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Ludogorets, un conte bulgare

Par Marc Hervez, à Razgrad. Photos : Renaud Bouchez
Ludogorets, un conte bulgare

Inconnu au bataillon il y a quelques mois, le club bulgare de Ludogorets, dans le sillage de son héros Cosmin Moți, est devenu le Petit Poucet le plus sympathique du foot européen. Immersion dans le club d’une ville de 30 000 habitants qui a envie de terrasser le PSG.

« Quand 10 000 habitants d’une ville qui en compte 32 000 font cinq heures de route pour voir un match de football, je peux vous dire que vous vous en rendez compte : il n’y a personne dans les rues. La plupart des commerces et entreprises n’ont pas ouvert de la journée. Et quand je suis sorti après le match, il n’y avait pas un chat. Une ville fantôme. » Djipo n’en revient toujours pas. Fils d’un ancien député de la région, à la tête d’une entreprise de métaux et ami du président du club bulgare de Ludogorets Razgrad, Aleksandr Aleksandrov, il mesure le chemin parcouru : « Dire qu’il y a quatre ans, le club végétait en troisième division, alors qu’hier, on a joué le Real Madrid en Ligue des champions… » La scène date de 2014, mais résonne encore aujourd’hui, à l’heure où un nouveau grand nom européen, le Paris Saint-Germain, s’apprête à en découdre sur le sol bulgare.

On dit souvent que « tout va très vite en football » . Il faut croire que cette maxime a été inventée pour Ludogorets, dont la progression est on ne peut plus spectaculaire, encore plus pour une ville de cette taille, située dans le nord-est du pays à une heure de voiture des plages de la mer Noire, et connue jusque-là uniquement pour son traditionnel « Festival du yaourt » . Ludogorets est devenu en six ans la place forte du football Bulgare, loin devant les clubs de Sofia, la capitale. Le palmarès gonfle un peu plus chaque année : l’équipe compte cinq titres de champion de Bulgarie pour… cinq saisons seulement passées en première division. Mieux, dès sa promotion, Ludogorets a remporté le triplé (championnat, Coupe et Supercoupe). Et sur la scène européenne, le club, dont le budget était de 6 millions d’euros il y a deux ans et n’a pas beaucoup bougé depuis, est de plus en plus pris au sérieux. Il faut dire que la campagne 2014/2015 a fait son œuvre : après avoir perdu à Liverpool 2-1 sur un penalty dans les arrêts de jeu, Ludogorets avait fait trembler le Real Madrid, rien que ça, pour le premier match de Ligue des champions de son histoire à domicile (façon de parler, puisque l’équipe est contrainte de recevoir ses adversaires à Sofia en Coupe d’Europe, car son stade ne contient que 6000 places assises, ce qui est bien insuffisant aux yeux de l’UEFA). Après avoir ouvert le score, Ludogorets a concédé un penalty inexistant, puis a cédé sur un but de Benzema à un quart d’heure de la fin, sous les huées des 40 000 supporters locaux qui criaient « arbitre mafia » toute la deuxième mi-temps. « Cette progression peut être surprenante vue de France, mais elle ne l’est pas tant que ça. Elle est même plutôt logique. L’année d’avant, en Ligue Europa, nous avions terminé invaincus de notre poule en battant notamment deux fois le PSV Eindhoven. Puis nous avions éliminé la Lazio, avant de céder en huitièmes de finale. En réalité, sur la durée d’un championnat, on peut largement rivaliser avec des équipes de Ligue 1 française. Bon, peut-être pas le PSG, mais quand même » , analyse Alexandre Barthe, défenseur central avignonnais qui a passé sept ans en Bulgarie (au Litex Lovetch de 2008 à 2011, puis à Ludogorets entre 2011 et 2015) et qui joue aujourd’hui pour le Grasshopper Zurich.

Moți superstar

Le club a bâti sa légende à l’été 2014, avant même d’arriver au stade des poules. La manière dont l’équipe s’est qualifiée pour la phase de groupes de la plus prestigieuse des coupes européennes a carrément fait le tour de la planète. Lors du tour préliminaire, Ludogorets reçoit le club roumain du Steaua Bucarest au match retour. On se dirige tranquillement vers la séance des tirs au but quand le gardien Vladislav Stoyanov reçoit un carton rouge, alors que l’équipe bulgare a déjà effectué ses trois changements. C’est donc le défenseur roumain Cosmin Moți qui a dû enfiler les gants. « Je me suis proposé, et le coach m’a dit : « Fais de ton mieux » » , s’amuse-t-il encore. Et là, miracle : Moți, en plus de transformer sa tentative, a stoppé deux tirs au but adverses et renvoyé les Roumains chez eux. « J’ai eu de la chance. Peut-être que comme je suis roumain et que je connaissais certains joueurs d’en face, les tireurs se sont mis trop de pression. » En propulsant pour la deuxième fois seulement dans l’histoire du football bulgare un club en phase de poules de C1 (après le Levski Sofia en 2006), Cosmin Moți est devenu une icône pour les supporters. La boutique du club a même édité plusieurs T-shirts à l’effigie de son défenseur vedette, maillot de gardien sur les épaules. Une supportrice croisée au local du fan club de Ludogorets retrousse sa manche et montre un tatouage sur son poignet : « Je suis allé chez le tatoueur le lendemain du match. Il y a écrit EMOTION, avec les lettres MOTI en capitale. En hommage à Cosmin. »

