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Julien Faubert : « L’équipe de France et le Real n’ont jamais appelé un joueur par charité »

Propos recueillis par Julien Duez et Mathieu Rollinger, à Saint-Raphaël
Julien Faubert : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L&rsquo;équipe de France et le Real n&rsquo;ont jamais appelé un joueur par charité<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Julien Faubert a porté une fois le maillot des Bleus et il avait offert la victoire à la France à la 90e minute (1-2) : c’était le 16 août 2006 au Stade olympique de Sarajevo. Cette même ville que les Bleus retrouveront ce mercredi, dans le cadre des qualifications au Mondial 2022. Depuis, le natif du Havre a vécu une carrière dont il ne regrette pas une miette. Aujourd’hui formateur à Saint-Raphaël, l'ancien de Bordeaux et du Real Madrid se raconte avec l'œil qui pétille, comme tout amoureux du football qui se respecte.

Tu es aujourd’hui à 37 ans éducateur des U15 de l’Étoile FC Fréjus Saint-Raphaël. Depuis quand es-tu investi dans ce projet ?Je suis arrivé au club il y a deux ans en tant que joueur. C’est mon ami de toujours, Khemissi Khelil, l’entraîneur de la réserve, qui m’a permis de rencontrer le président (Alexandre Barbero, NDLR), un vrai passionné. Puis il y a eu un revirement quand le nouveau coach ne misait plus trop sur les trentenaires. Le club m’a alors proposé naturellement d’entamer ma reconversion. Pour l’instant, j’essaye d’apporter aux jeunes mon expérience, ce que j’ai pu vivre, ma vision du football, tout en passant mes diplômes en parallèle. On verra pour la suite, mais là, je suis très bien avec les jeunes et je suis très heureux ici. J’ai été formé dans la région (à l’AS Cannes, NDLR), j’y suis repassé à plusieurs reprises malheureusement pour mes rééducations et, finalement, je connais du monde dans le coin. C’était le seul endroit où j’avais envie de revenir en France.

Tu es de Caucriauville (Seine-Maritime) comme Mamadou Niang et Souleymane Diawara, qui se sont aussi installés dans le Sud de la France. Pourquoi ce tropisme chez les anciens Havrais ?Le Havre, c’est beaucoup de pluie, des usines, la cité, et il faut croire qu’on aime le soleil tous les trois. Mais c’est très rare qu’on se croise, ceci dit, parce qu’on est bien pris par nos métiers respectifs. Mes amis d’enfance sont surtout leurs petits frères, avec qui j’ai grandi.

D’accord, mais comment un Normand se retrouve à faire sa formation à Cannes ?J’avais fait quatre essais dans des centres de formation, et Cannes était celui de la dernière chance. Ça s’est bien passé, j’ai gravi les échelons assez rapidement. Avant ça, j’avais essuyé des refus au Havre, à Caen et à Auxerre, où l’on m’a clairement dit que je n’avais pas les qualités pour passer pro. D’ailleurs, j’ai recroisé la personne qui m’a dit ça quand j’étais aux Girondins. Je me suis fait un plaisir de lui serrer la main et de lui rappeler qu’il faut faire attention à ce qu’on dit à un enfant de 13 ans. Moi, ça ne m’a pas découragé parce que c’était mon rêve ultime, mais ça peut faire du mal.

Los Scapulos, en concert

J’ai sensibilisé mes enfants à avoir un regard de joueur et non de supporter. Si Neymar fait un petit pont et qu’il perd le ballon derrière : non, on ne s’enflamme pas.

Dans ton métier d’éducateur, comment arrives-tu à leur faire garder les pieds sur terre sans pour autant fracasser leurs rêves ?À cet âge-là, ils remettent tout en question, mais ils sont à l’écoute. J’ai vécu ce qu’ils sont en train de traverser, donc je peux les sensibiliser sur ce qu’il faut mettre pour y arriver, ce qu’il faut éviter et ce qu’il faut faire pour ne pas avoir de regrets. Mais je les laisse aussi rêver parce que c’est comme ça qu’on avance. De toute façon, qui suis-je pour dire à un enfant ou à un adolescent qu’il n’y arrivera pas ? Personne. La base dans le football, c’est de savoir que personne ne détient la vérité.

