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Tactique : l’Inter, l’art du scénario

Par Maxime BRIGAND

Repartie de la première manche avec un succès mérité (2-0) et un clean sheet, le septième en onze matchs de C1 cette saison, l’Inter de Simone Inzaghi brille dans cette Ligue des champions par sa capacité à dicter le scénario des rencontres. Le match aller face au Milan en a été une nouvelle preuve, rebelote au retour ?

Tactique : l’Inter, l’art du scénario

Alors, Simone, ce derby ? Les mains posées de chaque côté du micro tendu sous son nez, Inzaghi a planté son regard dans ceux de ses visiteurs : « Cette fois, ce n’est pas un derby, mais LE derby. Nous savons tous ce que ce match représente pour nous, pour notre club, pour nos supporters, mais il ne doit pas y avoir de peur. Il faudra de l’unité, comme il y en a eu tout au long de notre parcours. Nous nous sommes parfois pris dans les bras, d’autres fois, nous avons été en colère, mais en tant qu’équipe, nous avons toujours fait bloc pour vivre ces soirées de la meilleure façon possible. » Et le lendemain, comme par magie, l’affaire s’est répétée : l’Inter s’est pointée face à sa proie – le Milan – et a réussi à lui imposer le scénario qu’elle avait choisi, un exploit déjà réussi avec brio contre d’autres adversaires (le FC Porto et Benfica) lors des tours précédents. Il y a une semaine, à San Siro, la bande de Simone Inzaghi a ainsi fait un peu plus que seulement remporter sa demi-finale aller de Ligue des champions (2-0) face à un voisin déjà reparti battu de leurs deux précédents dîners (3-0 en finale de la Supercoupe d’Italie mi-janvier, 1-0 en championnat début février). Elle lui a donné une leçon de gestion avec et sans ballon, mais aussi de maturité, confirmant le grand talent de Simone Inzaghi pour lire les rencontres et préparer des plans au millimètre pour les faire basculer dans son sens. Humble, le technicien est ensuite venu après le match louer ses joueurs – « ils ont eu la bonne approche » – avant de saluer « une première mi-temps extraordinaire » et une soirée « positive » qui permet à ses hommes d’attaquer la manche retour dans la même configuration qu’au palier précédent face au Benfica, même si le cadre est cette fois naturellement différent.

Peu de choses qui tombent des poches

Il serait possible de décrypter la copie de cette Inter qui aura longtemps passé sa saison à sous-performer en championnat : 66 buts marqués pour 67.87xG et surtout 37 buts encaissés pour 32.05xGA – autrement dit, avec plus d’efficacité dans les deux surfaces, les Nerazzurri auraient, selon les stats avancées, peut-être pu se frotter au Napoli pour le titre. Mais alors que le club milanais est au bord de la sixième finale de C1 de sa riche histoire, c’est son art du script qui interpelle. Cet élément n’est pas nouveau avec Simone Inzaghi, vainqueur de deux Coupes d’Italie (en 2019 avec la Lazio et en 2022 avec l’Inter) et de quatre Supercoupes d’Italie (2017 et 2019 avec la Lazio, 2021 et 2022 avec l’Inter). Ceci était déjà au centre de la qualification face au FC Porto lors des huitièmes de finale, notamment lors du match retour où l’Inter, victorieuse à l’aller (1-0), avait laissé le contrôle du ballon à son hôte (68% du temps) pour mieux le titiller en transitions. Sapé, comme toujours lorsqu’il se balade sans le ballon, en 5-3-2, le champion d’Italie 2020 avait alors présenté un bloc médian dont l’objectif était de ne perdre aucune bataille dans les couloirs intérieurs : objectif longtemps réussi grâce à deux béliers ambitieux (Bastoni et Darmian), à un Hakan Çalhanoğlu malin, à un Francesco Acerbi brillant dans sa couverture de la profondeur et à des relayeurs précieux pour orienter la relance adverse derrière une première ligne investie.

Le fameux 5-3-2 en action face au 4-4-2 du FC Porto.

Lors des premières minutes, Porto va tester la vigilance dans la profondeur de la ligne défensive milanaise : Eustaquio décroche, suivi de près par Mkhitaryan, et alerte Evanilson, contrôlé par Bastoni et Acerbi, dans la profondeur. L’Inter va alors tranquillement récupérer le ballon.

