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Robert Pirès : « On pourrait donner le brassard à Pogba »
Présent au Foot Locker des Champs-Élysées, au lendemain du match France 98 vs FIFA 98, Robert Pirès en a profité pour signer quelques autographes, claquer quelques selfies et parler un peu de l'équipe de France actuelle qui démarre son Mondial face à l'Australie ce samedi. Paul Pogba, Kylian Mbappé et même les chances du Portugal, Robert Pirès muscle son discours.
Il y a vingt ans, vous disputiez votre première Coupe du monde, comment se sent-on lorsqu’on est joueur à l’approche d’un tel évènement ? En fait, tu es impatient, tu as envie que ça commence. D’autant plus que la préparation est dure, elle est longue. Ce que vivent les joueurs, nous, on l’a vécu il y a vingt ans. Il faut gagner, car tu as une certaine pression parce que tu t’appelles la France. Quoi qu’il arrive, tu fais toujours partie des favoris.
Est-ce un avantage pour les Bleus de disputer leur match à midi ? Cela peut éviter de les faire gamberger toute la journée ?Quand tu joues à midi, tu dois changer tout ton rythme habituel. Moi, je ne suis pas fan. Quand je jouais à Arsenal et qu’on jouait à 12h30, généralement la première mi-temps, j’étais catastrophique car je n’étais pas habitué. Quand on joue à 20h, même si la journée est plus longue, je préfère. Oui, jouer à midi, ça coupe la journée et ça arrive plus vite, mais je ne suis pas sûr que cela soit bien.
Ne pensez-vous pas qu’il manque un vrai leader à cette équipe de France, comme c’était le cas en 1998 avec Deschamps, Desailly, Blanc, etc ? En 1998, je ne faisais pas partie des leaders, mais la différence entre nous et aujourd’hui, c’est que nous avions des vrais leaders naturels. Aujourd’hui, il n’y en a pas.
Un Deschamps tu ne l’as pas, un Desailly, un Blanc, un Thuram ou un Petit, non plus. Je peux t’en citer plein. Il ne faut pas qu’un seul leader, il en faut quatre ou cinq. Et malheureusement, aujourd’hui, notre sélection n’en a pas. Quand ça ne va pas très bien, comme par exemple face à la Colombie (défaite 3-2, N.D.L.R.), il n’y a personne pour bouger un peu les autres, les engueuler. Quand tu n’es pas bien, tu as toujours besoin d’un mec qui aboie, qui te rentre dedans, qui te permet de te réveiller un petit peu. Et malheureusement, c’est ce qui manque à cette sélection. Par exemple, quand avec Vieira, Henry, Trezeguet ou Candela on intègre l’équipe de France en 1996, il y a déjà des bonhommes comme on dit, des hommes forts. C’est pour ça que ce mélange entre les deux générations, ces deux cultures a été phénoménal. Aujourd’hui, en fait, c’est la même génération. C’est pour ça que cela peut devenir compliqué s’ils se retrouvent en difficulté. C’est là où je pourrais être un peu inquiet. Mais pour le reste, c’est fort.
Quelle est la recette miracle, selon vous, pour être sacré champion du monde ? Il faut être bon, il faut gagner et il faut avoir de la réussite. C’est ce que nous avons eu, nous. Le Paraguay ? De la réussite, voire de la chance. L’Italie ? De la réussite. La Croatie ? Un miracle avec Thuram qui marque deux buts dont un du gauche. Et en finale, tu as un génie qui est arrivé et qui est Zizou.
Est-ce que vous ne pensez pas que cela peut légèrement irriter les joueurs de l’équipe de France actuelle qu’on leur parle sans cesse de France 1998 ? Je ne l’espère pas, car nous faisons partie du patrimoine du football français. Comme, avant nous, la génération Platini qui a été championne d’Europe. Nous aussi, quand on y était, on nous parlait de cette génération. Ça te met peut-être une certaine pression supplémentaire, mais encore une fois, c’est le patrimoine, et généralement, le patrimoine, tu le respectes. Nous sommes arrivés après la génération Platini, nous avons fait le doublé, mais nous avons toujours respecté les anciens. Et j’espère que la génération actuelle respecte ce que l’on a fait et qu’elle défendra au mieux le maillot bleu.
Comment avez-vous trouvé l’équipe de France lors de ses matchs de préparation ? Je ne fais pas attention aux matchs de préparation, car je suis passé par là et je sais très bien que l’objectif est de ne pas se blesser. Il y a des matchs amicaux qui sont programmés, tu les joues parce qu’il faut les jouer, mais inconsciemment, tu sais que l’objectif est de ne pas se blesser. Donc je comprends très bien le comportement des joueurs sur ces matchs et je ne le remets surtout pas en cause.
À votre avis, quel joueur va être la belle surprise des Bleus à cette Coupe du monde ?
