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Mais qui es-tu le FK Vojvodina Novi Sad ?

Par Arnaud Clément
Mais qui es-tu le FK Vojvodina Novi Sad ?

Sauf incroyable catastrophe, le FK Vojvodina Novi Sad, doyen des clubs serbes, sera présents en barrage d'Europa League, après son carnage sur la pelouse de la Sampdoria (0-4). Mais il reste inconnu pour le grand public par rapport à l'Etoile rouge ou au Partizan Belgrade. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir écrit quelques belles pages et exporté de sacrés joueurs comme Silvester Takac, Sinisa Mihajlovic ou Milos Krasic.

C’est comme si tout avait commencé le 30 juillet 2015 pour le Vojvodina Novi Sad sur l’échiquier européen. En rentrant de leur apéritif ou de leur session plage, des milliers de vacanciers s’attardent sur les résultats des Verts et des Girondins en tour préliminaire d’Europa League, en tout point positifs. Mais pas aussi parlants que ce résultat surprise. La Sampdoria de Gênes, retrouvée après un exercice précédent correctement bouclé, explose en plein vol au 3e tour préliminaire aller de l’Europa League contre un obscur club, le FK Vojvodina Novi Sad. Un très sec 4-0 subi sur sa pelouse pour un club du Calcio contre une équipe de Serbie, qui n’est pas l’une des deux plus grandes institutions que sont le Partizan et l’Etoile Rouge de Belgrade… Surréaliste.

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Accident industriel ? Impact de la délocalisation au stade Olympique de Turin ? Retard de préparation par rapport à un adversaire qui a déjà repris dans son championnat ? Peu importent les excuses, les étoiles sont serbes ce soir-là. Un but précoce d’Ivanic, un contre assassin fini par Stanisavljevic et surtout deux jolies cerises sur le gâteau amenées par l’ancien commis de l’Etoile Rouge, déniché par Robert Prosinecki himself, devenu chef de la tambouille offensive du Vojvodina cet été, Ognjen Ozegovic… Rien à redire, la fessée n’est pas volée pour les joueurs de Walter Zenga, raillés par tout un pays, et même bien plus, comme s’il était impossible d’admettre qu’un tel rapport de force tourne en leur défaveur. Le microcosme « fudbal » est ébahi. Et ce d’autant plus que ce microcosme s’émerveillant de buzz se délecte d’une autre pépite signé Ozegovic en championnat trois jours plus tard, avec une bicyclette venue d’ailleurs, et sûrement pas du musée de Loulou Nicollin. Chirurgical.

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Deux guerres et des morts, mais un club vivant

Pourtant, le ballon rond roule depuis plus d’un siècle à Novi Sad, ville surnommée « l’Athènes serbe » pour sa richesse culturelle et située au nord du pays. Le club voit le jour dans le secret en mars 1914, sous l’impulsion d’étudiants du lycée serbe orthodoxe et d’intellectuels. Sa création, et surtout son nom, sont déjà un pied de nez pour l’establishment et les autorités, avec ce « Vojvodina » accolé au nom de la ville, en hommage à la province serbe de Vojvodine qui joua la carte de l’indépendance serbe au sein de cet Empire austro-hongrois entre 1848 et 1849. Cette parenthèse enchantée est mise en stand-by après seulement un match joué, et remporté, pour cause de premier conflit mondial. Une fois les hostilités guerrières terminées, l’histoire peut recommencer et c’est en partie grâce à l’aide d’étudiants serbes partis à Prague avant et pendant la Grande Guerre qu’une nouvelle page s’écrit.

A tel point qu’en 1922, en hommage au Slavia Prague, où ces émigrés avaient continué à assouvir leur passion, le Vojvodina Novi Sad adopte les mêmes codes couleurs : le rouge et le blanc. L’ascension peut commencer, mais est d’abord régionale, notamment grâce à la génération de la « Millionaires team » des années 30 et 40, dont les succès permettent au club d’envisager de rejoindre le grand championnat national de Yougoslavie. Les projets d’Adolf Hitler et l’invasion de l’Europe par les forces de l’Axe en décident autrement. Pire, la quasi-totalité de l’institution Vojvodina meurt en résistance ou dans les camps de concentration, Novi Sad abritant alors une forte communauté juive. Une tragédie dans l’histoire locale et un peu plus dans celle du club, qui ne va pourtant pas voir son chemin s’arrêter là, bien au contraire. Elle ne fera que rassembler et mobiliser les survivants et les jeunes générations pour les premiers succès à venir.

