Pastis par temps bleu, pastis délicieux…
Le 11 juin, midi, à l'Etoile, une boîte lounge à pouffes près des Champs-Elysées. Eric Cantona est venu présenter sa dernière création : une bouteille de Pastis 51 qu'il a customisé de ses mains. Un reportage qui rappelle l'été, le vrai.
Mardi 10 juin, dans une boîte Hotmail, une annonce aux relents de Paris Plage : « 51, le pastis non conformiste vous invite à découvrir la création « haute en couleur » réalisée par Eric Cantona, le mercredi 11 juin de 12h00 à 14h00 sur le patio de l’Etoile. Intervention d’Eric Cantona en présence de Pierre Coppéré, PDG de Pernod SA. Cocktail déjeunatoire méridional et artistique » . Ou comment faire marner un Parisien qui attend ses vacances.
C’est vrai quoi, se faire un petit pastaga en terrasse entre Canto et Pernod, le tout autour d’une bouteille griffée du King en personne, ça a de la gueule. Surtout que pour une fois, le ciel parisien s’est mis au diapason, soleil de plomb et 25 degrés dans la capitale. On s’y croirait. Tongs, short hawaïen et boules de pétanque dans le sac à dos, direction les Champs-Élysées pour aller prendre quelques couleurs.
Arrivés sur les lieux à 12h30, la fameuse demi-heure de politesse française. Ça tombe bien, Canto est Français, donc lui aussi se pointe à la bourre. Petite bise à son frangin Joël pendant que l’attaché de presse se rue sur le Taxi, carte gold à la main. Une fois le taco rémunéré, c’est sur nous qu’elle se jette, et d’un seul regard nous fait bien comprendre qu’il ne faudra pas trop faire les marioles : « Vous êtes les journalistes de So Foot ? Allez y mollo avec les questions foot, parce que vous êtes les seuls de la presse sportive et qu’à priori, Eric n’a pas trop envie de parler ballon » . Et la liberté de la presse, merde ?
A l’intérieur de la boîte, une flopée d’hôtesses accueille les invités: elles sont belles, elles sont blondes, elles sont grandes. Elles nous sourient. On est bien. Le moment que choisit Charles de Saint-Vincent pour faire son entrée. Saint-Vincent, c’est le chef de produit 51. Costard beige, chemise blanc cassé, mèche châtain claire bloquée derrière l’oreille, Charly est un mec qui pèse, et cette petite sauterie c’est un peu son bébé quelque part : « L’idée a germé il y a un an et Eric a tout de suite accepté. Car plus qu’un alcool, cette boisson est une philosophie, un amour de la convivialité. Joël me confiait d’ailleurs qu’il y avait toujours une bouteille de Pastis dans les réunions familiales » . À l’en croire, une vraie famille d’alcolos.
Pour l’occasion, Pernod a bien fait les choses. Une armée de serveurs tektoniks déambule en proposant foison de petites verrines et autres toasts. Une purée de melon et son jambon de Parme par ci, un caviar d’aubergine et son nid de hareng par là, un velouté de tomate et sa crème de basilic ailleurs…le tout arrosé de Pastis et autres dérivés à volonté. On commence à être sacrément bien.
C’est là qu’intervient Jean-Louis Laboissière. Jean Lou’, il est chef de rubrique à Rayon Boissons, « le magazine des boissons en grande distribution » . Quelque part entre Jean-Claude Convenant et Eric Besnard, Jean-Louis est surtout un grand professionnel qui prépare parfaitement ses interviews. Observateur, il pense que l’on s’y connaît un peu en foot. Questions: « Cantona, il est de Marseille ? Et c’était un bon joueur alors ? Le beach soccer, c’est quoi en fait ? » Y’a pas marqué France Foot, mais on lui répond quand même. Entre confrères… Sympa, JL nous apprend en retour que le pastis est élaboré à base d’anis étoilé cueilli à la frontière de la Chine et du Vietnam, ce qui explique sans doute le choix de la boîte de Tony Gomez. Pas con, le Jean-Louis.
Correctement imbibés et presque rassasiés, on est enfin paré pour la conférence. Pierre Coppéré dégaine en premier : « 51, c’est une marque du Sud, synonyme de soleil. Mais c’est surtout une marque anti-conformiste, d’où l’Etoile en pleine journée. Et puis comme 51, Eric est un artiste 100% Marseillais » . Car ce n’est pas le footballeur ni l’acteur qui est là, mais bien l’artiste. Il répond aux questions calmement. Non, il n’a pas hésité une seconde, oui, la marque incarne un idéal de convivialité, et non, il n’a pas eu besoin de se droguer pour dessiner la bouteille. Au passage, il claque quelques aphorismes: « Très tôt, j’ai eu affaire à 51, même à 102 parfois » . Ou encore: « Baudelaire ? C’est un modèle dans le contenu. Je peux aimer un artiste qui se détruit car il ne se détruit pas pour être un artiste. C’est parce que les artistes ont parfois du mal à être ce qu’ils sont qu’ils prennent ces substances pour vivre » .
Surtout, il explique sa création: des filets, des alliances avec les noms de Gypsis et Protis (les fondateurs de la ville de Marseille), une voile et la bonne mère. Parce que « marquer un but, c’est comme pêcher un poisson » , que « le mariage, c’est aussi la liberté » et qu’ « il y a plein de bateaux à Marseille, et il est important pour les Marseillais de savoir qu’ils peuvent partir même si au final ils ne bougent jamais » . Encore essoufflée, une journaliste lève la main: « Vous pouvez expliquer la symbolique de votre bouteille ? » Réponse du King : « Je crois que Madame est arrivée en retard » , avant de conclure : « Le design de ma bouteille est enfantin, d’ailleurs quand je la vois, j’ai envie de me servir un verre » . Nous aussi.
Une fois son allocution terminée, le King reçoit en aparté. L’occasion enfin de discuter un peu ballon et de revenir sur son passé : « J’ai arrêté le jour où je ne pouvais plus faire mieux, où j’ai eu la sensation d’atteindre le sommet » . A terme, il se verrait bien à la tête de Manchester United ou de l’équipe nationale anglaise « parce que moi, c’est le football anglais qui coule dans mes veines » . Devenir le meilleur sélectionneur du monde en somme, parce qu’ « il n’y a rien de prétentieux à dire que l’on veut faire le mieux possible » .
L’occasion aussi pour quelques journaleux de se mettre en avant. Chemise Ralph Lauren, frange impeccable, et petits mocassins proprets, l’un d’eux se lance. « Moi je » avant chaque phrase, Monsieur débite ses souvenirs de Footix et en profite pour gratter un autographe, sous prétexte d’un petit neveu fan lui aussi.
Pendant ce temps-là, les desserts sont arrivés sur la table. Gâteaux de riz et gelée de champagne dans une flûte, dégeulasse. Mixture pétillante bleue schtroumpf dans une éprouvette, déroutant. Joël Cantona avec les lunettes de Kanye West, renversant.
Fin de l’apéro. Avant de repartir, chaque convive se voit offrir la fameuse bouteille. Au fond, c’est aussi pour ça qu’on a traversé Paname en vélib. Et parce que celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas, ce sera retour en métro pour tout le monde.
Par Paul Bemer et Lucas Duvernet-Coppola
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