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Juary, l’autre héros de 1987

Par William Pereira
Juary, l’autre héros de 1987

Si la finale de Vienne 1987 est souvent présentée comme celle de Madjer, un autre homme aurait mérité d'être couronné de lauriers ce soir-là. Juary. Entré à la mi-temps d'un match très mal embarqué, le Brésilien a, comme le grand Rabah, marqué un but et délivré une passe décisive. Retour sur un joueur qui a reçu une leçon de vie de la part de Pelé et marqué l'histoire de Santos avant de débarquer en Europe.

Il n’y en aura toujours qu’un seul. Que Porto se qualifie ou que le Bayern renverse la vapeur mardi soir, peu importe, l’affrontement référence entre ces deux clubs historiques restera celui de Vienne, en 1987. Parce que le Bayern était une machine de guerre. Parce que Porto, pourtant tombeur de Brøndby et du grand Dynamo Kiev, n’avait aucune chance de gagner, et surtout parce que Madjer. L’Algérien n’a pas simplement gagné le privilège de donner son nom à un geste technique en marquant du talon, il a aussi transcendé la finale de la plus prestigieuse compétition de clubs. Le Porto-Bayern de 1987 est avant tout le match de Madjer, auteur d’un but et d’une passe décisive, soit autant que son coéquipier Juary ce jour-là. Sans le Brésilien, le numéro 8 portista n’aurait pas été grand-chose ce soir-là. Pourtant, quand il est question d’évoquer ce match historique, peu de gens – hors Portugal, Brésil et dans une moindre mesure Italie – se souviennent de l’attaquant formé à Santos, son mètre 67 et sa vitesse folle. Tout ça à cause d’une talonnade. Si le grand Rabah avait daigné inscrire un but banal, les éloges auraient sans doute été partagés. C’est là toute la cruauté du football.

Le « Speedy Gonzalez du Brésil »

Avant l’entrée du petit Brésilien, les hommes d’Artur Jorge sont dépassés par l’enjeu. Trop respectueux, trop craintifs, ils jouent trop bas pour espérer surprendre et rentrent logiquement aux vestiaires avec un but de retard. Le futur entraîneur du Paris Saint-Germain enlève sa veste et sort son plus beau speech du placard. Il faut être plus ambitieux, moins complexé, et surtout plus fou. Pour faire passer le message, la plus belle moustache du football portugais fait entrer son joker, Juary. L’homme qui n’entrait que pour gagner est soulagé. Chopé par Octávio Machado (un des adjoints d’Artur Jorge) en train de se diriger vers le bar de l’hôtel dans lequel se trouvait l’équipe la veille, il craignait que celui-ci n’en informe le boss qui l’aurait sans doute privé de finale.

Heureusement pour l’attaquant, Machado, réputé pour être « la police de Jorge » , choisit étrangement de se taire. Bien lui en prend, car Juary sera le détonateur. Ses courses de 50 mètres sans ballon épuisent les défenseurs, et ses rushs balle au pied fond beaucoup de mal à Hans Pfügler et Norbert Eder, ridiculisés à plusieurs reprises par le feu follet azul e branco qui n’a pas volé le surnom de Speedy Gonzalez brésilien. À force de courir dans tous les sens, le marquage adverse se fait moins rigoureux, et, après avoir parfaitement combiné avec Frasco, ce dernier le trouve dans la surface entre deux défenseurs bavarois. D’un geste aussi rapide que malin, le Brésilien élimine Jean-Marie Pfaff d’une subtile passe (certes légèrement déviée par Pfügler) qui atterrit dans les pieds du roi Madjer. La suite, on la connaît.

