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Les clubs normaux n’ont rien d’exceptionnel

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Les clubs normaux n’ont rien d’exceptionnel

Jadis, il arrivait parfois que Derby County, au détour de circonstances favorables, rafle un trophée presque par mégarde. Aujourd'hui, quand ils s'aventurent en Premiership, les Rams n'y font qu'un (rapide) petit tour et puis s'en vont. Comme si ce n'était plus de leur âge, comme si ce n'était plus pour eux et leurs semblables...

Il fut un temps où terminer dernier du Tour de France constituait un statut enviable. La lanterne rouge de la Grande Boucle se voyait ainsi offrir de confortables cachets dans les critériums estivaux d’août et septembre.

Les derniers de la classe des sports majeurs US (basket, hockey, base-ball, foot américain) se voyaient, eux, offrir une sorte de queue du Mickey avec l’absence de relégation. On efface tout et on recommence. En quelque sorte. Un songe pour lequel Metz, Cagliari, Mons, Duisbourg, Levante UD, Willem II, Uniao Leiria, Gretna ou le MC Oran signeraient bien volontiers. Ici et maintenant.

Mais la descente (aux enfers) fait partie du jeu, de la tradition des sports collectifs d’essence européenne et particulièrement du football. En juin dernier, des doyens de l’élite comme Nantes (pour la balle ronde), Narbonne et Agen (pour son collègue ovale) ont connu les affres du deuxième étage.

Il y a un mois, au Brésil, les Corinthians de Sao Paulo ont connu le même sort réservé aux mauvais élèves. Seuls les grands clubs, par nature exceptionnels, arrivent à dealer entre passé et présent. Aujourd’hui, à la trêve de la mi-saison, Metz et Levante, avec sept points (en respectivement 19 et 17 matchs à 14 et 11 points de la zone de survie) ont déjà un pied dans la tombe. Cagliari, champion d’Italie en 1970, vice-champion l’année précédente est à peine mieux loti avec dix points (à cinq unités des premiers non reléguables). Le MSV Duisburg, vice-champion d’Allemagne en 1964, dernier de la Bundesliga avec 13 points, n’est lui qu’à 4 points du sauvetage.

Double champion d’Angleterre (1972 et 75), vainqueur de la Cup (en 46), Derby County ressemble aujourd’hui à un de ces nombreux bateaux ivres qui peuplent les quatre divisions professionnelles du football anglais.

Ispwich Town, Crystal Palace, Queens Park Rangers, Nottingham Forest, Leeds United, Sheffield United et Wednesday, Preston North End, des noms qui renvoient à un passé cruellement suranné, à moins que d’“éminents” tycoons ne viennent se pencher à leur chevet comme c’est le cas pour le QPR de Pete Doherty avec Bernie Ecclestone et Flavio Briatore, sûrement las des circuits de F1 qui tournent…à coup sûr en rond.

Le football britannique est donc devenu une vaste aire de jeu pour que tous les magnats, moguls, nababs et autres capitaines d’industrie du monde entier puissent en découdre entre eux comme sur un terrain de polo d’antan et mettent fin à leur vacuité abyssale.

Bientôt peut-être Arnaud Lagardère rachètera West Bromwich Albion, histoire de faire comme les grands. Peu de chances en revanche que quelque bonne fée se penche au chevet de Derby County. « Pas assez glamour, pas assez de légendes, pas assez trendy » qu’ils diront.

Bon dernier de la Premier League pour son retour dans l’élite, County n’y met guère du sien, faut dire. Vingt et un matchs : 16 défaites, quatre nuls et…une victoire ; 10 buts pour, 46 contre. Une paille !

Créé en 1884, Derby County fait pourtant partie des clubs fondateurs du foot professionnel en Angleterre. Depuis plus de cent vingts ans, les Rams (les béliers, le blason de la ville de Derby) accumulent frasques et déboires non sans une certaine prestance et parfois finissent même, sans prévenir, par décrocher quelques trophées.

Après trois finales de Cup perdues en cinq ans au tournant du vingtième siècle (1898, 1899 et 1903), le club connaît la première de ses innombrables relégations en 1907. Avec une régularité toute métronomique, Derby County traversera tout le siècle dernier en visitant ses deux divisions préférées. Le syndrome yoyo. Parfois, un accident de parcours conduit le club à dévier de sa route. Un jour, il gagne la coupe d’Angleterre (1946), un autre, il descend en troisième division (1955).

Dans tous les cas, l’ordinaire reprend vite son cours jusqu’à ce que l’ineffable Brian Clough ne prenne la destinée du club en main à l’été 67. “Summer of love” et même un peu plus que cela. Le futur coach de Nottingham Forest fait remonter (on ne se refait pas) le club en 69 et décroche une prometteuse quatrième place en suivant. Mieux : en 1972, à l’issue du championnat les joueurs partent pour Majorque pour un voyage d’agrément organisé par le club alors qu’il est en tête du championnat. Problème : Liverpool et Leeds ont un match en retard et si l’un des deux l’emporte, c’en est fini des espoirs dingos du County.

Miracle : les deux équipes nordistes échouent dans leur quête et les hommes de Clough sont sacrés pour la première fois de leur histoire champions d’Angleterre.

