- SO FOOT
- N°87
- Raymond Domenech
Les dessous de l’interview Domenech
Le numéro 87 de So Foot contenait la première interview de Raymond Domenech abordant pour de vrai les questions tactiques des Bleus 2004-2010. Nous répondons maintenant aux questions que vous avez pu vous poser sur la genèse d'un tel entretien.
« Où êtes vous ? » . Le texto est signé Pascal Irastorza, fondateur de la société Laminak Conseils, spécialisée dans la communication de crise. Réponse : « Dans le hall » . Dans le hall de l’ancien hôtel Méridien, pour être plus précis, non loin de la gare Montparnasse. Raymond Domenech n’aime pas trop s’écarter de son quartier, où il donne tous ses rendez-vous. En février, c’était déjà dans la suite d’un grand hôtel de Notre-Dame-des-Champs que l’ancien sélectionneur des Bleus avait fait sa rentrée médiatique, avec une longue interview accordée à L’Express pour revenir sur le bordel de Knysna.
De L’Express à So Foot
La genèse de l’interview accordée à So Foot se situe d’ailleurs à cette période. Après la publication sur Sofoot.com d’un article analysant les propos de Raymond dans le newsmag, Irastorza fait le premier mouvement par mail : « Bonjour Monsieur, Je viens de lire votre analyse de la rentrée médiatique de Raymond Domenech. Je tiens à vous indiquer que votre analyse est d’excellente facture. Bien cordialement » . On pourra toujours débattre sur la sincérité de ce genre de message envoyé par un conseiller en communication à un journaliste, toujours est-il que nous le recontactons dans la foulée pour la rubrique « Média » du magazine ( « Domenech, com’ si de rien n’était » , SoFoot n°84).
Dix minutes d’interview, une demi-heure de parlotte et la conversation dérive sur le point qui nous a toujours énervé dans la communication de Domenech : il refuse de parler tactique. « Ça n’aurait pas eu de sens de revenir là-dessus (dans L’Express, ndlr), lâchait Irastorza un peu plus tôt. Et je peux vous dire que c’était la dernière interview de ce type, il n’y en aura pas d’autre à l’avenir » . Et puis, finalement, il en vient à admettre que cela ne serait pas forcément une mauvaise idée et évoque lui-même l’idée d’une interview « jeu » avec une seule exigence : pas avant la fin de la saison. On se quitte là-dessus puis, après quelques relances, le rendez-vous est finalement pris dans le palace de Montpar’, le 9 mai 2011 à 14h.
« Materazzi vous a raconté ce qu’il a dit à Zidane ? »
Raymond est là, accoudé à une table du bar, plutôt à l’abri des regards. Une tablée de quatre, donc : deux journalistes, un communicant et un ancien sélectionneur. Quand ce dernier demande si nous allons bien, l’un de nous évoque ses problèmes de dos. « Le dos, c’est dans la tête, c’est le stress qui fait ça » , envoie Raymond, spécialiste en psychologie. Feuilletant le dernier So Foot, il s’interroge sur le contenu de l’entretien Marco Materazzi. « Alors, il vous a raconté ce qu’il a dit à Zidane en 2006 ? » . Apparemment, Raymond n’a jamais entendu parler de la sœur de Zizou.
« Vous savez que nous avons failli annuler l’interview, entame cash Irastorza. Nous n’avons pas du tout envie de réagir sur cette affaire des quotas, donc il faut que l’interview reste sur ce que nous avions convenu, une discussion tactique » . Le contexte est effectivement particulier. Au moment exact où nous devisons au bar du Pullman, le successeur de Domenech est interrogé par une commission d’enquête à deux pas de là, au siège de la FFF. Un deal est un deal, le sujet ne sera pas abordé et l’entretien peut commencer. Un peu plus de deux heures au total, qui feront 100 000 signes une fois retranscrites, la moitié dans la version finale publiée. Raymond semble apaisé, détendu, un an après la fin de son bail avec l’équipe de France. Aucune réponse ironique détournant l’attention, rien à voir avec les conférences de presse de l’époque. Raymond parle football et cela fait sincèrement plaisir, même si par moment la conversation flirte avec le dialogue de sourd (le jeu long de Toulalan, le jeu de tête de Govou, la comparaison avec le Barça) et qu’on a souvent l’impression qu’il n’a pas réussi à faire passer son message auprès des joueurs.
Une discussion tactique avec Cruyff
Les preuves d’existence de ses idées tactiques s’étalent noir sur blanc dans un cahier qu’on a gardé précieusement pour illustrer l’article. Au milieu de l’interview, Domenech demande en effet à illustrer ses concepts à l’aide de schémas. Les compositions se dessinent, les flèches partent de tous les côtés et le résultat n’a apparemment aucun sens une fois le croquis terminé, même s’il en avait un dans le feu de l’action. « Un jour, au début de ma carrière, j’ai eu une discussion tactique avec Johann Cruyff, explique Raymond. J’étais fasciné par ce qu’il m’expliquait, tout était limpide et je suis allé jusqu’à encadrer le schéma qu’il m’avait laissé, même si à la fin il ne voulait plus rien dire » . Avant de le quitter, on ne peut s’empêcher de lui demander si cette interview n’a pas pour objectif de lui remettre le pied à l’étrier. Raymond, back in business ? Le conseiller se charge de nier, ce qui pourrait traduire une gêne face à une question qui n’était pourtant pas piège. Depuis, la rumeur algérienne est passée par là. Hasard ou pas.
Thomas Pitrel
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