Qu’est-ce qui différencie ta génération de celle qui arrive ?C’est surtout la culture du football. La passion et le leitmotiv des jeunes sont différents. Nous, on voulait être footballeurs vraiment pour être footballeurs. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est davantage le côté matériel qui prime. Dans ma jeunesse, je ne pensais pas à la maison, la Porsche ou les filles que j’aurais en étant pro. Ce qui comptait, c’était le foot et rendre fiers mes parents. Mais peu importe les motivations : l’important, c’est d’avoir les bonnes raisons pour y arriver.

Quand tu regardes sur Wikipédia, il y a marqué « international français ». Pour les jeunes que j’entraîne, il n’y a que ça qui compte, même si je n’ai eu qu’une sélection.

La façon de consommer le football a aussi évolué. L’as-tu constaté ?Totalement. C’est le problème d’Internet et de YouTube : les gamins se contentent souvent des highlights. Quand j’ai entraînement le mercredi et que je demande qui a regardé le match, la moitié va dire non. À la place c’est : « On a joué à Fortnite, on a parlé sur WhatsApp, on a traîné sur Instagram. » Il faut s’habituer à ça. Quand j’étais jeune, l’abonnement Canal+ était trop cher pour nous, et je me souviens qu’on espérait toujours qu’on nous oublie avant que le brouillage n’arrive. Ça ne s’est jamais passé évidemment. (Rires.) Alors on se retrouvait chez un des gars de l’équipe qui avait l’abonnement, et on prenait du plaisir à regarder ce match tous ensemble. Aujourd’hui, il n’y a plus cette patience pour regarder un match dans son intégralité. Mes enfants l’ont parce que je les ai sensibilisés à avoir un regard de joueur et non de supporter. Si Neymar fait un petit pont et qu’il perd le ballon derrière : non, on ne s’enflamme pas. C’est ce qu’il se passe à la fin de l’action qui est important.

Vidéo


Tu parlais de highlights, mais pour ta seule sélection en équipe de France, sur YouTube, la seule vidéo disponible a une qualité pourrie et saute tout le temps. Comment les jeunes savent ce que tu y as fait ? Quand tu regardes ma fiche Wikipédia, il y a marqué « international français » . Pour eux, il n’y a que ça qui compte, même si je n’ai eu qu’une sélection. Après, ils me demandent quels joueurs étaient avec moi. Quand je sors des noms comme celui de Thierry Henry, ça, ça leur parle. Le match reste anecdotique pour eux, mais ils ont conscience qu’ils sont entraînés par un international français.

Ça remonte à quinze ans, ce match en Bosnie…(Il coupe.) Putain, ça me met un coup. Je ne suis pas très fort avec les dates, mais ça met un vrai coup au moral. Après, ce sont des moments qui marquent, surtout quand on connaît le contexte. Avant de jouer ce match, on a eu un peu un topo sur l’histoire de la Bosnie, sur l’endroit où on allait jouer également (le stade olympique Koševo ensuite renommé Asim-Ferhatović-Hase, NDLR). C’est un stade où il y a eu des drames, un « génocide » . Cette atmosphère forcément fait écho en moi, surtout en tant que musulman. C’était déjà un match particulier au niveau émotionnel, et le fait que ce soit ma première sélection et que je marque l’a rendu encore plus mémorable pour moi.

Ce laïus sur l’histoire de la Bosnie, c’était à l’initiative de Raymond Domenech ?Je ne sais pas exactement. Mais c’était une marque de respect envers l’histoire du pays. Quand on est arrivés là-bas, on a fait le tour de Sarajevo en bus. On voyait encore les impacts d’obus, de balles… Il y a des êtres humains qui sont morts. On nous a bien dit aussi d’être irréprochables pendant les hymnes, de faire attention à ne pas bâiller, ce genre de truc.. Jouer en équipe de France, ça a aussi un impact politique. Moi qui suis un passionné d’histoire, j’ai appris des choses pendant ce déplacement. Quand j’ai joué en Indonésie avec un Bosniaque, on a pu échanger là-dessus, j’ai pu lui dire : « Moi, je connais ton histoire, je sais ce qu’il s’est passé. » Ça rapproche énormément, ce genre de choses.

Déjà, j’ai trente secondes de pression parce que quand j’arrive dans le vestiaire, je vois mon maillot plié sur le banc : « Faubert 10 ». Je le découvre à ce moment-là, je ne l’ai pas choisi, ce numéro.

