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Roman Neustädter, néo tsar

Par Charles Alf Lafon
Roman Neustädter, néo tsar

Né en Ukraine période URSS d’un père germano-russo-kazakh-kirghize, Roman Neustädter pouvait prétendre à toutes ces sélections. Élevé en Allemagne, il a porté le maillot de la NM à deux reprises, pour finir russe à quelques semaines de l’Euro, grâce à Vladimir Poutine.

Raconter l’histoire du passeport versatile de Roman Neustädter revient avant tout à suivre les déambulations de son père, Peter, de son grand-père, et quelque part le sort du monde. Il faut même remonter jusqu’à Catherine II, la « Grande Catherine » , impératrice et autocrate de toutes les Russies du 28 juin 1762 à sa mort, parvenu au pouvoir après avoir détrôné son empereur d’époux. Érudite et grande stratège, Catherine repousse les limites de son empire très à l’ouest, obtenant notamment le démembrement de la Pologne. En outre, elle invite les habitants des pays européens à se déplacer vers la Russie, sur les rives de la Volga. Répondent à l’invitation des milliers de résidents des États allemands, qui s’établissent et créent une grande communauté. Dont le sort va basculer avec un nouveau coup d’État, la Révolution russe de 1918. Dans la foulée, le Conseil des commissaires du peuple, présidé par Lénine, adopte un décret créant la Commune de travail des Allemands de la Volga, qui devient en 1924 une république socialiste soviétique autonome. C’est là que les Neustädter apparaissent à notre regard. Le cours de l’histoire les rattrape de nouveau en 1941, lorsque l’Allemagne nazie s’attaque à l’URSS ; Opération Barbarossa. En représailles, Staline décide de supprimer la République et envoie ses ressortissants dans ses contrées les plus reculées, de peur d’avoir affaire à des espions. Grand-Papa, encore tout gamin, échoue à Karabalta, Kirghizistan. Il devient mécanicien à l’usine locale de molybdène (un métal) et rencontre Grand-Mama, dont la famille a été chassée d’Ukraine par la guerre. En 1966, Peter Neustädter voit le jour.

Peter le ballon

Peter aime le football. Ses premiers ballons, il les touche dans le club de sa ville, et intègre bien vite les équipes de jeunes du Kirghizistan, et fait même quelques apparitions en amical avec l’URSS junior. Son talent l’envoie au Zénith – pas encore Saint-Pétersbourg – Leningrad. À même pas vingt ans, ce solide et rugueux défenseur central rejoint le FC Kaïrat Almaty, au Kazakhstan, avec lequel il fait ses débuts en première division soviétique. Service militaire oblige, Peter fait ensuite un crochet au CSKA Moscou, en équipe réserve. Puis un tour au FC Iskra Smolensk, un autre au Dnipro Dnipropetrovsk. En Ukraine, république modèle d’URSS, un heureux événement a lieu : la naissance de Roman, le 18 février 1988. L’expérience ukrainienne tourne néanmoins court, et Peter continue sa carrière ; surtout un retour à Kaïrat. Mais bien sûr, l’histoire continue son œuvre. Le mur tombe, l’URSS implose. Les parents de Peter souhaitent rentrer en Allemagne. Peter prend alors la décision de les suivre avec toute sa petite famille, mais aussi son frère et sa sœur. Grâce à ses contacts, Karlsruhe lui offre un contrat, et il récupère la nationalité allemande, avant de signer au Chemnitzer. Mais c’est trop loin de chez ses parents, alors il ne reste qu’une saison et part défendre les couleurs de Mayence. 239 fois quand même, plus une cinquantaine de matchs après, en réserve. Trop dur de raccrocher de ce sport qui lui a tout donné. Même une carrière internationale. En 1996, Peter a déjà trente ans. Mayence vient de se sauver de justesse. Alors qu’il s’apprête à s’offrir des vacances bien méritées, il reçoit un coup de fil. C’est la nouvelle Fédération kazakhe, qui lui propose de rejoindre la sélection, rapport à son temps passé au Kaïrat. Au programme, un amical contre la sélection olympique d’Arabie saoudite et deux matchs qualificatifs pour la Coupe d’Asie, contre le Qatar et la Syrie. De bons souvenirs.

