Leroy est mort, vive Leroy !
Joueur talentueux, Jérôme Leroy aurait peut-être pu prétendre à une autre carrière. Mais plus proche de la fin que du début, il prouve avec le Stade Rennais -dans la foulée de la saison précédente- qu'il n'est pas mort. Qualifié de grande gueule parce qu'il déteste la langue de bois, son début de saison pourrait faire croire qu'il s'est enfin assagi. Juste une illusion ?
Le portrait de Jérôme Leroy dans le SF n°28 (novembre 2005) commençait ainsi : « On pourrait commencer sympa, dire que Leroy a finalement atteint sa plénitude à 30 ans, parler de son capitanat à Lens, de son titre de “meilleur joueur de L1 du mois” obtenu en août, évoquer son 9/10 obtenu dans L’Equipe au lendemain d’une victoire… » Et effectivement, on pourrait dire exactement la même chose aujourd’hui, deux ans après jour pour jour. Et il rétorquait déjà : « Faut arrêter avec ça. Je suis le même joueur qu’il y a cinq ans, je ne me suis pas subitement amélioré » . Une réponse qu’il pourrait ressortir avec une égale justesse aujourd’hui.
Force est de constater que les années passent et que les commentaires sur sa personne persistent et glissent tout autant. Avec le Stade Rennais, il cartonne tant en championnat, avec une place sur le podium, qu’en UEFA. Un pion important pour son coach-manager qui n’hésite pas à le ménager tant il est indispensable. « C’est un élément fort dans un collectif fort » , explique Dréossi. L’arrivée de Wiltord aurait pu le faire passer au second plan. Or, il crève l’écran. Un but contre Paris (fidèle à la tradition des anciens joueurs du PSG qui scorent contre leur ancien club), élu but de la semaine lors de la dixième journée par le journal Le Parisien, la LFP et France2foot, et un autre face à Lens lors de la douzième journée de L1 en font l’un des meilleurs résidents de ce championnat. Il squatte également la place de meilleur passeur de L1 avec cinq caviars offerts. En Coupe de l’UEFA, l’ancien Parisien et Marseillais (quand même !) a aussi été décisif avec un doublé au match aller contre Sofia (1-3).
Talentueux, il l’est. Certaines de ses actions confinent même au génie. Mais par intermittence. Imprévisible, il est capable du meilleur comme du pire. Ainsi, on ne comprend toujours pas comment il a pu partir de Lens pour jouer Leroy mage en Galilée, au Betar Jérusalem plus précisément, planqué dans les valises de Luis Fernandez. C’est vrai qu’à l’époque, il venait de passer de la case capitaine de Lens au banc de touche en l’espace de quelques matches seulement. Une disgrâce express que lui seul pouvait obtenir. Après 15 matches en Israël et le départ précipité de son mentor, il revient en France, du côté de Sochaux. On se dit alors que c’est bon. Loin des tentations, il allait enfin se poser et finir sa carrière en trombe. Las. Malgré une saison satisfaisante avec une coupe de France à la clé, Leroy prend son baluchon pour changer de crèmerie une nouvelle fois. Avec en guise d’au revoir un cinglant commentaire de Jean-Claude Plessis, le président doubiste : « Je n’ai rien à dire sur le sujet. C’était impossible de continuer avec lui. De toute façon, on ne peut pas rester deux ans de suite avec Jérôme Leroy. Je n’ai pas de respect pour lui » .
Entre des histoires (jamais prouvées) de trafic de téléphones portables dans le vestiaire parisien et des prises de bec régulières à chaque escale, Leroy reste un joueur qui ne laissera jamais indifférent. Denis Troch, à l’époque, touchait juste en pointant son défaut n°1 : « Son comportement impulsif prête parfois à confusion » . C’est Leroy de pique. Sur ce comportement tant décrié, il reconnaît sur le site du Stade Rennais avoir besoin qu’on l’aime pour s’épanouir : « Tant que les gens sont derrière moi, je me sens en confiance. J’aime qu’on me dise les choses en face » . Lui qui avait dans l’idée de stopper sa carrière avant la finale de Coupe de France avec Sochaux l’an passé a bien fait de mettre entre parenthèses ces velléités de retraite pour continuer l’aventure.
Un comportement d’ailleurs irréprochable depuis le début de la saison, sur et hors du terrain. Un exploit quand on sait que sévit à ses côtés un certain Sylvain Wiltord, organisateur de soirées où l’on aime jouer collectif entre coéquipiers mais sur d’autres types de gazon. Une attitude confirmée par Fabrice Catherine, qui affirme que les deux se tiennent à carreau et ne mettent pas les nuits rennaises à feu et à sang. Jusqu’à quand va-t-il tenir ? On verra en fin de saison si Plessis avait raison.
Ikaï Sammer
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