On parle toujours de Griezmann, de Mbappé, mais moi, je vois bien Dembélé. C’est un joueur qui peut être décisif, qu’il soit titulaire ou non. J’espère d’ailleurs que tous les remplaçants auront un comportement irréprochable, car généralement, ce sont eux qui peuvent aider à faire gagner un match. Quand Aimé Jacquet et Roger Lemerre faisaient entrer quelqu’un, il se passait toujours quelque chose. La preuve avec Wiltord en 2000. Un remplaçant doit se dire : « OK, je vais peut être jouer cinq minutes, mais il faut que j’apporte quelque chose. » Parce que là, c’est l’équipe de France, on s’en fout des ego. Celui qui a un ego, il reste chez lui.
Que pensez-vous des prestations de Paul Pogba en équipe de France ?Les critiques sont dures. Est-ce qu’elles sont justifiées ? Ce n’est pas à moi de le dire. On connaît Paul, on connaît ses qualités. Moi, je serais partisan de lui donner le brassard. Si tu lui donnes le brassard, il a plus de responsabilités et doit donc changer sa façon de jouer. Cela peut servir de déclic et lui permettre de se sentir peut-être plus en confiance et plus relâché, car là, on voit qu’il y a quelque chose qui le freine, qui le coince.
Quel joueur de l’équipe de France actuel doit muscler son jeu selon vous ? (Rires.) Je vais dire Mbappé. Il est très bon, mais il faut qu’il le muscle encore plus. Et je pense que s’il arrive à franchir ce cap, déjà qu’il est fort, il sera encore plus fort.
Quel est votre pronostic pour les Bleus à ce Mondial ? Au minimum demi-finales. Après, c’est toujours délicat, car normalement, il y aura un des favoris en face. Après, oui, le premier objectif est de sortir du groupe, mais pour moi, avec l’équipe que l’on a, c’est minimum demi-finales. Je leur mets la pression, ça je le sais. Mais quand nous avons débuté il y a vingt ans, il fallait gagner, on n’avait pas le choix.
Quel regard portez-vous sur l’équipe du Portugal, votre « deuxième amour » ?
Personne n’en parle vraiment, c’est bien, mais un peu comme la Belgique, ça peut être une bonne surprise. Après, ils ont aussi la pression, car ils sont champions d’Europe et ont donc un certain standing à défendre. Mais le Portugal est pas mal, moi j’aime bien. Tous les joueurs ont pris de l’expérience par rapport à l’Euro. C’est pour ça que si l’on fait une analyse de notre parcours 1998-2000, nous étions meilleurs en 2000 qu’en 1998 parce que tout le monde avait joué un peu plus et avait progressé. C’est pourquoi notre parcours en 2000 est exceptionnel. Le Portugal, aujourd’hui, entre un peu dans cette configuration. Je ne dis pas qu’ils vont gagner, mais ils seront vraiment intéressants.
Qu’avez-vous pensé du choix de Zinédine Zidane de quitter le Real Madrid après sa troisième victoire consécutive en Ligue des champions ? Je ne suis vraiment pas surpris. Et je pense qu’il a fait le très bon choix. À un moment donné, quand tu es en haut et que tu sais que tu ne peux pas aller plus haut, il faut dire stop. Il a laissé une très très belle image quand il était joueur, et là, il laisse la même image en tant qu’entraîneur. Et je dis bravo, car je pense qu’il a eu raison.
D’ailleurs, est-ce que vous pensez, comme la France entière semble le vouloir, que Zidane sera le prochain sélectionneur de l’équipe de France ? En tout cas, moi je vote pour que Zizou prenne le poste. Attention, pas maintenant. Il faut respecter Didier et le travail qu’il est en train de faire. Et puis après, s’il y a une décision à prendre, la Fédération la prendra. Mais, est-ce qu’il a le profil pour être sélectionneur un jour de l’équipe de France ? Je te réponds oui.
Vu que nous sommes à Foot Locker, nous allons en profiter pour parler un peu mode. Pendant votre carrière, vous avez arboré ce joli trait de barbe. Aujourd’hui, c’est Adil Rami qui fait sensation avec son combo barbe-moustache Jean Rochefort. Que pensez-vous de ce style ? C’est la Coupe du monde, on essaye d’attirer un peu l’attention, ça fait partie du jeu. Certains vont chez le coiffeur avant pour trouver une nouvelle couleur de cheveux. C’est le nouveau football, c’est moderne et ça fait partie de la fashion. Tout le monde veut être fashion pour la Coupe du monde, car tout le monde va regarder et il y a des jeunes qui vont s’inspirer des footballeurs.
Avec le recul, comment jugez-vous votre look en 1998 ? Il a progressé, heureusement. En 1996 et 1998, ce n’était pas trop ça. J’ai mis du temps à trouver une mode vestimentaire convenable. Mais bon, nous sommes tous passés par des périodes un peu difficiles. On a tous connu le pantalon un peu bizarre, la chemise un peu bizarre, le pull ou la veste un peu bizarre au niveau de la couleur. Nous sommes tous passés par là.
Propos recueillis par Steven Oliveira