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Les 50 frères de l’ombre (1er)

Propos recueillis par Éric Maggiori

Parce qu'il avait du talent, vraiment, mais que son nom a été un poids dès son arrivée chez les jeunes de la Fiorentina, Eddy Baggio, frère de Roberto, se classe premier de ce top. Entretien avec un type attachant, où l'on croise tour à tour Federico Chiesa, Claudio Ranieri, Gabriel Batistuta, Arrigo Sacchi, et même Max Vieri, le frère de Christian.

#1 - Eddy Baggio, frère de Roberto

« J’ai pris mes distances avec le foot et aujourd’hui, je gère des appartements au centre de Florence, entre immobilier et tourisme. »

Ciao Eddy. Tu te fais rare dans la presse, que deviens-tu ?
En fait, cela fait déjà 5-6 ans que je me suis éloigné du monde du football. J’ai arrêté ma carrière à 35 ans et je n’ai plus jamais rejoué au foot, même pas en amateur. J’avais entrepris une carrière d’entraîneur, j’ai commencé à entraîner les jeunes, d’abord à Pise, puis à la Fiorentina. Parmi les petits que j’ai coachés et que j’ai vu grandir, il y a notamment Nicolò Zaniolo et Federico Chiesa, donc je suis vraiment heureux de voir où ils en sont aujourd’hui. Mais vers 2015, j’ai arrêté, parce que je n’étais pas en accord avec la façon dont on traite les jeunes aujourd’hui en Italie. Il y a trop d’intérêts autour d’eux. À peine arrivent-ils en centre de formation qu’on pense déjà aux sponsors, aux futurs contrats, je n’étais pas à l’aise avec ça. Donc j’ai pris mes distances et aujourd’hui, je gère des appartements au centre de Florence, entre immobilier et tourisme. En gros, si tu viens à Florence, tu m’appelles et je te trouve une solution. (Rires.)

Au moins un secteur où on ne te comparera pas avec Roberto.
Oui, c’est sûr. (Il marque une pause.) Tu sais, pour moi, ça n’a pas été simple, avec le nom que je porte. Gamin, j’aimais tellement le foot, je voulais uniquement jouer au foot, mais avant même que je ne débute, il a fallu que je prouve à tous que je pouvais être un autre joueur que Roby. Un joueur qui avait ses propres caractéristiques, qui n’étaient pas celles de mon frère. Et c’est vrai que de nombreuses personnes, à mes débuts, me voyaient juste comme le frère pistonné de Baggio.

« Ce que représentait Roby était tellement fort en Italie que cela avait parfois des répercussions sur moi, alors que j’étais juste un gamin de 15 ans qui voulait jouer au foot. »

Tu l’as vraiment senti dès que tu es arrivé chez les jeunes de la Fiorentina, ce poids que pouvait représenter ton nom ?
Oui, bien sûr. Je suis arrivé chez les jeunes de la Fiorentina en 1989, et Roby est parti à la Juve l’année suivante. Quand il est parti, de nombreux tifosi de la Fiorentina n’ont pas hésité à me dire des choses brutales, voire à m’insulter, alors que moi, j’avais 15, 16 ans. Cela n’a pas été facile à gérer. Ce que représentait Roby était tellement fort en Italie que cela avait parfois des répercussions sur moi, alors que j’étais juste un gamin de 15 ans qui voulait jouer au foot. Disons que, rien que ça, cela m’a peut-être fait « perdre » quelques années.

En 1992, la Nazionale était venue jouer un match amical à l’Artemio Franchi contre la Primavera de la Fiorentina. Toi d’un côté, Roberto de l’autre. C’est un beau souvenir ?
Magnifique. Nous avons une photo de cette journée, et elle est historique, car c’est la seule fois de notre carrière où nous avons été sur la même pelouse. C’était d’autant plus beau que Roby a marqué le premier but de l’Italie, et moi j’ai fait la passe décisive sur le seul but de la Fiorentina.

Vidéo

À ce moment-là, tu te dis que toi aussi, tu pourrais un jour porter le maillot de la Nazionale ?
Ma(Il se marre.) Il est évident que quand tu es un gamin de 18 ans, tu en rêves, c’est humain. Mais je savais aussi que pour en arriver là, surtout à cette époque en Italie, il fallait déjà parcourir un sacré chemin. Donc j’étais assez lucide. Disons que j’ai surtout essayé de tracer ma route, d’écrire ma propre histoire, malgré mon nom.

La ressemblance n’a pas dû aider. Les cheveux, plus tard la barbichette, on aurait presque dit que tu la cultivais, cette similitude physique.
Nous sommes quatre frères. Le premier a les cheveux lisses, mais les trois autres, nous nous ressemblons beaucoup, et depuis toujours. Donc non, je n’essayais pas de l’imiter, nous avons vraiment les mêmes cheveux frisés, les mêmes yeux, c’est une ressemblance très naturelle, je n’ai jamais voulu en jouer. Mais oui, disons qu’on ne pouvait pas louper que j’étais un Baggio, c’est sûr.