L’année suivante, Clough emmène ses boys en demi-finale de la coupe d’Europe des clubs champions où une Juventus, florentine en diable, les entourloupe à l’arraché.

Les Rams poursuivent leur âge d’or avec une quatrième place qui leur permet de disputer l’UEFA. A l’automne, alors que le club tient sa place dans le haut du classement et vient d’atteindre le troisième tour de la C3 (où il sera finalement sorti par le Velez Mostar du Vahid joueur), un désaccord entre l’entraîneur et le board de Derby conduit Brian Clough et son adjoint Peter Taylor à démissionner.

Les deux hommes s’en iront faire le bonheur continental et britannique de Nottingham Forest quelques années plus tard. En attendant, Dave Mackay, un des joueurs arrivés dans les valises de Clough, prend sa succession avec un égal bonheur.

La première année, il qualifie de nouveau le club pour la coupe de l’UEFA et ô miracle remporte un second titre la saison suivante en mai 75. Plus rien ne sera comme avant.

A l’automne, Derby County connaît son chant du cygne avec un deuxième tour de C1 d’anthologie contre le Real Madrid (4/1 au Baseball Ground l’enceinte mythique des Rams avec un triplé de Charlie George mais défaite 1/5 a.p au Bernabeu au retour).

Au-delà de Derby County, c’est tout un parfum de l’antique Albion qui s’est envolé à la fin des 70’s et dans les années 80. La création de la Premier League succède à la répression qui a suivi le drame du Heysel.

Des clubs comme Everton (9 titres de champion d’Angleterre, si, si), Aston Villa (7), Sunderland (6), Sheffield Wenesday (4) devront attendre que des milliardaires en déshérence viennent jouer aux dés avec leur destinée pour avoir une chance de goûter de nouveau au doucereux parfum du succès et faire la nique au club des quatre.

Dernier de sa classe, le Derby County 2007/2008 incarne à sa façon le tumulte propre à son histoire. A peine monté en Premiership, en juin dernier, à la suite d’un barrage contre WBA dans le nouveau Wembley, de nombreuses dissensions ont vu le jour au sein même du board.

Quelques dirigeants historiques démissionnent avec fracas le mois suivant. Pour donner de la consistance à un effectif entièrement anglophone à la notable exception de Mohammed Camara, un Beauvaisien ‘illustre’ passé par Troyes, Marseille, le Havre avant de faire l’essentiel de sa carrière dans le royaume (Celtic, Burnley, Wolverhampton), les dirigeants de County cassent leur tirelire pour acquérir des soutiers de la Premier League.

Earnchaw (Norwich), Mears (West Ham), Lewis Price (Ispwich) viennent enrichir (!) un effectif dépourvu d’internationaux. Histoire de donner le change et un peu de lustre à un ensemble quelque peu falot, les Rams enrôlent coup sur coup le reggae boyz Claude Davis en provenance de Sheffield United, les internationaux américains Benny Feilhaber (Hambourg) et Eddie Lewis (Leeds) ainsi que le gardien de la sélection galloise Lewis Price (Ispwich Town) qui n’a joué que deux fois jusqu’alors.

Une grande réussite d’ensemble qui conduira certains boomakers à cesser de prendre les paris sur la relégation du club après cinq journées de la présente saison. D’emblée ou presque, la saison a pris une sale tournure avec notamment cette raclée à Anfield contre les Reds (0/6) début septembre.

Ensuite, il y a eu ce syndrome du but marqué à l’extérieur ou plutôt de l’absence de scoring hors de Pride Park, l’antre de Derby. Il faudra attendre novembre et l’excursion à Old Trafford, pourtant pas la plus accueillante des arènes anglaises, pour que la malédiction cesse. Fin novembre, Billy Davies, le headcoach, qui avait signé un avenant d’une saison supplémentaire à son contrat en juillet suite à la montée en Premiership, rend son tablier « par consentement mutuel » . La bonne blague.

Paul Jewell, l’homme qui a situé Wigan sur une carte d’Angleterre autrement que par son jeu à XIII, a pris la suite, sans grande réussite jusqu’à présent. Si son prédécesseur semblait compter sur les Américains du Nord (deux Yankees et trois Jamaïcains ornent l’effectif), Jewell vient de prendre date en engageant un centre-avant natif de Santa Fé, Emmanuel Villa, un gaucho qui jouait pour l’UAG de Tecos au Mexique. Histoire de combattre la fatalité (au mieux) ou de gager sur l’avenir (au pire).

Avant-hier, mercredi 2 janvier, c’est également dans la périphérie de Manchester que se sont rendus les Rams pour y affronter une des équipes les plus mal classées du championnat, les Bolton Wanderers, seizièmes et premiers non reléguables avec Sunderland, dix points devant la lanterne rouge de County.

Cette seizième défaite (0/1), qui ne change pas la donne rayon arithmétique (le premier non reléguable – Sunderland – est toujours à 10 points), renvoie Derby vers l’impérieuse nécessité de réussir son mercato…pour ne pas avoir à jouer une demi-saison pour peanuts. Et pour amortir Bingo Villa au plus vite. Mis à l’essai ces derniers jours, Laurent Robert n’y voit pas d’inconvénients….

Angelø Dundee

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