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L’équipe type de Dieu

Par Victor Le Grand
L’équipe type de Dieu

« Dieu est mort, vive le sport. » Et pourtant, n’en déplaise à Pierre de Coubertin, qui de mieux que Dieu himself pour composer la plus belle des dream-teams ? Ici, pas de pieuses vedettes comme Maradona, Kaká ou Chicharito. Mais un voyage spirituel à la découverte d’une belle flopée de gardiens de but, d’un conspirationniste new age, de l’aumônier de Lleyton Orient et du dressing d’El Hadji Diouf.

David Icke

De Coventry à Hereford United, personne ou presque ne connaît la carrière de cet énigmatique gardien de but anglais. Souffrant d’arthrite et de timidité maladive, David Icke abandonne les terrains à seulement 21 ans. Outre-Manche, sa notoriété décolle néanmoins vingt ans plus tard lors d’un show télévisé où, vêtu d’un survêtement turquoise, il révèle au monde « être le fils de Dieu ». D’aucuns diront que les tabloïds auraient décontextualisé cette citation pour ridiculiser le plus beau conspirationniste « new age » du pays : un complot mondial ourdi, selon lui, par des « reptiles humanoïdes » gardiens de la galaxie Darco et qui projetteraient de supprimer l’humanité en jetant un « filet de fréquence » autour de la Terre. Heureusement, Icke semble à l’abri de leur intervention.


Défenseurs

John Charlton

Frère de Sir Bobby, cet ancien défenseur anglais des sixties ne doit sa présence dans cette équipe divine qu’à la bénédiction de Jean Paul II, qu’il reçut en personne lors d’une cérémonie en 1990. Un souvenir encore palpable : « Il faisait très chaud et je suis resté assis dans la même position sans doute trop longtemps. Je ne m’en souviens pas, je me suis endormi. »

Marvin Andrews

L’histoire de ce mystique Trinitéen relève du folklore écossais. Lors d’un match de championnat, le joueur des Rangers FC (club de troisième division, ndlr) se déchire les ligaments croisés du genou droit, mais refuse, à la surprise générale, toute opération chirurgicale. Et somme ainsi le staff médical de laisser agir Dame Nature. Dieu, en l’occurrence : « Une nation entière a dit que j’étais fou, raconte-t-il. Après ma blessure, j’ai prié le Seigneur qui m’a dit de ne pas recourir à la chirurgie. La prière était mon unique traitement, chaque jour, chaque instant. Je devais en avoir pour un an, mais résultat, six semaines plus tard, j’étais déjà de retour. » Pour la légende : Marvin Andrews joue toujours à 36 ans et des brouettes, en huitième division écossaise.

Taribo West

Tout de suite, une image, et peut être même un fou rire : deux petites couettes vertes de punk à chien qui colleront à jamais au crâne de Taribo West. Un « obsédé de Dieu », se décrit-il lui-même, congédié de Kaiserslautern en 2002 pour avoir volontairement loupé une rencontre officielle. Il organisa à la place une cérémonie évangélique de six heures pour son anniversaire. « Ce soir-là, ma sœur s’est mise à prier et elle m’a dit qu’elle pouvait voir deux chiens – un blanc et un noir – se battre dans ma maison. Elle pouvait y sentir les énergies occultes. Elle s’est alors tournée vers moi : « Taribo, tu seras pasteur. » Si ce n’était pas ma sœur, je pense que je l’aurais foutu dehors. » Comme un symbole, depuis 2008, le Nigérian partage sa retraite entre évangélisme et œuvres caritatives, au sein de sa propre église venant en aide aux sans abris. « Je crois que Dieu offre un refuge à tous ceux qui souffrent. Quelle que soit votre situation, Dieu a la solution, il vous suffit de vous rapprocher de lui. »

Goran Granić

En 2009, le joueur-star du Hajduk Split n’a d’autre choix que de se confesser. Lui seul détient la vérité. Et pour cause, le club croate enchaîne pilules sur déculottées. « Je suis si dévoué à Dieu que je ne puis me permettre de tacler durant mes matchs, glisse-t-il au quotidien Slobona Dalmacija. J’aurais probablement pu aider mes coéquipiers en durcissant mon jeu cette saison. Mais Dieu a créé le football pour le plaisir et la détente. Il n’aimerait pas que je commette de grossières fautes. » Pour info, Goran est capitaine.


