- C4
- 3e tour
- Vitoria Guimarães-Hajduk Split
La Torcida Split et le sac de Guimarães
Mardi soir, il est environ 22h30 lorsque des membres du groupe ultra croate de la Torcida déclenchent un fort mouvement de panique dans le centre historique de Guimarães. À la veille du match de qualification pour la Ligue Europa Conférence entre le Vitória SC et le Hajduk Split, la colère monte dans le nord du Portugal. Elle vise autorités locales, ultras croates mais mêle aussi certains groupes de supporters portugais.
En plein mois d’août, les locaux et touristes profitent souvent en famille de leurs soirées sur les terrasses du centre historique de Guimarães, à côté du musée Alberto Sampaio. Mais ce mardi soir, la détente a laissé place à la panique puis à la colère pour les Vimaranenses. Au beau milieu de cette soirée qui se devait d’être plutôt tranquille, un groupe d’au moins une centaine de supporters du Hajduk Split appartenant à la Torcida fait irruption sur l’esplanade. Jets de pétards, jets de fumigènes et mise à sac des terrasses des restaurants et bars alentours créent un vaste mouvement de panique dont témoignent les caméras de surveillance de la place. « Sur le coup, on a eu l’impression qu’un attentat avait lieu », atteste Julien Fernandes, jeune franco-portugais présent au moment des faits. Familles et poussettes laissent ainsi place à des jets de chaises et des gestes hostiles d’hommes pour certains cagoulés. Au milieu de ce vacarme, des commerçants dépassés par la situation tentent en vain de calmer les esprits. Pour beaucoup, il est difficile de comprendre comment un troisième tour préliminaire de qualification en Ligue Europa Conférence, avant même de se jouer, a pu déboucher sur une telle démonstration de violence.
Imagens de uma câmara de vídeo vigilância que registou a chegada dos Adeptos do Hajduk Split ao centro histórico . https://t.co/YIzbKAVWjT pic.twitter.com/YNiAESswf4
— Flávio (@OLopes6) August 9, 2022
Le ping-pong de la culpabilité
La peur a rapidement laissé place à la colère des habitants et commerçants du centre-ville, ne comprenant pas comment de tels évènements ont pu se produire. Après avoir saccagé la ville, le groupe de supporters s’est progressivement dispersé. Une partie d’entre eux a pris l’autocar direction Porto. Ce n’est que sur l’autoroute entre Guimarães et Porto que les autorités du district de Braga ont appréhendé 154 personnes qui auraient participé aux troubles. Bien trop tard selon les locaux. João Canário, habitant du centre-ville, précise : « Quand la police est arrivée sur place, il était déjà minuit passé. Les policiers ont demandé aux commerçants de fermer et ont dit qu’ils avaient eu un problème de téléphone les empêchant de répondre plus rapidement aux plaintes reçues ». Pour beaucoup, le coupable est donc tout trouvé.
Uma centena de adeptos do Hajduk Split provocou desacatos no centro Histórico de Guimarães. pic.twitter.com/FE4A4jfIX3
— Cabine Desportiva (@CabineSport) August 9, 2022
Face à ces critiques venues de toute part, la police ne s’est défendue que partiellement, disant surveiller les individus impliqués et étant disposée à recevoir des témoignages. La Polícia de Segurança Pública (PSP) a également tenu à préciser via un communiqué n’avoir reçu « aucun signalement de dégât significatif dans les établissements ou de blessé » tandis qu’« aucune plainte pénale n’a été déposée ». Pas de quoi calmer le maire de Guimarães, Domingos Bragança, qui s’est adressé au journal Renascença au lendemain des faits : « Il y aurait dû y avoir des moyens préventifs engagés pour entourer ce groupe de supporters croates. En plus de cela, l’intervention de la police a été bien trop tardive, n’y ayant même pas eu d’intervention au moment même des faits ». Pour João Canário, la raison de cette inaction ou au moins de cette action bien trop tardive ne laisse que peu de place au doute. « Je pense qu’ils avaient peur d’intervenir sur des groupes ultras, d’autant plus sur des groupes étrangers », témoigne-t-il.
No Name Boys, ou pas?
La complexité de l’affaire ne se limite toutefois pas à l’inaction policière ou à la violence des faits reprochés aux ultras croates. Pour beaucoup, il ne fait aucun doute sur le fait que les No Name Boys, groupe ultra du SL Benfica, se soient joints à la « fête » de la Torcida Split. Il faut pour comprendre cela mettre en avant les liens d’amitié très anciens qui unissent les supporters de ces deux groupes d’ultras. João Canário est lui aussi persuadé de cette alliance de groupes d’ultras dans les rues de Guimarães. « Pendant les attaques, on entendait des gens dire en portugais :« Cette ville est à nous, on va tout brûler » » , atteste-t-il. Parmi les 154 suspects interpellés par les autorités du district de Braga, on trouve, en plus des 122 citoyens croates et des 9 citoyens étrangers, 23 citoyens portugais. Rien n’indique néanmoins à cet instant là qu’ils appartiennent aux No Name Boys. Tard mercredi soir, le ministère de l’Intérieur confirmait finalement que les ultras croates avaient reçu de l’aide, au moins au niveau organisationnel, de la part d’un groupe ultra portugais. Les différents journaux nationaux évoquent par rapport à cela qu’une enquête visant les NN Boys a été ouverte.
Malgré la participation présumée de certains citoyens portugais aux évènements de mardi soir, cette attaque du « berceau du Portugal » a suscité une vive vague de soutien sur les réseaux sociaux. Elle est d’autant plus puissante qu’elle réunit aussi bien des supporters de Porto, du Sporting et de Benfica – bien que sur ce point subsistent quelques discordes internes –, mais aussi et surtout des supporters du SC Braga dont la rivalité régionale avec le Vitória SC est très profonde. L’important désormais est que justice soit faite dans les tribunaux. Au stade Dom Afonso Henriques, les Conquistadores ne sont en effet pas parvenus à rendre eux-mêmes justice à leur ville. Leur match héroïque leur permet d’obtenir une victoire (1-0) mais pas de rattraper le retard comptable accumulé à Split (défaite 3-1). Bon courage à la prochaine ville européenne accueillant le Hajduk.
Par Amaury Goncalves