Des boxeurs et des légionnaires

Mais qui dit nouveau club ne peut pas dire fans historiques. En poursuivant sa visite de la ville, Djipo confirme l’impression : l’effervescence que suscite Ludogorets est plus de circonstance que sincère. « Il faut savoir qu’il n’y a rien autour de la ville, aucun club. Moi-même, j’étais supporter du Levski Sofia. Et puis je me suis rendu compte au fil du temps et des victoires qu’en fait, j’habitais à Razgrad » , s’amuse Djipo. Parmi tous ces néo-supporters, le club compte même depuis avril 2013 une faction des plus originales, puisque composée exclusivement de jeunes femmes âgées de seize à trente-six ans : les Green Ladies. Mais une fois le paysage planté, reste une question : comment diable une si petite bourgade comme il en existe des dizaines dans les Balkans, en pleine cambrousse et avec ses bâtiments d’un autre temps, peut connaître un succès aussi fulgurant ? L’argent, bien évidemment. « On est une petite ville, mais on n’a pas un petit propriétaire » , ironise Alexandre Barthe. À la tête de l’organigramme du club, on trouve ni plus ni moins qu’un multimillionnaire. Et qui, à la différence d’autres clubs du championnat, n’a pas officiellement l’étiquette de mafieux sur le dos. Kiril Domuschiev, quarante-cinq ans, a bel et bien ses zones d’ombre : il prétend avoir gagné son premier million à peine le régime communiste tombé. Comment ? Selon lui, en vendant des chaussures avec son frère sur le marché… Encore plus louche, lors de ses déplacements avec l’équipe, il est accompagné par une dizaine de gorilles au crâne rasé, chargés également de protéger les joueurs… « Ici en Bulgarie, dès que quelqu’un a beaucoup d’argent, il a des ennemis, lâche Alexandre Barthe. De plus, on est devenus l’équipe à battre. Donc on a des gardes du corps. Des anciens légionnaires, des boxeurs, une bonne petite équipe. Il y a même un vice-champion du monde de kick-boxing. »

« Je ne suis pas comme les investisseurs du golfe Persique »

Aujourd’hui, Domuschiev est à la tête d’une compagnie pharmaceutique spécialisée dans les médicaments pour animaux implantée à… Razgrad. Voilà pourquoi il a investi ses ronds dans le club de la ville, en 2010, alors que les Aigles (le surnom de l’équipe) étaient en D2. Et son arrivée ne s’est pas matérialisée que par des résultats. Un centre d’entraînement flambant neuf a notamment été créé. À l’intérieur : bain à remous, sauna, cabine de froid… Soit le parfait attirail d’un club de très haut niveau. Marin Litzov, l’intendant du centre d’entraînement, témoigne : « À la place, ici, il y avait des vieux bâtiments industriels. Maintenant, nous avons un vrai terrain d’entraînement, avec une pelouse spécialement importée de Grèce, qui est censée supporter les étés à 40 degrés. » Autant dire que l’homme d’affaires est venu armé d’ambitions et, surtout, d’un vrai projet : « Je ne suis pas comme les investisseurs du golfe Persique, qui injectent de l’argent pour monter une équipe, gagnent, et point final. Un club, ça doit générer de l’argent en vendant des maillots et des places de stade. C’est pourquoi nous avons les places les plus chères. D’où va venir l’argent sinon ? Le club appartient aux supporters, c’est pourquoi ils doivent aussi mettre la main à la poche. » En retour, les supporters ont la chance de soutenir une équipe accessible, qui ne se la joue pas « star » . « Les joueurs habitent aux quatre coins de la ville et sont mélangés à la population locale. Les gens peuvent les voir, les approcher. D’ailleurs, plusieurs se sont mariés avec des filles de Razgrad. Ce qui prouve que la ville a quelques atouts… » expose l’ancien maire, Dencho Boyadjiev. Les Parisiens sont prévenus. En face d’eux, ce soir, il y aura onze types heureux et amoureux.

Article initialement dans SO FOOT CLUB #5, octobre 2014

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Par Marc Hervez, à Razgrad. Photos : Renaud Bouchez

Tous propos recueillis par MH, sauf ceux de Kiril Domuschiev parus dans AS

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