Les quatre fantastiques

Né en 1940, Silvester Takac, l’ex-entraîneur de Sochaux et Nice dans les années 80 et 90 et joueur du FK Vojvodina Novi Sad de 1955 à 1966 avant son exil à Rennes, se souvient bien des années 50. Celles-là même qui lui ont permise de se forger dans son rôle de jeune attaquant et d’apprendre à tout un club de ne plus avoir peur du Big Four yougoslave d’alors, à savoir les deux gros poissons de Belgrade, le Dinamo Zagreb et l’Hajduk Split. « Dans les années 50, le Vojvodina avait alors quatre grands internationaux yougoslaves, qui étaient tous des titulaires indiscutables en sélection, avaient été des coupes du monde 1954 ou 1958. Il y avait Vujadin Boskov, qui fut par la suite entraineur, et notamment à la Sampdoria, Todor Veselinovic (NDLR autre ex de la Samp’), un très grand buteur qui était mon idole d’ailleurs, Zdravko Rajkov et Dobrosav Krstić, qui a joué à Sochaux par la suite. »

Des as qui portent un collectif joueur, qui se fait sa réputation technique. « C’était une équipe vraiment brillante, qui produisait du beau football. A domicile, elle gagnait parfois 12-1 ou 9-0. Et il y a ce fameux jour où elle est allée gagner 6-0 sur le terrain de l’Hajduk Split en 1955. J’avais 15 ans, imaginez les légendes qu’ils étaient pour moi » , poursuit Takac. Les supporters adverses applaudissent à tout rompre malgré la rivalité et la légende veut même que des joueurs serbes aient été portés en triomphe par leurs admirateurs d’un soir. Les années suivantes de joutes de haute lutte, sans succès pour autant, puis le départ des quatre fantastiques une fois la limite d’âge fixée par les autorités communistes pour l’exil à l’étranger atteinte, vont tracer le premier grand coup d’éclat du FK Vojvodina Novi Sad.

1960-1980, l’heure de gloire

Une génération laisse place à la sienne et le retour de Vujadin Boskov en 1964 au poste de directeur technique va permettre aux jeunes loups de prendre le pouvoir : « Ce tandem nous a aidés. De par le travail physique, technico-tactique, la discipline, l’ordre, on a pu progresser. Avant, cette belle équipe avait des qualités et jouait comme le Barça, mais en moins efficace » compare Silvester Takac, toujours installé en France, en région Paca. Résultat, le club est sacré pour la première fois en 1966, avec huit points d’avance sur le second. Un résultat aussi costaud que Tito : « Imaginez, cette année-là, le Partizan Belgrade fait pourtant une finale de Coupe des Champions contre le Real Madrid ! » Pas pour rien que l’année suivante, les rouge et blanc tapent d’autres rojiblancos, ceux de l’Atletico, en match d’appui de C1 et sur les terres de Luis Aragones, avant de s’incliner en quarts, malgré un succès à l’aller, contre le futur vainqueur, le Celtic Glasgow. C’est d’ailleurs juste avant ce fameux match d’appui que Silvester Takac, bien vendu par un ami journaliste à France Football auprès de clubs français, sera forcé de signer au Stade Rennais : « Ce n’était pas mon choix, mais le club allait gagner de l’argent… »

S’en suit des seventies toujours au coude à coude avec les poids lourds qui raflent tout sur leur passage avant que le FK Vojvodina ne revienne sur le devant de la scène, juste avant de nouvelles hostilités guerrières. En 1989, alors que le club est alors drivé par Ljupko Petrovic, celui-là même qui emmènera l’Etoile rouge sur le toit de l’Europe face à l’OM deux ans après, de nouveaux jeunes loups croquent la Yougoslavie tout entière, avec à leur tête celui qui n’est pas encore défenseur ou terreur des gardiens européens placés 25 mètres plus loin, Sinisa Mihajlovic, qui n’a pas voulu signer au Dinamo Zagreb quelques mois plus tôt. Cette vocation de chercheur d’or juvénile, héritage des premières pierres posées par Vujadin Boskov, le club l’a d’ailleurs toujours cultivé dans ses gènes malgré des temps plus troublés. Sans pour autant pouvoir amener à maturité sa production locale.

« Ceux qui ont les moyens sont champions. »

C’est en tout cas un constat que regrette Silvester Takac, toujours relié avec sa terre natale et son club de cœur par Internet ou la télévision par satellite : « Depuis pas mal d’années et après la guerre, beaucoup de clubs essayent de former jeunes et de les vendre, mais à mon avis trop tôt. Parce que les clubs vivent de ça, comme il n’y a pas beaucoup de monde au stade par exemple. Au final, ces jeunes-là ne peuvent rendre en retour ce que leur club leur a donné. C’est dommage pour le football. » Et celui-ci de bien se rappeler un cas de figure récent avec la dernière merveille sortie par le FK Vojvodina, Milos Krasic, passé depuis par la Juve, Bastia ou Fenerbahçe. « Je l’ai rencontré au début des années 2000 grâce à mon ex-coéquipier Ilija Pantelic, (ex-gardien de l’OM, Bastia et Paris), qui était alors directeur du centre de formation. C’était déjà l’espoir numéro 1 en Serbie. Je m’attendais au final à ce qu’il fasse une plus belle carrière, vu ce qu’il montrait. »

Et quand ce ne sont pas les mastodontes étrangers qui lorgnent sur leurs beaux bébés, ce sont ceux du pays, comme ce fut le cas il y a peu : « Le Partizan est venu chercher en cours de saison le coach du Vojvodina et un ou deux joueurs. Et au final, il a été champion. Comme dans tous les pays d’Europe à présent, ceux qui ont les moyens sont souvent champions. » Preuve en est, Vojvodina a terminé à six reprises sur le podium depuis 2007 et quatre fois finalistes de la coupe nationale dans la même période, parvenant tout de même à l’enlever en 2014. Histoire de bien garder le rythme d’un titre tous les deux ou trois décennies.

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