Tu étais remplaçant ce jour-là. À quoi penses-tu avant la rencontre ?Déjà, j’ai trente secondes de pression parce que quand j’arrive dans le vestiaire, je vois mon maillot plié sur le banc : « Faubert, 10 » . Je le découvre à ce moment-là, je ne l’ai pas choisi, ce numéro. Le football est un milieu très hiérarchique : les anciens comme Trezeguet, Henry, Wiltord ont le leur, pas de problème, et les petits jeunes récupèrent ce qu’il reste. Et là, on me chambre pas mal.

Zidane venait tout juste de laisser son 10 et son dernier match, c’était la finale de la Coupe du monde 2006. C’était une patate chaude en fait ?Tu ne penses pas forcément au coup de boule, tu penses à la carrière du joueur. Et puis tu penses à Platini, tu penses à plein d’autres. Il y a de vrais joueurs qui ont porté le numéro 10, ça reste un numéro hors concours. Moi qui n’ai pas du tout le même jeu, tu fais un parallèle très rapidement.

Ça ne t’a pas perturbé plus que ça à l’échauffement ou au début de la rencontre ?Non, ça n’a duré que quelques secondes, ensuite, tu te remets dans ton match. Personnellement, je savais ce que c’était de jouer pour son pays, puisque je sortais d’une demi-finale de l’Euro espoirs. Je n’avais pas cette pression-là. Mais quand l’hymne national retentit, là tu réalises l’envergure du truc. Tu sais qu’il y a la France qui est devant sa télé et qui te regarde… Et là, c’est à toi de jouer. Tu n’es plus en espoirs avec ta bande de potes. Là, on parle d’une équipe qui a été championne du monde et de joueurs que tu as vus dans Les Yeux dans les Bleus et idolâtrés étant petit. C’est la crème du football français. Tu prends la température de tout ça et ensuite, tu plonges dedans.

Quand tu es sur le terrain, tu y penses encore au numéro que tu as dans le dos ?Plus du tout. Numéro 10 ou pas, il faut que tu sois bon, appliqué techniquement et que tu te montres ! Domenech m’avait déjà dit pendant toute la semaine : « Joue sur tes qualités, fais-toi plaisir et montre-nous, petit. » Et même si je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu, c’est ce que j’ai fait. Le but, c’est la cerise sur le gâteau.

Tu pourrais nous le raconter ce but ?Si je me souviens bien, je crois que Thierry (Henry) part sur le côté gauche, il passe à… (Il cherche) Il y a quelqu’un qui laisse passer le ballon, je crois. Je ne sais plus.

Toujours le même black-out émotionnel que tu avais évoqué après coup ?J’ai revu les images et je sais que quand je prends le ballon, mon contrôle est un peu long et je sais que je dois frapper. Mais après ça, dans ma tête, il ne se passe plus rien. Je ne sais pas comment ça rentre, si ça touche un défenseur… Et quand je me retourne, je vois juste que c’est rentré et que tout le monde vient vers moi pour me féliciter. C’est là que je réalise.

Cannes, Bordeaux, les Bleus, le 10, le but pour la première sélection… Il y a quand même un vrai parallèle à faire entre Zizou et toi.C’est vrai, mais je n’y ai d’ailleurs jamais pensé. Ce sont les médias qui ont trouvé ces similitudes et fait le rapprochement. Mais moi, je n’ai jamais eu la prétention de me comparer à un tel joueur ! Et puis si j’avais eu le numéro 18, on n’en aurait jamais autant parlé…

Pourquoi le 18 ? Tu dis ça au pif ?Non, c’est mon numéro fétiche, parce que je suis né le 1er août 1983. Je suis un peu superstitieux et quand je ne l’avais pas, je ne me sentais pas toujours très bien. (Sourire.)

En tant que sportif, je suis quelqu’un qui aime les choses accomplies, et pour moi, jouer 20 minutes avec les Bleus, ça reste anecdotique.

Tu disais que pour les jeunes, cette cape était anecdotique. C’est le cas pour toi aussi ?Pour ce que ma mère – qui était encore en vie, paix à son âme — a ressenti à ce moment-là, en sachant d’où je viens et les sacrifices qu’elle a dû faire tout au long de sa vie pour que je puisse réaliser mon rêve, non, ça ne peut pas être anecdotique. Tu joues pour ton pays quand même. À partir du moment où tu es entré en jeu, tu es international, c’est comme ça. Même avec ce goût d’inachevé, j’accepte ce statut. Je m’en rends compte en visitant la salle des internationaux du château (du Haillan), quand je rentre à Bordeaux. En fait, l’humain ne trouve pas ça anecdotique, mais le sportif, oui. Et en tant que sportif, j’aime les choses accomplies. Jouer 20 minutes avec les Bleus avant d’être rappelé une fois, mais laissé en tribunes (contre l’Italie en septembre, NDLR), ça reste anecdotique. Parlez-moi plutôt de mes plus de 100 matchs en Angleterre et en Ligue 1 ou de mon passage en espoirs : oui, ça, c’est accompli. C’est pour ça que, sportivement, je ne me considère pas réellement comme un international.

