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Les Lopez, fils de Marseille
Au moment de se déplacer au Vélodrome, ce samedi, les émotions se mêleront sans doute dans la tête d’Ilan Kebbal, de Julien et de Maxime Lopez. Si le dernier a débuté dans le monde professionnel sous les couleurs de l’OM, les deux premiers n’ont jamais réussi à ouvrir les portes du centre de formation. Les trois talents du Burel jouent désormais au Paris FC, une trajectoire qui devrait faire réfléchir le club olympien.

Ce n’est pas tomber dans le cliché de dire que la faconde de Serge Obré rappelle tout de suite les cigales, les personnages de Marcel Pagnol et le soleil. Ses formules ont dû faire rire bon nombre d’enfants passés par l’école de foot du Burel FC. Directeur sportif et responsable des débutants de ce club historique de Marseille, fondé par des locaux de la Belle de Mai avant de déménager dans le 13e arrondissement, il en a vu passer des tonnes, des grands, des petits, des cracks, des moins doués, des blagueurs, des timides, et d’autres que l’on n’oublie jamais, à l’image de Julien et Maxime Lopez, les frères prodiges du coin. « C’est particulier pour moi d’en parler, je les ai vus naître. Je suis ami avec leur père, Jean-Yves, depuis plus de 45 ans, c’est la famille », embraye-t-il d’entrée, au moment d’évoquer ceux qu’il appelle « les petits » avec des étoiles dans les yeux.
Même en ayant cinq ans de différence, les deux gamins ont toujours été complices. Au cœur d’une famille très soudée, ils grandissent aux Pennes-Mirabeau, petite ville calme à la sortie de Marseille et passent le plus clair de leur temps sur ou à côté des terrains d’entraînement du Burel, où joue, puis entraîne le papa. Chargé de l’école de foot, il les observe attentivement, mais se garde bien d’imposer ses choix aux éducateurs en charge. « Jean-Yves n’était pas du tout interventionniste, il les laissait tranquille. Il était surtout vigilant au comportement. Surtout que Maxime a son petit caractère », se souvient Michel Papaconstantino, qui a entraîné le plus jeune lors de ses débuts.
Julien le talentueux, Maxime l’acharné
Obré, lui, a connu les deux et n’a pas mis longtemps à remarquer une grande différence de comportements entre Julien et Maxime. « Julien, c’est un garçon ultra dégourdi, un sportif accompli dans tous les sports où il s’est essayé, assure-t-il. Petit, il excellait de partout. Le genre de gamin qui était bon aux boules, au tennis, à la natation… Et puis Ju’, intellectuellement, il avait un an d’avance à l’école, il est doué partout. C’est un gentil garçon, il est intelligent, il est beau, il a tout pour lui, franchement. » Alors que l’aîné tente le coup au CREPS d’Aix-en-Provence, le cadet peine davantage au niveau scolaire et s’épanouit surtout avec le cuir entre les pieds.