Autre situation douze minutes plus tard : alors que Porto repart court avec Cardoso, Džeko sort sur lui pendant que dans son dos, Bastoni accompagne le décrochage d’Eustaquio…

… sans solution directe, Cardoso ressort avec Costa, qui va allonger…

… et le ballon va être facilement récupéré par l’Inter.

Ici, Porto ressort côté gauche avec Sanusi pendant que Galeno aimante Dumfries. Comme souvent, Barella sort sur le latéral adverse, alors que le 6 – ici Çalhanoğlu – accompagne la phase de pressing.

On va retrouver cette situation dix secondes plus tard…

… avec cette fois Darmian qui jaillit devant Grujić.

Au-delà de l’utilité sur le plan défensif et de la frustration que cela peut amener dans les têtes adverses…

… l’idée est aussi de pouvoir exploser et de profiter de la désorganisation à la perte du FC Porto. Après la sortie de Darmian, Galeno va ici rentrer intérieur et se faire couper par Çalhanoğlu…

… la transition offensive est lancée et finira ici par un centre de Džeko.

Bien sûr, cette approche n’est pas une garantie automatique de succès, et à Porto, l’Inter avait ouvert la fenêtre à une prolongation dans les dernières minutes qu’André Onana, royal depuis le début de la campagne européenne de son équipe (le Camerounais est le gardien qui a sauvé le plus de buts devant Courtois dans cette C1 – 7 selon les PSxG), avait réussi à refermer avec autorité. Reste qu’au Portugal, un thème a été installé pour la suite du tournoi : on a compris pour de bon ce jour-là que les Nerazzurri savaient surfer sur les temps faibles et résister avec le sourire comme peu d’équipes présentes sur le plateau.

La double confrontation avec Benfica n’a fait que le confirmer. À Lisbonne, face à un nouvel adversaire habillé en 4-4-2, l’Inter n’a eu qu’à ressortir la même recette pour empêcher les locaux d’enflammer le quart de finale aller. Il l’a fait en hissant son bloc d’un cran, ce qui a permis de davantage mettre sous pression les premiers relanceurs lisboètes, mais il l’a aussi fait en demandant de nouveau à Bastoni et Darmian de suivre les ailiers intérieurs partout sur le terrain, tandis que Brozović s’occupait de Rafa Silva et qu’Acerbi contrôlait Gonçalo Ramos dans la profondeur.

Premier exemple sur cette situation où Dimarco sort sur Gilberto alors que Benfica vient de basculer le jeu côté droit et où Bastoni suit João Mário très haut…

Il va le suivre encore plus haut, alors que Džeko anticipe la passe suivante vers Antonio Silva…

… et va contrer le ballon en touche.

Cette attitude va être visible dans d’autres configurations : ici lorsque la première ligne de l’Inter est éliminée en défense placée – Darmian sort alors très haut sur l’ailier qui décroche dans le demi-espace (ici Rafa Silva)…

… ou là, quand Benfica construit une nouvelle opportunité, où on retrouve Barella qui vient aider sa première ligne de pression Džeko-Lautaro.

Au retour, l’Inter, qui n’avait quasiment rien laissé tomber de sa poche à l’aller, avait de nouveau majoritairement laissé le ballon à sa cible pour mieux la croquer et de nouveau sorti la même approche défensive. Si le match avait fini par s’emballer étrangement (3-3) dans les toutes dernières minutes, Simone Inzaghi avait longtemps regardé ses hommes en gestion, et une question s’est posée avant de retrouver le Milan : Stefano Pioli allait-il choisir de calquer son animation sur celle de l’Inter – il l’avait fait en championnat en février et a aussi passé les tours précédents de Ligue des champions face à Tottenham et à Naples en se calquant sur l’animation avec ballon adverse – ou allait-il plutôt, comme Porto et Benfica, miser sur son 4-2-3-1 (ou 4-4-2) classique ? Petite surprise : Pioli n’a pas bougé.

Le Milan va-t-il s’adapter ?