« Je n’essayais pas de l’imiter, nous avons vraiment les mêmes cheveux frisés, les mêmes yeux, donc c’était une ressemblance très naturelle, je n’ai jamais voulu en jouer. »

Lors de la saison 1993-1994, la Fiorentina fait une année en Serie B, le coach s’appelle Ranieri. Malgré tes bonnes performances avec la Primavera, il ne t’offre pas ton baptême avec l’équipe 1. Tu penses que c’est là qu’une partie de ta carrière s’est jouée ?
Je vais te dire la vérité : même si elle était en Serie B, la Fiorentina avait des joueurs incroyables en attaque. Il y avait Batistuta, Robbiati, Banchelli, Baiano, Flachi… C’était quasiment impossible pour un jeune comme moi de trouver une place. Et d’autant plus en Serie B, où il faut faire jouer les meilleurs pour remonter au plus vite. Mais je garde en mémoire un joli souvenir : à la fin de la saison, on disputait les finales du championnat avec la Primavera, et Ranieri est venu assister au match, le samedi. J’ai été bon, j’ai marqué un but, et à la fin du match, il est venu me voir et m’a dit : « Demain, tu viens sur le banc avec nous. » Je n’ai pas eu la chance d’entrer en jeu, mais cela prouve qu’à 19 ans, j’avais des qualités qui lui ont plu. Ça voulait dire quelque chose.

N’ayant pas eu ta chance à la Fiorentina, tu pars faire tes armes dans les divisions inférieures. Mais c’est vraiment dans la région des Marches, à Ancona et Ascoli, que tu vas connaître tes meilleures années.
Oui, ce sont vraiment de très beaux souvenirs. Quand je suis arrivé à Ancona en 1998, j’étais un jeune garçon qui arrivait de la Serie C2 (D4), qui venait de marquer une dizaine de buts, donc on m’attendait un peu au tournant, aussi parce que je m’appelais Baggio. Finalement, j’ai fait une très bonne saison, notamment sur la phase retour, j’ai mis 14 ou 15 buts, et on s’est sauvé in extremis. Une fois l’été venu, les dirigeants me font comprendre qu’ils vont me vendre, car ils sont criblés de dettes et que je suis le seul à avoir une valeur marchande. Et donc ils me vendent au voisin, Ascoli. Et c’est là-bas que j’ai fait ma meilleure saison, du moins statistiquement parlant, puisque j’ai marqué 23 buts. Je pense que c’est là que les gens ont commencé à comprendre que non, je n’étais pas juste le frère pistonné de Roberto Baggio.

Vidéo

Il paraît que tu étais même suivi par Arsenal.
Des émissaires d’Arsenal sont effectivement venus me superviser plusieurs fois lors de ma saison à Ascoli. Après les 15 premiers matchs, j’avais inscrit 16 buts, mais en février, je me blesse au genou. Et ce problème ne m’a jamais vraiment quitté jusqu’à la fin de la saison. Donc je savais que des scouts d’Arsenal avaient été accrédités, plus d’une fois, mais peut-être que cette blessure au genou les a effrayés, je ne sais pas. En tout cas, je n’ai jamais eu de contact direct avec eux.

Du coup, au lieu d’aller à Arsenal, tu reviens à Ancona, que tu avais quitté un an plus tôt, et contre qui tu venais de perdre en finale des play-offs pour monter en Serie B. On dirait un film.
Et encore, tu ne connais pas tout le scénario. (Rires.) Déjà, au lendemain de la finale perdue contre Ancona, au cours de laquelle j’ai marqué un but en bicyclette (cela aurait pu être le but de la montée, mais Ancona a égalisé à la dernière minute de la prolongation et a été promu, NDLR), je me suis fait opérer au genou. J’avais alors plusieurs clubs qui me suivaient : Cagliari, qui allait remporter la Serie B haut la main, Monza, Pescara… Je devais décider, mais quelque chose d’anormal se tramait en coulisses.

« Le premier jour, j’arrive là-bas, et 300 tifosi m’attendent. J’ai dû être escorté par la police, et j’ai quasiment dû me justifier d’avoir marqué 23 buts avec l’ennemi. »

C’est-à-dire ?
Je n’en ai jamais parlé à l’époque, mais je pense qu’il y a prescription maintenant. Disons qu’au moment où j’allais choisir mon nouveau club, mon agent m’a appelé et m’a dit : « Écoute, soit tu retournes à Ancona, soit tu restes à Ascoli. » Il y avait clairement quelque chose de louche que je ne maîtrisais pas, donc je suis retourné à Ancona, qui venait du coup d’être promu en Serie B. Mais probablement à ce moment-là, j’ai manqué, malgré moi, une occasion. Je ne suis pas monté dans le bon train. D’autant que mon retour a été mouvementé. Le premier jour, j’arrive là-bas, et 300 tifosi m’attendent. J’ai dû être escorté par la police, et j’ai quasiment dû me justifier d’avoir marqué 23 buts avec l’ennemi. (Rires.) Je m’y attendais, mais ça a été dur quand même. Au mois de novembre, j’ai mis un triplé contre la Salernitana, le stade m’a acclamé, mais la Curva, elle, a continué de me siffler.

