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Le Chili, et après ?

Par Ruben Curiel
4 minutes
Le Chili, et après ?

Si l’Amérique du Sud est occupée par la retraite internationale de Messi, elle ne devrait pas oublier qu’elle a sous ses yeux une des meilleures équipes du monde. Qui ne s’arrêtera certainement pas à deux Copa América consécutives.

« Crois toujours en toi. Peu importe ce qu’il se passe dans ta vie. Viva Chile. On l’a fait avec notre âme. Profitez de ce grand accomplissement. Avec beaucoup d’amour pour les idiots, les médiocres et les opportunistes de mon pays. » Sur Instagram, Claudio Bravo s’est lâché. Pourquoi tant d’aigreur alors que sa sélection vient de remporter une deuxième Copa América consécutive ? Parce que le Chili, pays vierge jusqu’à l’année dernière, devra toujours prouver. Parce que les spécialistes estiment simplement que Pizzi profitent de l’héritage immense laissé par Bielsa le fondateur, par Sampaoli le cacique. Parce que l’argument de la fausse Copa América était prêt en cas de défaite (Arturo Vidal l’avait même évoqué en conférence de presse avant le match contre l’Argentine). À l’orée d’une Coupe des confédérations, d’un Mondial en Russie, et d’une Copa América au Brésil (en 2019) où cette génération chilienne arrivera à son pinacle, le Chili pourrait encore s’imposer comme l’une des meilleures sélections du monde.

Le pragmatisme chilien

Comment faire une sélection ? Didier Deschamps nous montre qu’on peut laisser à la maison l’un des meilleurs dribbleurs du monde, un attaquant qui a planté plus de vingt buts en Ligue 1 deux saisons de suite, et un autre qui soulève la Ligue Europa depuis trois ans. Antonio Conte nous montre que Jorginho, naturalisé pour l’occasion, Bonaventura ou encore Pirlo peuvent être sacrifié au nom d’un système de jeu inamovible. Vicente del Bosque a montré qu’il n’y avait pas de place pour le romantisme en sélection en laissant à quai un Fernando Torres ressuscité. Au Chili, Jorge Sampaoli a longtemps renoncé à certains principes. Quand Valdivia multiplie les écarts de conduite, l’ancien sélectionneur chilien laisse passer. Pire, quand Arturo Vidal crashe sa Ferrari en état d’ébriété lors d’une Copa América à la maison, l’entraîneur cède à la pression d’un pays tout entier (il se dit qu’un appel de Michelle Bachelet, présidente chilienne, aurait changé la donne). Pas de sanction, puisqu’il faut bien aller chercher un titre que le pays attendait éternellement. Une sorte de pragmatisme, au nom de l’obligation de gagner, là où d’autres prônent la cohésion de groupe.

Son successeur, Juan Antonio Pizzi, a dû lui aussi passer par la case choix fort. Et les assumer, lorsque son équipe perdait face à l’Uruguay, ou contre l’Argentine à Santiago, lors des éliminatoires pour la Coupe du monde russe. Pire, quand il se permet de ne pas convoquer Valdivia, et ce, même après la blessure de Matías Fernández, quand son équipe montre un niveau catastrophique lors des matchs amicaux avant la Copa Centenario, ou quand l’Argentine vient à bout d’un faible Chili sans Messi en poule, ce dernier encaisse les critiques et fait face. Après cinq mois à la tête de la Roja, son bilan est éloquent : une Copa América remportée, une équipe plus mature et moins dépendante des éclairs de Sánchez ou Vargas. Le résultat de l’héritage de Sampaoli, avancent certains. « Notre style de jeu ? Je partage beaucoup de principes que cette équipe avait avant moi » , répond l’intéressé. Une belle manière de confirmer que le legs laissé par le désormais entraîneur du FC Séville sert de base à son projet.

Le Chili peut-il remporter un Mondial ?

Et maintenant, quels défis attendent une équipe qui s’est dépucelé deux fois de suite après tant de disette, qui a vu Leo Messi pleurer deux fois par sa faute ? D’abord, le Chili a gagné le droit de représenter la CONMEBOL à la prochaine Coupe des confédérations. Surtout, Pizzi et les siens devront confirmer dans des éliminatoires pour la Coupe du monde 2018, où, pour une fois, les cinq qualifiés sont loin d’être connus d’avance. Un Mondial où la génération de Vidal, Alexis ou encore Claudio Bravo pourra oublier le cauchemar vécu face au Brésil en 2014. Quand certaines sélections sud-américaines sont en plein trouble (l’avenir de Tata Martino est incertain, le Brésil traverse la crise la plus importante de son histoire, le Maestro Tabárez semble aussi arriver en fin de cycle avec l’Uruguay), le Chili connaît enfin la stabilité. Et ce, malgré une Fédération touchée par les nombreux scandales et le départ polémique de Sampaoli, qui aurait pu toucher les joueurs de cette sélection. Après la victoire en finale contre l’Argentine, Vidal a affirmé que cette « équipe n’avait pas de limites » . Le Chili est devenu la référence en Amérique du Sud, en confiant par deux fois son destin à un entraîneur venu d’un pays ennemi. Et pourrait le devenir dans le monde dans les années qui viennent. Histoire d’oublier que le Chili est passé « à un centimètre de la gloire » au Brésil.

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