La chair de Liverpoule
Ca ne devait vraiment pas se passer comme ça. Et pourtant, Liverpool est dans la mouise jusqu'au cou, à la limite un peu en dessous, dans ce groupe A. Du coup, les Reds en sont désormais réduits à craindre le terrifiant Edouard Cissé, qui se pointe ce soir à Anfield Road.
La vérité, c’est qu’en ce moment, à Liverpool, on a les fesses qui claquent comme des castagnettes. Parce qu’on n’avait osé imaginer, suite au tirage des poules de Ligue des Champions, se faire lustrer la lucarne par un mec qui évoluait à Libourne il y a à peine deux ans pour la moitié d’un Smic et qui se faisait quand même surnommer “P’tit Vélo”, ou encore moins sombrer sur les rives du Bosphore. Non, seul Porto pouvait espérer chatouiller les Reds entre les doigts de pied. Trois matchs plus tard, la marelle annoncée s’est muée en chemin de croix. Alors que Marseille et Porto peuvent prendre de sérieuses options sur la qualification, ce soir ou lors de la prochaine journée. Restreignant par là même le champ des possibles à Anfield Road pour la suite de l’épreuve. Les hommes Rafael Benitez n’ont donc plus le droit à l’erreur lors de la phase retour.
D’une, pour se qualifier. Difficile d’imaginer le quintuple vainqueur, qui a soulevé les grandes oreilles en 2005, finaliste en 2007, ne pas au moins se pointer en quarts, histoire de rencontrer une nouvelle fois Chelsea, pour un bon match à l’anglaise à l’ancienne tout en coups et chandelles. Au pire des scénarios, Liverpool irait gagner la coupe UEFA, mais au jour d’aujourd’hui, la troisième place qualificative pour la C3 est encore loin. Gagner les trois ultimes matchs, face à des formations qui jouent “leur” finale à chaque match contre les Reds, en espérant que Porto et Marseille paument quelques paires de points d’ici là : ça sent le gaz.
De deux, pour se rassurer. Car s’ils sont invaincus en Premier League, notamment après un début d’exercice tonitruant, les Rouges enfilent les matchs (littéralement) nuls, peinent désormais à s’imposer, et à imposer leur griffe sur le jeu. La semaine qui vient de s’écouler a mis en lumière de sérieuses carences. Bien heureux de s’en sortir avec un point lors de la visite d’Arsenal, les Gunners tapant deux fois les barres et se procurant les meilleures occasions, une victoire poussive face au Cardiff de Fowler en Carling Cup, et un 0-0 contre les Blackburn Rovers qui pestent encore contre un penalty non sifflé pour une défense de handballeur de Carragher. Ryan Babel qui déçoit, “Berk” Kuyt, avec ses trois miséreux pions en treize matchs, et Skipper Gerrard surmené. Rajoutez les absences de Torres, Voronin et Xabi Alonso et vous obtenez un groupe qui joue lacets défaits.
De trois, pour s’éviter une belle galère financière. La perte sèche est estimée au minimum à environ 26 millions d’euros en cas de non-qualification pour la suite de la compétition. Et comme le tacticien espagnol n’a toujours pas reçu de garanties au sujet d’une éventuelle enveloppe pour la fenêtre hivernale des transferts, il ne peut pour l’instant compter que sur les restes du mercato estival, soit environ 10 millions d’euros. De très chères vacances d’été : environ 60 millions d’euros pour Torres, Babel, Benayoun et autre Lucas Leiva. Les vents de Bellamy, Pongolle, Cissé et Luis Garcia, n’ayant rapporté que 25 millions. Pour colmater les trous, Benitez va pratiquer une politique d’“anti-soldes” pour récupérer du cash. En gros, Crouch, Sissoko et Riise sont à vendre, donc les offres sont les bienvenues, mais attention, les prix ont augmenté. Le géant anglais passe de 10 à 18 millions d’euros, Momo de 8 à 15, et le Norvégien de 7 à 10.
Vraisemblablement, coach Rafa ne compte pas trop sur les investisseurs américains Tom Hicks et George Gillet pour mettre la main à la poche. Les deux complices attendent un retour sur investissement assez rapide, avec sur le dos l’emprunt de 750 millions d’euros (dont 80% sont destinés à la construction du prochain stade de Stanley Park).
Dans le News of the World, une source proche du club estime qu’ « ils sont hypnotisés par leur première expérience à Anfield l’an dernier contre Barcelone, et pensent que ça sera comme ça chaque semaine. Ils ont basé leur remboursement sur un succès de Liverpool en Champions League en remplissant chaque semaine le stade avec 76 000 personnes ! Ce qui n’arrive pas nécessairement toujours…Les tribunes seront pleines pour les chocs de Premier League, mais ils trouveront des milliers de sièges vides pour les matchs moins glamour. C’est un risque insensé d’avoir planifié le budget sur des succès européens et de mettre ainsi la pression sur le manager pour gagner chaque année » .
En clair, si Liverpool continue, comme ces dernières années, de bons et lucratifs parcours en Ligue des Champions, l’argent ne sera pas un problème. En revanche, si les Reds se prennent les pieds dans le tapis des groupes éliminatoires, et pire s’ils ne se qualifient pas chaque saison pour la C1, il faudra chercher des écus ailleurs. Ce qui laisse présager, entre autres solutions, une forte augmentation du prix du billet. La doublette Yankee projette également de développer la marque “Liverpool”, eux qui s’étaient étonnés à leur arrivée qu’avec son palmarès et son histoire, le club soit si largué en la matière par Manchester United et le Real Madrid.
Si les robinets semblent pour l’instant coupés, Benitez compte d’ores et déjà sur ses graines de stars pour les éditions suivantes, quitte à se la jouer Wenger : « Je suis sûr que certains jeunes que nous avons signés sauveront l’argent du club. Si vous analysez la réserve, il y a de nombreux éléments de qualité. Ils ont juste besoin d’expérience. Nous avons préparé un plan sur le long terme, les propriétaires nous soutiennent » . Depuis son arrivée à Anfield Road, il a recruté plus d’une vingtaine de bambins, notamment Daniel Pacheco de Barcelone, 16 ans dans les guiboles, et qui serait, selon lui, le nouveau Fabregas. Actuellement, il lorgne sur John Cofie, « comme le café sauf que ça s’écrit pas pareil » , 15 piges, et sur le Finlandais Lauri Dalla, à peine 16 ans.
Mais ce soir, c’est avec ses “vieux” joueurs en manque de confiance et de match référence que Rafael Benitez accueillera le Besiktas, pour au moins garder l’espoir de passer par la chatière. Les coéquipiers d’Edouard Cissé qui eux, en revanche, se satisferaient pleinement de la troisième place et de l’UEFA. Aux lunettes et au bouc de Rafael Benitez.
Pierre Maturana
Par