Milieux

Peter Knowles

Peter Knowles, c’est l’éternel prodige du football anglais. Le rouage essentiel dans la balistique des Wolverhampton Wanderers en 1969. Aux yeux de tous, le succès, la luxure, l’argent et même une Coupe du monde 1970 l’attendent sur un plateau. Mais quelque part, c’est déjà trop tard : « Je vais continuer à jouer au football pour le moment, mais j’ai perdu mon ambition, dit-il. J’ai besoin de plus de temps pour en apprendre d’avantage sur la Bible. » Huit matchs suffisent : le « footballeur de Dieu » raccroche les crampons, devient témoin de Jéhovah et tente en vain de convertir ses ex-coéquipiers. Priant que ce ne soit qu’un pieux caprice, les Wolves attendront douze ans pour rompre son contrat. Un hommage, en quelque sorte. Comme celui, en mélopée, du bard trotskard Billy Brang. Culte.

Christian Negouai

En 2003, l’agence anti-dopage anglaise UK Sports accuse Manchester City d’avoir contraint l’un de ses joueurs, Christian Negouai, à enfreindre le ramadan pour les besoins d’un contrôle. Peu prompt à rompre son jeûne, le Français doit finalement boire un litre d’eau pour produire un échantillon valable. « Il est très en colère à ce sujet », déclare alors le manager des Citizens, Kevin Keagan, qui assure néanmoins que le club n’a exercé aucune pression sur le joueur. Pour sûr ?

Alan Comfort

« Hormis le football, la seule chose qui m’intéresse vraiment, c’est ma croyance en Dieu. Alors j’ai décidé de l’approfondir. » Suffisant pour que l’Anglais Alan Comfort devienne, à la fin des années 1980, le premier joueur-aumônier de Lleyton Orient. Une double calotte qui lui permet, aujourd’hui encore, de diriger la petite chapelle de son équipe de cœur. Il s’est tout de même un poil radicalisé : « Si vous êtes dévoué à Jésus, et que vous voulez continuer à suivre ce que dit la Bible, alors cela signifie que les relations sexuelles ne sont appropriées que dans une situation conjugale entre un homme et une femme. »


Attaquants

El Hadji Diouf

Joueur dévot à la religion musulmane, l’ancien international sénégalais (suspendu cinq ans en 2011 pour avoir déclaré que « tout le système du football sénégalais était corrompu », ndlr) n’est jamais avare en petites provocations. Aussi, lors de la Coupe du monde 2002, il suscite la polémique en ôtant son maillot pour honorer l’un de ses buts. Dessous : non pas une missive pour une ex-copine, mais un tee-shirt floqué du portrait d’Oussama Ben Laden disent certains ! Faute grave. Mais à y regarder de plus près, il s’agirait plutôt du cheikh Amadou Bamba, fondateur anti-impérialiste de la confrérie des Mourides en 1883, prônant l’orthodoxie envers les enseignements du Coran pour réformer la société sénégalaise. Rassuré ?

Frédéric Kanouté

Le clocher de cette équipe céleste. La pointe, le renard et le censeur : une fable écrite en 2007 par Frédéric Kanouté suite à son refus intime de porter le nouveau maillot du FC Séville, floqué d’une publicité pour un site de pari en ligne. Le Malien ne supporte pas cet affront et recouvre lui-même de plâtre le logo incriminé. Gênés, ses employeurs l’autorisent ensuite à porter un tricot vierge de tout sponsor. Pour, finalement, le convaincre de ré-endosser l’original, mais à la condition que le club verse un don à une œuvre de charité islamique. Une belle idée de Une pour Le Point, non ?

Milienko Kovačić

« Je préfère les prières et les vaches à lait au football. » C’est sans doute pour la qualité de ses produits laitiers et de ses sensations pures que cet attaquant croate se convertit au Hare Krishna en 1998 : une religion hindoue forte de ses 90 restaurants « végétariens et spirituels » à travers le monde. « Mon grand père va m’apprendre à devenir un bon fermier, explique-t-il le jour de sa retraite, sportive et religieuse. La vie de footballeur n’est pas pour moi. Je veux aller prêcher la parole de l’Éternel. » En 2001, il fait amende honorable, retrouve un petit club et publie sa rédemption : « Il y a quelques années, j’avoue avoir été presque un fanatique religieux… Globalement, le monde n’est pas si mal. » Monde de merde, ouais : Milienko ovačić décèdera quatre ans plus tard d’un accident de moto. RIP.