Un « fils de » hésitant

Roman aime lui aussi le football. Dès que l’école est terminée, il jette son cartable dans un coin, fait son travail rapidement, et file dehors sur le terrain. Au début, seul, puis il emmène son petit frère Daniel, né en 1994. Ils ne veulent que jouer, jouer et jouer. Évidemment, dès ses six ans, Roman rejoint lui aussi Mayence, dont il gravit tranquillement les échelons. Jusqu’à arriver en réserve en 2006, à 18 ans. Problème, l’entraîneur s’appelle Peter Neustädter, reconverti. Même si son talent est indéniable, qu’il goûte à l’équipe première, Roman n’est qu’un « fils de » , dans l’ombre, comparé, jalousé. En 2009, le milieu défensif décolle pour le Borussia Mönchengladbach. « Je voulais cesser d’être le fils de Peter Neustädter, explique-t-il à l’époque. Je voulais être vu seulement comme Roman Neustädter. » Sous Lucien Favre, Roman devient lui-même. À 23 ans, après une saison de Bundesliga, le niveau international lui tend les bras. Mais avec qui ? C’est la question que tout le monde se pose. Techniquement, il est alors allemand – il a d’ailleurs porté le maillot allemand en sélection de jeunes –, mais peut aussi prétendre à un passeport ukrainien (de part son lieu de naissance), russe (idem), kazakh ou kirghize (grâce à papa).

L’Ukraine lance la première offensive. Nous sommes en 2011, Roman hésite : « J’ai reçu un appel du directeur de l’équipe et il m’a demandé si je pouvais m’imaginer jouer pour l’Ukraine. Je lui ai dit que je pourrais venir si j’étais invité. Je suis né en Ukraine, j’y ai vécu pendant quatre ans(seulement un an en fait, ndlr). Mon grand-père a toujours voulu que je joue pour mon pays. Ma terre natale est chère à mon cœur. Je suis allemand et je voudrais également demander un passeport ukrainien, mais je ne sais pas si la double nationalité est acceptée. Je n’ai pas encore essayé, mais je vais maintenant attendre et voir. » Pour le décider, la télévision ukrainienne lui consacre un reportage, où il dit être intéressé par le fait de jouer aux côtés d’Anatoliy Tymoshchuk et finit par lire un extrait de l’hymne ukrainien à la demande des journalistes. Acte manqué. Quelques mois plus tard, Joachim Löw convoque le joueur, qui vient de signer à Schalke. Il disputera en tout seulement deux amicaux avec la NM, pas assez brillant pour se faire une place durable au milieu de Schweinsteiger, Kroos et consorts.

Merci Vlad

Arrivent 2016 et son championnat d’Europe. Les Russes réalisent qu’ils auraient plus de chances avec un solide habitué de Bundesliga et de LdC dans leur rang. Les contacts sont pris, la demande de passeport lancée. L’Ukraine se manifeste, sans trop d’espoir. Finalement, fin mai, Vladimir Poutine en personne annonce qu’il se « déclare satisfait de la demande faite par Roman Neustädter, né le 18 février 1988, en Ukraine, de devenir citoyen russe » . Enfin, Roman récupère son passeport russe, abandonne l’allemand, et dispute immédiatement un amical avec ses nouveaux coéquipiers. Il doit aussi se justifier. Beaucoup. De son flirt ukrainien ( « J’avais 23 ans, c’était ma première saison complète. Je regrette ce que j’ai dit. » ), dont il assure n’avoir jamais reçu d’invitation formelle. De sa nouvelle allégeance surtout. Une explication pragmatique d’abord : « Pour n’importe quel joueur professionnel, disputer une Coupe du monde ou un Euro est ce qu’il y a de plus grand. Je pense que j’aurais été heureux si cela avait fonctionné avec la DFB, mais ils sont déjà bien lotis. Depuis que je suis russe, je suis très heureux de pouvoir représenter la Russie. » Et le « choix du cœur » ensuite : « Je me sens russe. J’ai toujours senti une profonde connexion avec la Russie depuis mon enfance ; ma mère est russe et mes grand-parents aussi. J’ai vécu jusqu’à mes cinq ans avec eux au Kirghizistan. Je parle couramment la langue, et je peux aussi lire et écrire. J’ai toujours suivi la Russie dans les grandes compétitions. Quand j’ai été sélectionné pour l’Euro 2016, c’était vraiment un rêve devenu réalité. » Peut-être pas avec la Russie, mais qu’importe. Catherine ne lui en voudra certainement pas d’avoir utilisé tous les moyens possibles pour conquérir l’Europe.

Kevin Jones, du front aux tribunes
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