Tout le temps fourrés avec Mehdi et Driss Zidane, neveux du champion du monde 1998, les frères Lopez n’ont pas arrêté de jouer au football durant leur enfance, soit dans le jardin de leurs amis, soit au tennis-ballon sur le carrelage de la maison familiale. Maxime et Julien Lopez ont pour seul problème la taille beaucoup trop grande de leur équipement, car les deux formats poche brillent sur le terrain. « Il était nul quand il était petit », assurait Julien à La Provence en 2016 à propos de son frère, mais les éducateurs se souviennent quand même de quelques prouesses. Comme l’histoire est bien faite, Michel Papaconstantino a commencé à entraîner l’année où Maxime a chaussé ses premiers crampons : « On avait été obligé de mettre en place des sélections, parce qu’on avait trop de jeunes qui voulaient s’inscrire, et le seul qui respectait les touches, qui contrôlait le ballon, qui était capable de faire une passe, c’était lui. Dès ses débuts, il avait une facilité au niveau de la compréhension du jeu, il était déjà en avance. »
Lors de son premier tournoi à Plan-de-Cuques, le plus jeune impressionne. « Il jouait au cœur du jeu, il n’avait pas besoin d’être dans le un-contre-un. Il savait qu’il fallait lâcher vite le ballon, sinon il allait voler en éclats, il a fait de sa petite taille, de son centre de gravité bas, une force. Même s’il était petit, il sautait aux yeux », rejoue Serge Obré, toujours admiratif. Il n’a pourtant pas oublié Julien, qui « a survolé sa catégorie d’âge » et dont le nom circulait dans tout le quart sud-est de la France. « Il allait vite, dans la tête aussi, bon techniquement, c’était toujours le joueur qui faisait la décision, il avait tout. Il était charismatique en plus. Il a eu très tôt la roublardise, il obtenait des penaltys, il avait l’art de la simulation qui renvoyait les Italiens au simple rang d’amateurs. Si on pensait qu’un des deux allait faire une carrière, c’était sur lui qu’on misait », assure-t-il.
Dans la famille Burel, on demande les Kebbal
Car aussi bon soit-il sur le terrain, Maxime doit alors faire des progrès dans plusieurs domaines, notamment le comportement. « Il a mauvais caractère, c’est un gagneur à l’extrême. Max, c’est un gamin qui n’accepte pas de perdre, bien pire que son frère, peu importe quel jeu, il n’arrive pas à maîtriser ses émotions. À six ans, le minot se transformait », indique Serge Obré, qui avoue avoir parfois « pété un câble », mais qui lui a réservé quelques traitements de faveur pour « ne pas foncer dans le mur et tirer la quintessence de ce qu’il était capable de donner ». Mêmes maux, même remède pour Félix Petrosino, son coach en U12, en lui faisant l’affront de le nommer capitaine tout en le laissant maronner sur le banc durant tout le match.
Ilan Kebbal et Maxime Lopez vous donnent rendez-vous dimanche pour le grand retour du @ParisFC dans l'élite 🔵⚪️ pic.twitter.com/zqh8m4DiIE
— L1+ (@ligue1plus) August 12, 2025
Un an plus jeune que Maxime Lopez, le Burel comptait également dans ses rangs un autre poids plume devenu professionnel : Ilan Kebbal. Lui vient du quartier des Néréides, à Saint-Marcel, moins calme que les Pennes-Mirabeau, sa famille est également très proche du Burel car Biba, sa mère, a occupé le poste de secrétaire du club amateur durant une dizaine d’années, et n’était pas du genre à être embêté avec le ballon. « Ses dribbles chaloupés étaient dévastateurs », remet Papaconstantino, quand Obré loue surtout « un vrai, vrai amoureux de football, un fou capable de jouer en pro le vendredi et d’aller jouer avec les collègues du quartier le samedi matin ».
Je ne pensais pas que Maxime percerait à l’OM. Ce n’est pas le joueur dont tout le monde parlait dans la région, il ne surnageait pas vu qu’il était très collectif.
Avant de se retrouver tous les trois dans l’effectif du Paris FC, le chemin des gamins du Burel se sont séparés dans l’adolescence. Julien, le plus âgé, a accumulé les expériences plus ou moins décourageantes, entre le centre de formation de Montpellier qui ne le conserve pas, et les piges à l’US Albi, l’EFC Fréjus Saint-Raphaël et Marseille Consolat, et a dû abandonner son rêve de percer tôt. De son côté, Ilan Kebbal a fait le tour de France des centres de formation avec toujours la même réponse, implacablement : « Trop petit, trop frêle », selon Michel Papaconstantino. Avant une bascule chez les U17 et le lancement de sa carrière professionnelle, de Bordeaux au Stade de Reims.
De Marseille à Paris
Maxime Lopez, quant à lui, a connu la trajectoire contraire en entrant au centre de formation de l’Olympique de Marseille. « Je ne pensais pas que Maxime percerait à l’OM. Le passage du foot à 7 au foot à 11 est compliqué, le chemin est encore très long. Je ne doutais pas de ses qualités, mais ce n’est pas le joueur dont tout le monde parlait dans la région, il ne surnageait pas vu qu’il était très collectif », concède Papaconstantino. Il y a aujourd’hui prescription, quand on sait que le minot a marqué de la tête contre le Burel en U15, a brillé en Youth League face à Naples, a été « monstrueux », dixit Obré, lors d’un tournoi en Angleterre, au point d’être courtisé par Liverpool, qu’il a refusé cette offre pour rester dans son club de cœur et qu’il a fait hurler le sacro-saint Vélodrome. « C’est l’un des rares Marseillais – vrais hein, qui viennent de Marseille et qui ont fait leurs classes à l’OM – à avoir été roi dans le royaume. La première fois que j’ai vu ce minot entrer dans le Vélodrome… J’ai encore les frissons qui parcourent mon corps, je pense à Jean-Yves, le papa, à Fairouz, la mère, à tous les amis, et égoïstement au Burel », s’exclame Serge Obré, présent au stade pour les débuts de son protégé en Ligue 1, contre Metz, et qui semble avoir encore besoin d’être pincé pour y croire.

Chloé, la sœur Lopez, a également été au plus proche de la révélation de Maxime puisqu’elle était hôtesse du Vélodrome pour financer ses études de droit lors de sa première titularisation avec l’OM contre Bordeaux. Une joie évidemment indescriptible pour Jean-Yves, 25 ans après avoir connu Bari et Munich depuis les gradins, et pour Julien, pas jaloux pour un sou puisqu’il continuait de conseiller son petit frère depuis leur coloc près de la Commanderie, où était constamment allumée la télé pour diffuser des matchs, principalement du Barça de Lionel Messi.
On a fourni des dizaines et des dizaines de gamins à l’OM, ils n’en ont pas toujours fait une bonne utilisation. Peut-être qu’ils arriveront à trouver la bonne formule… en 2035.
Mais comment diable ces trois supporters invétérés de l’Olympique de Marseille peuvent-ils se retrouver à jouer au Vélodrome, samedi, avec le maillot du Paris FC ? Au Burel, on n’y comprend pas grand-chose, surtout quelques jours après le transfert de Gaël Lafont, issu du club du 13e arrondissement, de l’OM au Genoa. « On est le plus grand fournisseur de l’OM, on a fourni des dizaines et des dizaines de gamins, ils n’en ont pas toujours fait une bonne utilisation, peste Serge Obré. Peut-être qu’ils arriveront à trouver la bonne formule… en 2035. Les directeurs de centre de formation, les politiques, les idées se succèdent. Chaque année, ils disent : ‘Eurêka.’ Visiblement, ce n’est pas pour cette année non plus, ça fait toujours pschitt, ma foi. »
De son côté, Michel Papaconstantino estime que « le centre de formation de l’OM a une mauvaise image, les familles savent qu’il y a très peu de joueurs qui sortent » et assure que « des jeunes de qualité partent de l’OM vers 14 ans pour revenir dans des clubs amateurs et espérer être repéré par un autre centre de formation ». Une anomalie qui mène à ce genre de situations. Samedi, Serge sera dans les tribunes du Vélodrome aux côtés des parents des frères Lopez, la famille Kebbal ne devrait pas être bien loin. Tous rêvent de voir Marseille s’imposer, tout en assistant à une performance de classe des trois exilés. Sur la pelouse, ce seront de toute façon les trois seuls joueurs nés dans la cité phocéenne. Coquin de sort.
Des supporters du Paris FC seront présents au VélodromePar Enzo Leanni
Tous propos recueillis par EL, sauf mentions.