Devant ce choix, l’Inter, qui a basculé dans une forme de 4-3-3 avec ballon après avoir pris l’avantage, s’est de nouveau régalé la chique et a ressorti ses outils habituels tout en acceptant de parfois faire varier légèrement sa structure (3-1-4-2 en phase de pressing haut, 5-3-2/5-4-1 en bloc médian/bloc bas). Barella a passé une bonne partie de sa soirée à chasser le latéral gauche adverse (T. Hernandez), ce qui a eu plusieurs effets, dont celui premier de boucher l’accès de l’international français à ses zones de décollage favorites. Dimarco, lui, s’est occupé de sortir sur le latéral droit (Calabria), alors que Bastoni et Darmian ont principalement continué d’appuyer dans les couloirs intérieurs aux côtés de Çalhanoğlu et Mkhitaryan. Efficace dans la surface adverse et solide dans la sienne, l’actuel deuxième de Serie A, aidé par l’absence de Leão et la blessure rapide de Bennacer, l’a surtout été entre les deux surfaces grâce à une animation rodée qui a bouché les différentes tentatives rossoneri de s’infiltrer dans l’axe.

Dès les premières minutes, l’Inter a imposé une pression très haute, Barella venant alors fermer Théo Hernandez…

… freiné dans ses démarrages, le Français a alors souvent joué long de ligne, comme ici avec Saelemakers, dont la feinte va permettre à Bennacer de se retrouver en possession du ballon, sauf que Darmian veille…

… et va l’amener dans le cœur du jeu, où Çalhanoğlu l’attend.

Quinze minutes plus tard, autre situation : le Milan a renversé le jeu, mais Barella est vite sorti sur Hernandez, et Darmian a suivi les mouvements de Brahim Diaz. Le 5-3-2 (voire 5-4-1) est très identifiable.

Rapidement dans la rencontre, on a surtout vu l’Inter presser haut en 3-1-4-2 sous cette forme avec les deux pistons tournés vers les latéraux du Milan.

Nouvel exemple ici, ce qui va pousser Tomori à relancer long : Darmian sera ensuite à la retombée.

C’est d’ailleurs cette structure que l’on a vue au départ sur le but du 0-2 : bouché, Maignan doit relancer long…

… Acerbi est à la chute et gagne son duel face à Giroud, alors que les trois milieux de l’Inter sont en individuel face aux trois milieux du Milan (Krunic, Bennacer, Tonali)…

… Barella déclenche alors très vite vers Dimarco, parti dans le dos de Calabria…

… Džeko reste hors du champ de vision de Tomori et, par son déplacement, empêche la défense du Milan de coulisser. Lautaro sort aussi du champ de vision de Kjaer…

… la suite est cette passe de Dimarco plein axe, le superbe appel de Džeko pour ouvrir le couloir intérieur, aidé par Lautaro Martinez, qui va stopper sa course…

… et laisser Mkhitaryan, lui aussi longtemps rester derrière l’épaule de Tonali, finir plein axe.

Pour la huitième fois en onze rencontres de C1 cette saison, l’Inter a abandonné la possession du ballon, et pour la septième fois, Simone Inzaghi est reparti avec un clean sheet sous le bras. Tout sauf un butin gratté par hasard, mais plutôt une récompense pour un groupe jamais aussi heureux que lorsqu’il peut ouvrir des espaces à exploiter via un jeu vertical redoutable et qui a progressé collectivement cette saison dans ses voyages sans ballon, même s’il a été plombé par des erreurs individuelles à plusieurs reprises. Dos au mur, il n’est pas à exclure que l’AC Milan, qui a montré récemment face au Napoli à plusieurs reprises qu’il savait aussi exister avec cohérence sans le ballon et qui est miraculeusement encore en vie dans cette double confrontation, réponde par un petit changement de structure mardi soir. Il faut dans tous les cas tenter quelque chose pour Stefano Pioli qui, mieux que personne, sait que laisser cette Inter, si sûre de son modèle de jeu et des coups de fouet qu’il faut lui apporter en cours de match (Martinez et Džeko laissent généralement leur place à Correa et Lukaku ; Brozović est envoyé sur scène pour jouer avec le sablier quand Hakan Çalhanoğlu est souvent titularisé pour sa mobilité face à des adversaires à l’approche défensive individuelle ; un ou les deux pistons sont remplacés), écrire le scénario revient généralement à une seule chose : voir l’Inter s’en sortir avec les bras levés au coup de sifflet final.

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