On l’appelle l’ovni

Qu’est-ce qui file le plus les chocottes ? Arriver au Real ou chez les Bleus ?Je vais vous répondre un truc qui sonne très arrogant en France, mais je suis très sûr de moi. Je doute très rarement. Évidemment, j’ai une légère angoisse entre le tunnel et le moment où je vais toucher mon premier ballon, mais une fois que c’est fait, cette angoisse disparaît. Et même si tu serres la main à des gens que tu admirais quand tu étais gamin, finalement, tu dois t’investir comme tous les autres. Quand on me demande comment est le vestiaire du Real, je réponds que c’est juste un vestiaire avec de la musique, des mecs qui dansent et qui rigolent, un vestiaire, quoi ! Mais bon, tu es au Real, donc c’est forcément un peu différent quand même.

Il y a une certaine exigence qu’on ne voit nulle part ailleurs…Oui, au Real, tu sens immédiatement l’envergure du club. En tant que joueur qui a connu le haut niveau et toute la logistique qui va avec, au Real c’est décuplé. On arrive dans un endroit où on ne pense qu’au football et une ville qui vous appartient. Que vous ayez le permis ou non, ça ne change pas grand-chose. (Clin d’œil.) Des gens sont là pour vous H24. Quand on entre dans le bureau dans lequel on signe le contrat, on sent tout le poids de l’histoire. Et cette salle des trophées… elle fait mal à la tête.

Faubert et l’Histoire

Tu as compris ce qu’il t’arrivait quand le Real t’a appelé pour la première fois en janvier 2009 ?Dans ces moments-là, tu n’as pas le temps de cogiter. Quand on a signé et qu’on m’a mis dans un avion pour Madrid, je n’ai pas eu le temps de comprendre. Ce qui marque, c’est l’après, quand tu te réveilles le lendemain et que tu te dis : « Ah, là, je vais aller m’entraîner avec Raúl, Van Nistelrooy et Guti. » On peut ajouter Salgado, Mahamadou Diarra et tous les Néerlandais. Jouer avec eux, c’est quelque chose.

Au Real, j’ai utilisé mes bases scolaires d’espagnol pour développer mon niveau, j’ai fait des blagues en italien avec Cannavaro.

Comment s’est passée ton intégration ?J’ai l’avantage d’apprendre les langues étrangères très rapidement. Je parle français, anglais, espagnol et je comprends l’italien, le portugais et le turc. Le finlandais, c’était trop compliqué parce que c’est une langue qui ne ressemble à aucune autre. En revanche, j’ai quelques petites notions d’indonésien. Mon objectif a toujours été de ne pas avoir de traducteur au sein d’un club. Au Real, j’ai utilisé mes bases scolaires d’espagnol pour développer mon niveau, j’ai fait des blagues en italien avec Cannavaro et, avec les Néerlandais, on se parlait en anglais.

Ces mêmes Néerlandais qui t’avaient éliminé en demi-finales du championnat d’Europe espoirs 2006 ?Oui, ça a été de sacrées retrouvailles ! Surtout avec Royston Drenthe qui était mon vis-à-vis pendant le match. C’est à cause de lui que je prends un carton rouge. Mais justement, comme on appartenait à la même génération, ça n’a rendu mon intégration dans le groupe que plus simple encore.

Sur le papier, tu es recruté en qualité de doublure d’Arjen Robben. Mais finalement, on connaît l’histoire, tu ne joues que 54 minutes.J’aurais aimé qu’on me donne plus de temps, mais le Real, c’est un club où tu n’as pas le temps. Avec le recul, je le comprends d’un point de vue sportif. Robben marchait sur l’eau à cette époque-là. On était loin derrière le Barça à la trêve et lui nous porte sur pas mal de matchs, jusqu’à ce qu’on revienne à deux points d’eux à la fin. Je le respecte et j’ai appris énormément malgré tout pendant mon passage là-bas.

Faubert et un sosie de Faubert

On a l’impression que je fais la sieste alors que pas du tout. Vous imaginez comme le gars doit être « fatigué » pour s’endormir alors qu’il est assis sur le banc du Real ? Soyons logiques !

