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« Je voulais être électricien »

Propos recueillis par Guillaume Vénétitay
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Actuel meilleur buteur de Ligue 2, Faneva Andriatsima (trente-deux ans), attaquant malgache de Sochaux qui joue à Auxerre ce vendredi soir, raconte tout, de son arrivée tardive en France à sa volonté de se reconvertir en chauffeur VTC.

Le football est-il populaire à Madagascar ?Oui, le foot est un sport très populaire, mais mal encadré. Je veux dire qu’il n’y a pas de structures pour les jeunes. De douze à seize ans, tu n’auras pas d’encadrement. À cet âge, je jouais au foot au quartier. J’ai grandi dans un quartier d’Antananarivo où il y avait beaucoup de terrains vagues. Tu sais, il n’y a pas de but, mais tu prends deux ou trois briques et c’est bon. Enfin si, il y avait un terrain, en terre rouge, mais quand tu es petit, tu ne peux pas, c’est trop grand.

Tu jouais déjà attaquant à l’époque ?J’aimais bien être défenseur. J’avais le numéro 5, j’aime bien ce numéro, je ne sais pas pourquoi. Ma mère avait mis un petit numéro 5 sur mon short. Comme j’étais le plus grand, c’était peut-­être plus facile en défense. Mais je ne pensais pas qu’un jour, j’allais être attaquant. J’aimais bien jouer de la tête déjà. Et j’aimais faire les retournés, les saltos, tout ça. Au pays, tous les gamins font des saltos.

Tu voulais être footballeur professionnel quand tu étais enfant ?Quand j’étais petit, je voulais être électricien. J’ai d’ailleurs eu mon bac électrotechnique en 2001. Je ne pensais pas être footballeur professionnel. J’ai commencé à seize ans à faire du foot avec l’école.

Ça consiste en quoi le foot à l’école à Madagascar ?On avait entraînement le mercredi après-midi, car on n’avait pas école, et puis match le samedi. Mais parfois, comme j’étais dans un lycée technique, on avait cours toute la journée du mercredi. J’étais dans un petit établissement privé. Mes parents ont fait des efforts, on était quatre enfants et ils ont dépensé de l’argent. Si je n’allais pas en cours pour jouer au foot, un courrier était directement envoyé à la maison, et ça, c’était pas bon !

Tu as dit que tes parents ont fait des efforts pour vous payer une éducation privée. Qu’est-ce qu’ils faisaient dans la vie ?Ma mère, elle est restée au foyer. Elle faisait aussi un peu d’épicerie de quartier. Et mon père était transitaire à l’aéroport. On était quatre enfants. On n’était pas riches, mais pas très très pauvres non plus : on vivait à la limite de la pauvreté. Mais nos parents pouvaient quand même payer notre scolarité dans un établissement privé. J’étais dans un établissement catholique, bien structuré avec beaucoup de discipline : dès qu’on arrivait le matin, c’était la prière. Il y avait la messe tous les vendredis. Ma famille est protestante, mais c’était un peu pareil pour moi. Disons que même s’il y a des façons différentes de faire la messe, ça allait dans la même direction.

C’est donc en jouant au foot avec ton lycée que tu as été repéré ?Oui, car à l’époque, à part ces compétitions scolaires, il n’y avait rien. On a fait une sélection des jeunes en filière technique contre ceux qui étaient en filière générale. Il y a eu un match de gala avant une rencontre de championnat. Et deux mois après, j’étais avec les U17 malgaches pour une compétition en Afrique du Sud ! Ils ont vu que j’étais un peu grand, ils ont voulu me prendre ! Quand j’ai dit à mon père que j’allais partir pour l’Afrique du Sud, il m’a dit « Comment ça ? » Dans ma tête, c’est à ce moment­-là que je me dis que je pourrais aller jouer en pro un jour à la Réunion. Il y a des joueurs malgaches qui avaient joué là­-bas, comme Arsène Malabar (Hervé Arsène, surnommé Malabar, ndlr).

Sans structure, tu t’entraînes tout seul, tu vas courir le matin à 6 h. C’est une habitude pour tous les sportifs malgaches.

Comment tu t’entraînes ensuite ?Au début, sans structure, tu t’entraînes tout seul, tu vas courir le matin à 6 h. C’est une habitude pour tous les sportifs malgaches, vu qu’il fait très chaud la journée. Je rajoutais des montées d’escaliers dans les tribunes du stade. Après cette sélection, je suis parti dans un petit club, l’AS Saint-­Michel, lié à un établissement catholique. Là-­bas, la pelouse était nickel, car c’est le prêtre qui s’occupait du terrain.