Lors de cette saison en Serie B, Ancona alignait un duo d’attaque Vieri-Baggio.
Oui, on plaisantait souvent sur ça avec Max (Vieri, NDLR). Le système de jeu de l’entraîneur de l’époque fait qu’on était rarement alignés ensemble, c’était plutôt l’un ou l’autre. Mais c’était vraiment un coéquipier sympathique, on avait en commun le fait d’avoir des frères célèbres, mais disons qu’on n’en a jamais vraiment discuté, peut-être par pudeur.

Par la suite, tu as joué à Catane, à la Salernitana, à Vicenza… des clubs qui tous ont goûté à un certain moment à la Serie A. Sauf que toi, tu y étais toujours quand ils étaient en B ou en C1. C’est un regret ?
Franchement, non. Je suis content de ce que j’ai donné pendant près de vingt ans de carrière. J’ai joué au foot, qui était ma plus grande passion, et je suis heureux ainsi. Parfois, je sais aussi que cela ne dépend pas que du talent. Il y a aussi une part de chance, d’être au bon endroit au bon moment. Encore aujourd’hui, parfois, je vois des joueurs qui évoluent en Serie A et je me demande comment c’est possible. (Rires.)

« J’aurais parfois aimé être jugé pour ce que je savais faire, et non pour ce qui était écrit sur ma carte d’identité. »

Quand tu regardes dans le rétro, tu penses que tu aurais eu une meilleure carrière si tu ne t’étais pas appelé Baggio ?
Disons que ça demeure pour moi une curiosité. Je suis heureux et fier d’être le frère de l’un des plus grands joueurs de l’histoire, aussi parce que c’est quelqu’un de formidable en dehors du terrain. Mais je suis curieux de savoir quel aurait été mon parcours, si je ne m’étais pas appelé Baggio. J’aurais parfois aimé être jugé pour ce que je savais faire, et non pour ce qui était écrit sur ma carte d’identité. Mais hormis ça, je n’ai vraiment aucun regret.

En parlant de regret dans la famille Baggio, on est obligé de parler du Mondial 1994. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Je l’ai suivi à Caldogno, dans la maison familiale, avec toute ma famille. Mes parents ont juste fait un aller-retour aux États-Unis avec Andreina, la femme de Roberto, et leur fille Valentina, juste avant le fameux match contre le Nigeria. Car la phase de groupes ne s’était pas bien passée pour Roby, avec notamment ce match contre la Norvège où Sacchi le sort à la 20e minute, et il avait besoin de sentir l’affection des siens. Mais tout le reste du temps, nous étions tous à la maison. C’était assez incroyable, car après chaque match, les gens venaient devant chez nous et klaxonnaient, des concerts de klaxons. C’était vraiment la fête.

Ça l’a beaucoup moins été après la finale de Pasadena.
Oui. (Il marque une pause.) C’était… difficile.

« Si tu regardes tous les penaltys que Roby a tiré au cours de sa carrière, c’est le seul qu’il a tiré au-dessus. Il en a raté quelques-uns, mais celui là, c’est le seul qu’il a tiré au-dessus. Pourquoi ? »

Dans une interview accordée à So Foot il y a quelques années, Roby nous disait : « C’est le plus grand regret de ma carrière. Une amertume immense. Depuis, chaque fois que je vois des tirs au but, je me mets dans la tête de celui qui va rater. Je n’ai jamais dépassé cet épisode et je ne le dépasserai jamais. J’ai appris à vivre avec. Mais c’est quelque chose qui est là. Une blessure qui est là et qui dort. Puis j’en parle, et cette blessure se réveille. »
Je vais te dire quelque chose, et c’est une confession : je ne lui ai jamais demandé ce qui s’était vraiment passé ce jour-là. Si tu regardes tous les penaltys que Roby a tirés au cours de sa carrière, c’est le seul qu’il a tiré au-dessus. Il en a raté quelques-uns, mais celui-là, c’est le seul qu’il a tiré au-dessus. Pourquoi ? Ma théorie, c’est qu’après 120 minutes en plein soleil, en milieu de journée, avec 90% d’humidité, et après déjà huit penaltys tirés à cet endroit-là, le terrain était légèrement abimé. Ajoutez à cela la fatigue, la perte de lucidité, la tension… Et puis bon, parfois, on rate- quoi. C’est humain de rater. Et c’est aussi pour ça qu’il était autant aimé des Italiens, Roby. Parce qu’il était humain.

Propos recueillis par Éric Maggiori

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