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« Mettre « Fuck Euro » c’est trop extrême ! »

Propos recueillis par Anthony Cerveaux
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Mettre « Fuck Euro » c’est trop extrême !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En général, les supporters français ne sont pas des dizaines de milliers à se rendre aux compétitions internationales. Mais les innombrables fans oranje, britanniques ou allemands qui vont débarquer à Varsovie ou Kiev, comment vont-ils faire pour trouver le meilleur pub de la ville, l’hôtel le moins cher, la meilleure vodka ? Le réseau FSE (Football Supporters Europe)* a mis en place les « Fans’ embassies », littéralement ambassades de supporters, chargées de l’accueil et de l’orientation des supporters. Medhi, 30 ans, coordinateur pour la « French Fan Embassy », nous explique comment ça marche. Et puisqu’il est ultra marseillais, résident en Autriche et travaillant à l’ambassade du Canada, il nous en dit aussi un peu plus sur lui et sur cet Euro.

Les « Fans’ embassies » , qu’est-ce que c’est ?

Concrètement, ça veut dire que, dans chaque ville de Pologne et d’Ukraine, il y aura une « ambassade de supporters » fixe, en gros un bureau, ouvert tous les jours et tenu par des bénévoles polonais ou ukrainiens, proches du football et, dans la plupart des cas, actifs dans un groupe supportant leur équipe locale. Ces ambassades seront un point de rencontre pour les supporters, si tu cherches des informations, des plans de la ville, si t’as perdu tes papiers, que tu cherches un hôtel et ou que tu as besoin d´un service spécifique. Le but, c’est de rendre service aux supporters pour qu’ils se sentent bien accueillis. Et justement, en parallèle à ces « fans’ embassies » fixes, il y a aussi des « fans’ embassies » mobiles, composées de supporters de presque tous les pays présents à l’Euro ; cette année, il y en aura 12, en l’occurrence. Ils auront une voiture et se déplaceront dans les villes où joue leur sélection nationale. Là, ils planteront une tente pour accueillir et aider leurs compatriotes. Par exemple, pour les supporters français, nous, on est six personnes et on va épauler les ambassades de supporters fixes, notamment pour la langue. L’idée, c’est d’être le lien de communication entre les supporters et les organismes, institutions et autorités impliqués dans l´organisation du tournoi. Comme ça, les supporters ont le sentiment qu’ils sont les bienvenus dans le pays et peuvent profiter de l’événement dans un esprit de fête de football.

À part ça, vous avez d’autres missions ?

Oui, chaque « fan embassy » rencontre les autorités locales au stade, la veille des matchs de leur équipe nationale. Pour la France, à Donetsk et à Kiev, on va rencontrer la police, le chef de la sécurité du stade et des représentants de l’UEFA. On va discuter du nombre de supporters présents pour le match, des consignes à respecter, les drapeaux que les supporters pourront rentrer au stade…. C’est un échange d’informations, on est sur le terrain avec les supporters, donc on pourra directement transmettre ces informations aux supporters qui arrivent dans les villes pour éviter certains problèmes. Attention, on n’est pas des stewards, encore moins des policiers. On n’est pas là pour dénoncer ou arrêter des supporters. Et puis, on mettra aussi à jour notre site internet en publiant des articles et des photos.

Les six de l’ambassade française, vous venez d’où ?

Il y a des supporters qui viennent de Marseille et de Paris. Mais le plus important, quand tu fais ce travail à la « fan embassy » , c’est d’être ouvert, d’aller vers les gens, d’être réactif, t’es pas obligé d’être un grand expert sur le monde ultra, mais tu dois connaître le milieu du football et des supporters au sens large. Les gens qui travaillent avec moi ont une expérience des stades, à domicile comme en déplacement, ils connaissent l’ambiance des stades, qu’elle soit chaude ou pas. Bon après, de toute façon, avec les supporters français, il n’y a jamais de problème. Il faut savoir aussi que toutes les personnes qui font ça le font bénévolement. On nous finance le transport, l’hôtel et la nourriture, mais après on n’est pas payés.