Comment intègres-tu les premières divisions ?Le coach des U17 nationaux voulait garder le noyau des mecs de Tana (Antananarivo, capitale de Madagascar, ndlr) pour quatre ou cinq ans. Au bout de six mois, il a créé un club, le Tana FC. On avait quand même une bonne équipe, et cette génération-­là pouvait être une base pour la sélection du futur. Dans ce club, nous, on était la première promotion. On a commencé l’entraînement quotidien avec un bon coach, un vrai encadrement de foot. Je suis resté deux ans. Puis, je suis allé jouer à l’île Maurice, à Flacq, mais au bout de deux mois, je suis rentré.

Pourquoi ?Je ne gagnais même pas 100 euros par mois. Peut-­être 500­-600 euros l’année. Avec ça, je ne fais rien du tout, même si c’est beaucoup quand on a dix-huit ans. Je pouvais gagner plus en tant qu’électricien en intégrant un grand groupe. J’ai pris le salaire du mois de septembre et je suis parti. Je n’ai appelé mes parents qu’en arrivant à l’aéroport. Tout le monde était surpris. Ma mère m’a dit : « Pourquoi tu n’es pas resté ? Il faut souffrir pour réussir. » Mes parents m’ont dit de retourner à l’école et de finir mon BTS. Mais dans ma tête, je reviens pour aller dans un grand club, tout casser et partir ensuite à la Réunion. À l’époque, c’est là-bas que je voulais faire carrière.

Mais tu ne gagnes pas plus en revenant à Tana ?Non, ce n’est pas pro. Au bout d’un an, je pars à l’USCAF, avec notre coach du Tana FC. À l’époque, ils font la Coupe des clubs champions. Je n’ai pas plus de 500 euros par an là aussi. Mais je suis à Madagascar, à côté de ma famille, dans un club qui joue une compétition continentale. Pour le premier match contre un club de Tanzanie, tout le monde est là et on joue devant au moins 35 000 personnes !

Vu que je touche environ 40 euros par mois, j’achète un peu de bouffe, des petits trucs à droite à gauche. Des baskets, des vêtements… Mais parfois, je demandais des petits frais à mes parents, car 40 euros, ça ne te couvre rien.

Tu retournes vivre chez tes parents ?Oui, vu que je touche environ 40 euros par mois, j’achète un peu de bouffe, des petits trucs à droite à gauche. Des baskets, des vêtements… Mais parfois, je demandais des petits frais à mes parents, car 40 euros, ça ne te couvre rien. On s’entraînait loin de chez moi, et je devais payer l’autocar. Et quand parfois, tu as deux entraînements par jour et que tu dois payer l’aller­-retour… Ma mère me disait tout le temps : « Tu vois, tu ne gagnes rien du tout, tu n’as même pas acheté une table à la maison. Il vaut mieux que tu retournes à l’école. » Mon père me poussait à aller plus loin, mais il me rappelait aussi que j’avais déjà vingt-deux ans.

À quel moment es-tu repéré pour aller en France ?La deuxième année, avec l’USCAF, pour la Coupe des clubs champions, on a joué au second tour contre Saint­-Joseph-de-la-Réunion. On gagne 2­-1 là­-bas, puis 3­-1 chez nous. L’entraîneur de Saint­-Joseph, Hosman Gangate, m’a parlé à la fin du match. C’est lui qui a ramené Payet. Il me dit qu’il veut me recruter et m’amener en France. Je me suis dit qu’il était fou. Il va me ramener à Nantes comment ? Mais je me disais que j’allais au moins jouer à Saint-­Joseph, à la Réunion. J’avais gagné mon pari.

Donc, fin 2006, tu as le choix entre aller faire un essai à Nantes ou signer un contrat pro à la Réunion ?Oui, et j’ai hésité. J’ai des contacts avec quatre ou cinq clubs réunionnais en plus de Saint­-Joseph. Si je choisis la Réunion, je prends mon premier salaire en décembre 2006. C’est 1200-­1300 euros, c’est important pour moi. Et si je vais à Nantes, c’est un essai de deux semaines et au mieux un contrat en mars. À la maison, j’avais l’invitation du FC Nantes et mon contrat fédéral pour aller à la Réunion. Jusqu’au dernier moment où j’ai déposé le visa pour la métropole, j’ai réfléchi. Et puis j’ai décidé de ne pas avoir de regrets et de faire l’essai à Nantes. Je savais que je laissais quasiment 5000 euros sur quatre mois, mais au moins, je voyais le monde pro.

