Cette amitié qui le lie avec Pep Guardiola n’est que la partie visible de son iceberg espagnol. Ou plus précisément, de son attrait pour le FC Barcelone et son héritage cruyffien. Car bien avant de s’intéresser aux exploits de la Pep-team blaugrana, le jeune retraité des prés – il arrête sa carrière à vingt-cinq ans après huit petites apparitions en 2. Bundesliga et un genou en vrac – est intrigué par la réussite de l’Ajax de Rinus Michels et de son Hollandais volant. Ce qu’il confirme dans un entretien croisé avec l’entraîneur bavarois de l’époque sur le site de la DFB : « J’ai toujours suivi Barcelone et étais déjà l’un de leurs fans à l’époque de Johan Cruyff. » De fait, une fois les crampons rangés, les petits boulots d’étudiants terminés et les diplômes d’entraîneur obtenus, il s’attelle à concocter à sa sauce une version allemande du football total. Les résultats sont rapidement là, la manière aussi, et ce, malgré le micro-budget du FSV Mayence 05 qu’il conduit, par deux fois en quatre saisons, en Ligue Europa. Un exploit notable qui lui ouvre les portes, un an après sa démission, de Dortmund.
Entre-temps, son année sabbatique lui permet de découvrir de nouveaux univers jusque-là inexplorés. Comme, par exemple, de se rendre en Espagne pour assister à de nombreuses séances d’entraînement dans différents clubs de Primera, ainsi qu’à des matchs de Liga. Idem, il met à profit son temps libre pour peaufiner son niveau de castillan et s’intéresser aux études statistiques concernant le ballon rond. À l’instar de Pep Guardiola, toujours, il se distingue de ses pairs en se focalisant tout particulièrement sur les recherches du professeur Wolfgang Schöllhorn, théoricien des différents types d’apprentissage que requièrent les sportifs en lieu et place de la routine habituelle de répétitions des exercices. Autant de sources d’inspiration qui le poussent à innover lors de chacune des séances d’entraînement qu’il dirige : tantôt avec un objet dans les mains, tantôt avec des balles de tennis, ses joueurs n’enchaînent jamais deux journées similaires. Des poulains qu’il presse également à se cultiver, comme le confesse Mkhitaryan, à qui il offre le livre The Inner Game of Tennis : « J’y ai trouvé toutes les réponses à mes questions. »
Numéro un de la short list du Real
Après un premier exercice canon sous la guérite du Borussia Dortmund, Thomas Tuchel est considéré, à raison, comme le dernier grand innovateur du football moderne. Un statut qu’il doit, en partie, à Pep Guardiola qui lui a ouvert la voie, comme il le confesse au site de la DFB : « Pep a prouvé dans la droite lignée de Cruyff que l’on peut jouer un beau football pour gagner, peut-être même qu’il le faut. » D’ailleurs, selon certains journalistes allemands, l’Allemand est allé si loin dans son mimétisme avec Guardiola qu’il utilise les mêmes gestes sur le banc de touche ainsi qu’un vocabulaire similaire, jusque-là inconnu dans le lexique du football teuton, fait de « souffrance » et de « solidarité » .
Des paroles que les dirigeants merengues, eux, connaissent bien. Bien que correspondant plus au FC Barcelone actuel, en plein questionnement sur son identité, le profil de Tuchel plaît tant à la direction du Real Madrid qu’il figure au premier rang de la short list des potentiels successeurs de Zinédine Zidane. Avant une hypothétique arrivée au-delà des Pyrénées, il aura d’abord à cœur de faire honneur à son ami Guardiola en allant s’imposer ce mercredi au Bernabéu.
Par Robin Delorme