Remplaçants

Jimmy Allan

Le 20 janvier 1974, pour la première fois de son histoire, un match officiel du championnat anglais est programmé un dimanche après-midi. Onze jours plus tard, Jimmy Allan, alors gardien de Swindon Town et fervent catholique, n’entend pas tenter l’expérience. Et prévient qu’il sera le premier joueur à refuser de jouer durant « Sabbat » pour des motifs religieux. « Je respecte totalement sa position », déclare son manager Les Allen, qui l’écartera finalement de l’équipe première jusqu’en 1976 : « Certains de mes joueurs refusaient de jouer le dimanche pour des raisons religieuses. La plupart d’entre eux étaient juste énervés de ne plus pouvoir boire un verre le samedi soir… »

Dai Davies

Portier international gallois des seventies, Dai Davies est sans doute plus connu pour ses massages cognitifs japonais, sa science des herbes médicinales et ses master-classes de « Feldenkrais » (« prise de conscience par le mouvement ») que pour ses prises de balle. Surnommé « Dracula » pour son dégoût des croix catholiques, c’est initié par l’association culturelle de la Gorsedd des bardes gallois qu’il devient, en 1978, le tout premier druide du football mondial. Cérémonie officielle : saie blanche, bâton de rituel, jeux floraux et quelques bonnes bouteilles de pinard. « Il y a des fées, quelque part, avec beaucoup d’énergie, et je peux désormais sentir les anges », glisse-t-il dans son allocution. Amen.

João Leite

Encore plus fort que Clàudio Taffarel ou Ricardo Kaká, cet ancien gantier de l’Atlético Mineiro n’a pas seulement rejoint une église, il s’en est inventé une : le mouvement « des athlètes du Christ » en 1979. C’est ainsi que le Brésilien, surnommé chez lui « le Gardien de Dieu » pour son soutien actif à l’Église évangéliste, déchirait des pages de la Bible avant chaque rencontre et les distribuait à ses adversaires ; puis barbouillait lui-même de peinture l’inscription « Jesus Saves » sur sa liquette de goal volant. Un accoutrement jugé finalement trop ostentatoire par la Fifa. « Ils peuvent m’enlever le Christ de mon maillot, mais personne ne pourra l’enlever de mon cœur. »

Carlos Roa

Encore une histoire de gardien de but. En 1999, surnommé « La Laitue » pour son végétarisme, l’international argentin Carlos Roa explose sa dernière durite : il pronostique la fin du monde pour l’an 2000 et décide de facto de se retirer dans un « refuge spirituel » à Santa-Fe, au Nouveau-Mexique. « Les réactions que je rencontrais étaient de l’incompréhension, note-il lors d’une interview à FourFourTwo. Mais c’était ma décision. J’ai eu le même type de réflexion et de méditation quand j’ai décidé de faire mon retour, à Majorque, neuf mois plus tard… à une seule condition : je n’aurais jamais pu jouer un samedi, jour sacré et de repos, tel qu’il est enseigné dans mon église. » L’Église adventiste du septième jour, pour ceux que ça intéresse…

Jean-Paul II

Le coach. Socio du Barça, membre d’honneur de sept grands clubs européens, fan de Fulham, sans que personne ne sache vraiment pourquoi, celui qui fut le chef de l’Église catholique entre 1978 et 2005 enfilait même, tout gamin, les gants et les chaussures de montage à clous – les crampons étaient un luxe – lors de parties improvisées dans les rues de Katowice, en Pologne, où il grandit. Un assez bon joueur, relatent ses biographes. Quasiment un pote, se souvient Paul Gascoigne : « À l’époque où j’étais à Rome, le coach me lance : « Il y a quelqu’un au téléphone pour toi. » Je lui réponds : « Dis-lui de rappeler plus tard, putain ! »  » Paul, sérieux, je pense que tu devrais prendre l’appel… » Je prends le téléphone et un type me dit : « Bonjour, c’est Jean-Paul II. » Bon sang, ce n’était pas une blague, c’était le pape ! « Salut pape, ça boume ? » ,je réponds. (…) On s’est pointé au Vatican et le pape nous a donné des cadeaux, des trucs qu’il offre juste aux chefs d’États, en principe : des sortes de médailles dorées… Personne n’a ces machins-là ! »


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