Ça pose pas de soucis, des supporters parisiens et marseillais ensemble ?Ouais bon, j’aime pas les Parisiens. Non, je rigole c’est pas vrai ! À un certain âge, quand tu dois travailler et que tu as des responsabilités, notamment de service auprès des supporters, tu oublies un peu cette rivalité. Donc moi, j’ai pas de problème avec ça.

Comment es-tu venu à la FSE ?Je suis originaire de Marseille, je suis né supporter de l’OM et j’ai la mentalité ultra. J’habite en Autriche depuis plus de 7 ans où je travaille pour l’ambassade du Canada. À Vienne et à travers l´Europe, j’ai participé à plusieurs conférences avec le FARE (football agains racism in Europe) et, dans ces réunions, j’ai rencontré des personnes qui m’ont proposé de prendre le poste de coordinateur de l’ambassade mobile pour les supporters français. J’ai pris cette fonction après la Coupe du monde 2006, ça m’a fait connaître FSE et je suis devenu membre de cette association également. À côté, je suis aussi membre des Fanatics Marseille depuis 1998.

Qu’est-ce que tu penses du mouvement « Fuck Euro » ?C’est une question très compliquée. Je vais parler en mon nom et pas en tant que coordinateur de l’ambassade mobile pour les supporters français. Je suis aussi un supporter du Rapid Vienne depuis que je suis arrivé en Autriche, je fais partie des ultras Rapid. Et tu vois, pour moi, ça a été difficile parce que je travaillais déjà à l’Euro 2008 en Autriche, comme coordinateur pour les supporters français, alors que tous les ultras d’Autriche, et plus précisément les ultras Rapid, avaient monté un mouvement « Scheisse EM ! » ( « On emmerde l’Euro » ), avec T-shirt, stickers et écharpe qui a été mal pris par le gouvernement et les médias. Du coup, c’est dur pour moi de donner une position, parce que je fais aussi partie d’un groupe de supporters qui est oppressé et discriminé par la politique répressive du gouvernement, par les médias qui réduisent les groupes ultras à des criminels. C’est dur, pour nous supporters, de pouvoir toujours vivre notre passion librement. Mais bon, le travail que je fais, c’est un service que je rends aux supporters, après, tout ce qui est politique, ça me passe au-dessus de la tête.

Mais selon toi, est-ce qu’il y a des raisons à de telles démonstrations d’opposition ?

Mettre « Fuck Euro » , c’est trop extrême. Tu peux t’exprimer contre le football moderne et certaines institutions si tu as des raisons et que tu développes un argumentaire. Tu peux boycotter un événement sportif, un Euro ou une Coupe du monde, mais c’est pas en mettant « Fuck Euro » que tu vas être pris au sérieux. Au contraire, tu vas dégrader ton image et donner raison aux personnes, instances et institutions qui veulent que tu disparaisses des tribunes. Tu peux dire que tu es contre le football moderne et l’organisation de l’Euro, parce que, par exemple, le gouvernement n’a pas amené l’argent et les infrastructures qui étaient prévus. Mais alors, c’est ça qu’il faut mettre en avant et commencer à élaborer des actions intelligentes.

Tu penses quoi de la décision du gouvernement polonais de juger en comparution immédiate directement dans les stades les supporters coupables de débordements ?

Là, ça devient trop politique…

Mais t’as un avis quand même ?

Personnellement, je suis pour que le supporter de football ne soit pas discriminé. Par exemple, t’es dans un magasin, si tu voles quelque chose et que tu te fais prendre, on ne te juge pas directement dans le magasin. Je pense qu’un supporter doit être traité comme une personne civile normale, il ne faut pas de traitement d’exception, la justice doit être la même qu’on soit dans un stade ou en dehors. Mais je pense aussi qu’il ne faut pas trop mélanger politique et football même si, quand tu es supporter, il faut se battre pour conserver un minimum de liberté.

* FSE

L’adieu à Neeskens, l’autre Johan des Oranje

Propos recueillis par Anthony Cerveaux

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