In the City
Le Nancy anglais s'appelle Manchester City, ça rime mais ça n'a rien à voir. A la stabilité et au sympa Correa, City répond recrutement de nouveau riche et réhabilitation du paria Eriksson. Reste à savoir si dans un mois City terminera comme un roadie des quatre gros parmi d'autres ou s'affirmera comme le 5ème Beatles de la Premier League (conf(r)ère Chérif Ghemmour).
Sale été qui nous tacle la même semaine Lee Hazlewood (plus grand moustachu de l’histoire hors footballeurs portugais), et Tony Wilson, génial créateur du label Factory. Avec lui, c’est une certaine idée d’un Manchester rebelle et dandy qui se casse la pipe. On prête souvent à Wilson cette fulgurance tirée de L’Homme Qui Tua Liberty Valance , film réalisé par John Ford : « Que dois-je imprimer, alors, la vérité ou la légende ? La légende bien sûr » . Ces dernières décennies, City a préféré imprimer sa légende d’outsider plutôt que de chercher à changer la vérité.
A United les titres, l’international et Simply Red. A City la légitimité du sans-grade, Manchester et Oasis. Le grand avantage de la légende revient à présenter les choses plus simplement et à son avantage. Tant pis si une étude de l’université de Manchester en 2002 démonte le mythe de Manchester United, club étranger aux Mancuniens, tant pis si en dehors de cette buse de Simply Red, les immenses Morrissey et Bernard Summer de New Order préfèrent eux aussi le rouge au bleu. City s’obstinait à cabotiner dans le rôle du perdant sympa. En 25 ans, le club obtient sa seule qualification européenne par le classement du fair-play et végétera même en troisième division devant 32 000 masos de moyenne venus voir pousser la pelouse insinueront les gâtés de United.
Sauf que cette saison, City a décidé de changer d’imprimeur avec son rachat par le sulfureux milliardaire et ex-Premier Ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra, Thaksinator pour les intimes. Au repreneur controversé, le club ajoute le manager mal-aimé avec l’arrivée de Sven Goran Erikson, pas décidé à quitter Albion et ses salaires XXL.
Manchester City fait une bonne caricature du football anglais actuel. Le club crame son argent de poche tout frais, comme une adolescente à qui on aurait donné carte blanche pour dévaliser le H&M du coin. Un shopping estival de 50 millions d’euros avec dans le panier : Elano, Bojinov, Petrov ou Bianchi le buteur de la Regina, tous venus compléter un effectif de football américain au sein duquel se croisent 16 nationalités. A côté, Chelsea c’est presque Bilbao.
L’agitation du mercato d’été et le départ de Joey Barton visiblement bien digérés, Manchester City s’installe en tête : trois matchs, trois victoires et aucun but encaissé. Malgré les torrents de critiques reçus sur la gueule comme sélectionneur, Erikson reste un entraîneur de club efficace, si on veut bien se souvenir de ses résultats avec Göteborg, la Lazio ou encore Benfica. Et puis, il succède à Kevin Keegan et Stuart “Psycho” Pierce, deux ex-grands joueurs pour rester poli.
Avec le hold-up du week-end dernier face à Manchester United (une frappe cadrée = un but, on dirait du FC Metz avec le but), le Suédois a cloué le bec rougeau de Ferguson qui a la question : « Que pensez-vous de l’arrivée d’Erikson à City ? » , a répondu par un cinglant : « Et bien quoi, c’est juste un autre manager à City » ! Bien regroupé, le City d’Eriksson s’annonce comme l’une des équipes les plus pénibles à voir et à affronter. Un Bolton bis en quelque sorte.
Au sein de cette défense hermétique, la presse anglaise nous monte déjà en sauce deux gamins. Le premier a un nom qui sonne pour son poste et un prénom moins évident à porter. Kasper Schmeichel, 21 ans, fils de Peter le Red (venu échouer en pré-retraite à Maine Road), n’a pas hérité de la taille du papa, mais pour le jeu sur la ligne, pas besoin de test ADN. Le pauvre Isaksson peut commencer à se couvrir pour passer l’hiver sur le banc. Le second, Micah Richards, 19 ans et déjà international anglais, s’affirme déjà comme le patron de la défense, que ce soit comme latéral ou axial. Après la partie, même Erikson a participé à l’emphase générale. « Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais eu sous mon autorité un défenseur aussi puissant et rapide. Il remporte tous les duels dans les airs et peut prendre en charge n’importe quel avant-centre adverse, s’il commet une erreur, il peut la rattraper grâce à sa vitesse » .
Forcément, l’idée de voir les Citizens chatouiller le Gang of Four (MU, Chelsea, Arsenal, Liverpool), commence à se propager. Toutefois, en perdant son volcanique Bulgare Valeri Bojinov pour six mois, la gueule de bois était méchante au réveil et la perte sévère. Avec des Corradi, Samaras, Vassel ou Emile Mpenza, Eriksson n’est pas en manque de remplaçants, ce qui ne l’empêche de demander le rapatriement d’Anelka depuis sa planque de Bolton. Les arguments de Thaksinator risquent d’être plus convaincants que ceux de Jean-Michel Aulas. Jouer la Champions League ? Soyons sérieux.
Avec le prochain déplacement à Arsenal, on demandera confirmation du miracle Eriksson. Geovanni ne trouvera pas la lucarne sur sa seule action du match tous les jours. L’an dernier à la même époque, Portsmouth jouait aussi les fiers à bras en haut du tableau, avant de gentiment rentrer à la niche. Le dernier titre de City remonte à 1968. Peut-être est-il encore trop tôt pour vouloir en finir avec 68 ?
Alexandre Pedro
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