Sergio Ramos a récemment sorti une anecdote selon laquelle, un jour, tu t’es endormi sur le banc de touche en plein match. Visiblement, tu les as marqués eux aussi… Ça me fait rire et ça ne me touche pas parce que je sais ce qui s’est vraiment passé et quel professionnel j’ai été tout au long de ma carrière. On a l’impression que je fais la sieste, alors que pas du tout. Vous imaginez comme le gars doit être « fatigué » – c’est le mot qu’on emploie ici dans le Sud pour parler d’un fou – pour s’endormir, alors qu’il est assis sur le banc du Real ? Soyons logiques ! Mais le responsable médias m’avait prévenu dès le début : il faut faire attention à tout parce qu’ici, le moindre geste est épié. Les journaux ont besoin de vendre du papier, il leur faut des histoires à raconter. Si tu fermes les yeux deux secondes, on va te prendre en photo et on dira que tu dors. Et c’est ce qui s’est passé pour moi.

Tu comprends qu’on puisse te chambrer sur le fait que tu n’as eu qu’une sélection avec les Bleus et que tu n’as joué que deux bouts de match avec le Real, alors que c’est peut-être le rêve de 99% des gens ?Déjà, je suis à 100% de réussite en équipe de France, donc tout va bien ! (Rires.) Plus sérieusement, je trouve qu’il faut se poser avec le regard d’un vrai connaisseur du football. L’équipe de France n’a jamais appelé un joueur par charité. Si on te convoque, c’est parce qu’on voit un potentiel en toi. Même chose au Real. Malgré leur puissance financière, ils ne vont pas investir plus d’un million dans un prêt payant juste pour le plaisir. Il y a une explication à tout. Par exemple, je sais pourquoi je n’ai pas été rappelé en équipe de France par la suite.

Pourquoi alors ?À cause de mon choix de partir à West Ham. Dans la logique de Domenech, je partais pour les gros salaires de la Premier League, mais sportivement, il l’a dit, ça allait être difficile de revoir les Bleus en étant dans un club du milieu de tableau et pas du Big 4. Mais bon, derrière il continue de prendre Pascal (Chimbonda) qui était à Wigan. Donc c’est un peu deux poids deux mesures.

Disons-le, j’ai fait le con moi aussi, notamment en boycottant l’entraînement à la reprise à Bordeaux. C’était irrespectueux de ma part vis-à-vis du club qui m’a tout donné.

Voir Laurent Blanc arriver sur le banc de Bordeaux n’a pas suffi à te retenir en Gironde ?Avec Jean-Louis Gasset, il a essayé de me faire rester, mais dans ma tête, les choses étaient claires : j’étais déjà parti. Et ça s’est fait de manière un peu houleuse. Disons-le, j’ai fait le con, moi aussi, notamment en boycottant l’entraînement à la reprise. C’était irrespectueux de ma part vis-à-vis du club qui m’a tout donné. Mais je trouvais que j’étais arrivé à la fin d’un cycle. Avec Ricardo – que je considère comme mon père spirituel -, j’avais fait le tour, vécu la Ligue des champions, gagné la Coupe de la Ligue et été appelé en équipe de France. Et puis l’Angleterre, c’était un rêve depuis les espoirs.

À West Ham, tu changes radicalement d’environnement.Sportivement, j’y ai passé mes plus belles années. Et personnellement, c’est là que j’ai été le plus épanoui. Mon jeu a toujours été basé sur la percussion et le contact. Et à West Ham, on aime ça. C’est un club de fatigués, mais c’est ça qui le rend génial. Certains supporters font enterrer leurs cendres dans les coins de la pelouse, ça vous situe le niveau. Je me souviens aussi d’un père de famille qui me demande une photo à la sortie d’un match et qui fait une drôle de tête. Je lui demande ce qui ne va pas et il me répond qu’il va renier son fils. Pourquoi ? Parce qu’il supporte Tottenham et ne reprendra donc pas son season ticket à West Ham. Pour lui, c’était un sacrilège. J’ai toujours une relation très forte avec les fans de là-bas. Quand j’ai perdu ma mère, c’était un jeudi, et le samedi, j’étais déjà sur le terrain. Dans ce pays, c’est le genre de chose qu’on n’oublie pas, c’est ce que j’apprécie. Je crois qu’ils n’oublieront pas non plus que je suis resté malgré la descente en Championship (en 2011, NDLR).