Entrée illégale et coup de génie

Ce que l’histoire oublie aussi de raconter, c’est que Juary jouait avec une cheville endolorie. Si la finale de Vienne avait lieu en 2015, nul doute qu’il aurait assisté à la finale depuis les tribunes. Mais Artur Jorge voulait absolument qu’il joue au moins 30 minutes, « c’est suffisant pour que Juary fasse la différence » , disait-il aux médecins du club. S’il avait tort sur ce point – la passe décisive pour Madjer intervient 32 minutes après son entrée -, le technicien lusitanien a bien fait de pousser son joker à travailler la réception de centres au second poteau les jours précédant la finale. C’est d’ailleurs la seule chose que lui permettait de faire une cheville encore vacillante à l’entraînement, mais ô combien solide face au but de Pfaff, impuissant devant la reprise du plat du pied de son bourreau. Grand modeste qu’il est, Juary racontait, à la veille de la finale de 2004 contre Monaco, que le deuxième but victorieux de 87 était le fruit « d’une action intelligente qui commence sur le bord du terrain avec Rodolfo Moura qui pousse Madjer sur le terrain sans demander l’autorisation à l’arbitre, peu de temps après lui avoir prodigué des soins » . Trop occupé à rattraper son retard sur le jeu, l’arbitre belge ne se rend compte de rien, et le coup de poker se transforme en but. Juary s’en va vers le poteau de corner avant de lever les bras au ciel et de remercier le bon Dieu pour ce second titre majeur, lui qui avait déjà laissé son empreinte sur le littoral brésilien une dizaine d’années plus tôt.

Successeur de Pelé

Résumer la carrière de l’un des deux héros de Vienne à son passage par le FC Porto serait réducteur. Passé par le football italien avant d’atterrir au Portugal, Juary a laissé une bonne image de lui à l’Inter, même s’il n’est pas entré dans la légende du club comme ça a pu être le cas du côté de Santos, où même un gamin comme Neymar a entendu parler des exploits du bourreau du São Paulo FC contre qui il avait la fâcheuse habitude de planter. En 2012, à l’époque où il portait encore les couleurs du Peixe, l’actuel attaquant du Barça surprend beaucoup de monde en fêtant son 101e but en club en tournant bizarrement autour du poteau de corner. Une vieille habitude qu’avait prise Juary, auteur de… 101 pions avec le maillot de Santos, à chaque but inscrit. « Je donnerais beaucoup pour pouvoir jouer à tes côtés » , ajoutera Neymar en interview post-match. Le Speedy Gonzalez brésilien était, comme Madjer a pu l’être à Porto, l’incarnation d’une génération victorieuse. Plus que le meilleur buteur de Santos, Juary était le visage de la première bonne cuvée du club depuis le départ de Pelé aux États-Unis, celle-là même qui remportera le championnat paulista en 1978.

Mais avant tout ça, avant le championnat de la région de São Paulo, avant l’Italie, avant Porto, le petit buteur a la chance de côtoyer Pelé. « J’avais 14 ans, et ma famille me manquait. Je déprimais, je pleurais dans mon coin et c’est là que Pelé est venu me voir. Il m’a dit :« Viens, on va faire un tour », et m’a emmené dans un orphelinat. Tous les enfants étaient heureux de le voir, mais j’ai compris ce qu’il voulait me montrer. À la fin, il est venu me demander si j’avais des raisons de me plaindre. Je lui ai répondu que non et il m’a dit :« Alors remercie Dieu et va de l’avant » » , racontait l’ancien Portista dans la presse brésilienne il y a trois ans. Juary boit les paroles prophétiques et trace un chemin qui croisera à nouveau celui de Pelé à l’occasion du jubilé du roi en partance pour les Cosmos de New-York. Impressionné, le jeune Santista, alors âgé de 18 ans, aura quand même le culot de réprimander le roi sur une passe jugée trop tardive. « Je suis fier d’avoir pu jouer à ses côtés, comme je suis fier d’avoir affronté Maradona et Van Basten… mais ma plus grande fierté restera toujours d’avoir fait partie de la plus belle génération du FC Porto. » Et tant pis pour Edson, Diego Armando et Marco.

Par William Pereira

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