C’est quoi tes premières impressions en arrivant en France ?Je me suis perdu en faisant escale à Roissy. J’ai raté le vol Paris-Nantes. Quand j’ai trouvé le terminal, l’avion était déjà parti. J’ai pris un vol trois heures plus tard. J’ai eu un peu peur que personne ne m’attende à Nantes. Heureusement, le mec du centre de formation était là.

Comment se passent les premiers jours à Nantes ?Au pays, je me couchais à 20 h et je me levais à 6 h. Là, le gars du centre m’avait dit qu’il y avait un petit­-déjeuner. Donc, j’y vais à 6 h, mais il n’y a personne ! Je me dis que c’est bizarre. J’ai attendu. À 7 h 30, je commence à entendre du bruit dans le couloir. J’étais au centre de formation, donc les petits se préparaient pour aller à l’école. Puis, j’ai regardé autour de moi, il n’y avait que des gamins. J’avais vingt-trois ans, j’étais le plus vieux avec la CFA. Mais les jeunes, ils sont tous costauds, même s’ils ont seize, dix-sept ans. Après, en venant de l’extérieur, j’avais faim. J’ai tout donné. Et je crois qu’il n’y a que moi qui ai prolongé et signé pro dans ma génération. Durant l’essai, j’ai croisé Barthez, et Dimitri Payet m’a offert une paire de chaussures. J’étais tout content.

Tu signes pro et tu enchaînes plusieurs clubs (Cannes, Boulogne, Amiens, Beauvais) avant de passer un cap à Créteil (2012 à ­2016), avec au moins 10 buts chaque saison. Comment as­-tu eu ce déclic ?Il y a plusieurs choses. Avec Beauvais, on sortait d’une saison bizarre, et on descend en CFA. Je me retrouve sans club et mon téléphone ne sonne pas. Je suis sans club, ma femme et mon fils m’ont rejoint, j’ai une famille à nourrir, je dois bosser pour eux, j’ai plus de responsabilités… Et puis Créteil arrive. J’ai aussitôt senti qu’il se passait quelque chose. Alors que je n’étais qu’à l’essai, j’étais déjà très bien avec les autres joueurs comme Jean­-Michel Lesage. Au bout de trois semaines, ils m’ont fait signer pour un an. Et pour le premier match, je mets deux buts. C’est parti comme ça.

On localisait le marché de voitures en Allemagne, le plus près de la frontière. On choisissait deux­ ou trois camions et on les envoyait à Mada, via ma sœur. On partageait les bénéfices.

Dans une interview au Monde Afrique, tu disais arrondir tes fins de mois en revendant des minibus à Madagascar…
Oui, parce qu’en National, tu ne gagnes pas beaucoup. Enfin moins qu’avant, et je suis devenu imposable. Ce n’était pas forcément facile. On a fait ça trois fois. Après un match le vendredi, on partait avec deux ou trois copains, on dormait quelque part. Et on localisait le marché de voitures en Allemagne, le plus près de la frontière. On choisissait deux­-trois camions et on les envoyait à Mada, via ma sœur. On partageait les bénéfices, moi ça me faisait un peu de liquide de côté.

Tu envoies de l’argent régulièrement à ta famille ?Ils ne me demandent pas tout le temps de l’argent. Ils n’osent pas me demander. Mais bon, tu sais, c’est difficile là-­bas. J’envoie de l’argent quand il y en a besoin, quand par exemple, quelqu’un est malade.

Tu sais ce que tu veux faire après le foot ?Je suis en train de réfléchir parce que je n’ai plus beaucoup de temps-là, j’ai trente-deux ans ! J’ai deux ou trois idées. Pourquoi pas une reconversion dans un club, mais pas en tant qu’entraîneur. Il me faut un truc simple, qui fasse vivre ma famille. J’aime bien par exemple les VTC.

Pour finir, Madagascar a terminé dernier de son groupe de qualifications pour la CAN 2017. Comment améliorer le foot malgache ?On a besoin d’un coach étranger pour moderniser le foot. Par exemple, le coach d’Yzeure, Nicolas Dupuis, il est venu, il aime bien le pays. On s’appelle de temps en temps. J’espère qu’il va avoir une opportunité pour aider l’équipe. Il faut aussi amener plus de joueurs en Europe.

Propos recueillis par Guillaume Vénétitay

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