Il paraît que tu es féru de lecture. C’est vrai ?Oui ! Alors, qu’est-ce que j’ai lu récemment… En fiction, je me suis fait toute la saga Game of Thrones et sinon, Les Quatre Accords toltèques et Les Cinq Blessures, des bouquins de développement personnel. Ça m’aide à mieux me connaître, mais, comme je suis insomniaque, à mieux dormir aussi. Ah il y a eu Le Journal d’Anne Frank aussi, ça m’a beaucoup marqué.

Tu t’intéresses aussi à l’histoire ?En particulier à celle de la Seconde Guerre mondiale, j’ai été bercé avec ça. Toutes les séries que je regarde, ce sont des séries historiques, avec des coups d’épée et tout ! Ma femme n’en peut plus, mais j’aime l’histoire, j’aime savoir d’où on vient.

Quand on va en équipe de Martinique, on ne va pas en vacances, on représente quelque chose. Rien que le surnom, les Matininos, c’est une référence à l’esclavage.

Dans ton cas, tu sais d’où tu viens puisque tu as dix sélections avec la Martinique. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?C’est très important parce que, même si la Martinique appartient à la France, on reste quand même une colonie et on garde en nous une histoire qui est emplie de souffrance. Quand on va en équipe de Martinique, on ne va pas en vacances, on représente quelque chose. Rien que par le surnom, les Matininos, c’est une référence à l’esclavage. On a aussi un chant dans le groupe qui rappelle cette époque. Ça fait partie de nous, on garde une attache avec la terre où on a nos racines. Pour moi, c’était un choix du cœur. Je suis ce qu’on appelle un mulâtre, ma mère est blanche. Là-bas, j’ai parlé avec un sage qui m’a expliqué que le métissage rappelait un temps où les esclavagistes violaient des femmes africaines. Mais j’ai été accueilli à bras ouverts quand même. Et je dois dire que j’ai été hyper impressionné par l’ambiance sur place. Je pensais que j’allais jouer dans un stade à moitié vide, mais les tribunes étaient aussi pleines que lorsque l’équipe de France est venue jouer en Martinique (en 2005, contre le Costa Rica, NDLR). Les Martiniquais sont dingues de foot, ça parle ballon à tous les repas.

Pour ta famille, porter le maillot de la Martinique, c’était aussi important que celui de l’équipe de France ?Oui, surtout pour mon père qui vit au pays. J’y suis encore allé pendant les vacances de Noël et à chaque fois, on ne me parle que de ça : « Faubert, c’est un Matinino, un gars qui a joué pour nous. » C’est ce qu’on retient et ce qui fait ma réputation. Ça et le Real. Pas l’équipe de France.

Avec ton petit parcours de globe-trotter, on a finalement le sentiment que tu as eu deux carrières.Il y a un peu de ça, c’est vrai. C’est une prise de conscience que j’ai eue quand je sentais que mon parcours de joueur approchait de la fin. Je voulais me servir de mes capacités et de mon métier pour apprendre quelque chose de nouveau, découvrir des cultures différentes. En Écosse, j’ai pu emmener mes enfants visiter des châteaux, à Glasgow et Aberdeen. En Indonésie, on a visité des temples bouddhistes. J’ai signé là-bas parce que l’Asie m’attirait et que je voulais voir ce pays où plusieurs religions arrivent bien à cohabiter. J’ai connu un brassage entre chrétiens, bouddhistes et musulmans, où on fait le ramadan tous ensemble et où on joue au foot tous ensemble. Ça reflète ce que devrait être le monde. Finalement, ça a été une expérience extraordinaire, pour moi comme pour mes enfants. Parfois, ils jouaient au ballon pieds nus avec des petits Indonésiens sous une pluie battante, ce sont des souvenirs qui restent toute la vie.

Qu’est-ce qui reste de tes étapes successives finalement ?Ça peut être un passage, ça peut être un trophée. Les petits que j’entraîne, c’est ça qu’ils regardent. Ils s’en foutent de savoir combien de temps j’ai joué au Real ou chez les Bleus. J’ai vécu de l’intérieur ce qu’ils rêvent de toucher un jour. C’est un peu l’héritage que j’essaie de transmettre à mes fils en espérant qu’ils soient fiers de moi. C’est ma richesse et ma fierté.

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Propos recueillis par Julien Duez et Mathieu Rollinger, à Saint-Raphaël

Photos : MR // Iconsport.

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