Grosso en hauteur
Vendre Eric Abidal, acheter Fabio Grosso et se payer le luxe de récupérer 8 millions d'euros dans la musette, le voilà le gros coup du mercato. Merci qui ? Merci Lacombe.
On pourra toujours s’en moquer, mais au moins l’astronomique tarin de Bernard Lacombe lui permet-il de flairer les coups fumants comme personne d’autre en Europe. Car il ne faut pas s’y tromper : refourguer Eric Abidal pour 15 millions d’euros au FC Barcelone et récupérer en échange Fabio Grosso de l’Inter pour 7 millions, c’est ce qui s’appelle une idée de génie. Là où le terrestre Alain Perrin se serait contenté de Sylvain Armand, brave soldat du PSG, pour repousser les timides attaques des ailiers droits de L1, Lacombe dégaine l’air de rien le héros de la dernière coupe du monde, pas cher, motivé, et souriant. Lorsqu’il le présente à la presse, c’est le 9 juillet 2007, soit un an jour pour jour après son tir au but décisif face aux Bleus. Les deux hommes se marrent. A croire que tout était pensé depuis longtemps.
Les avantages offerts par Grosso ? Il n’y a qu’à se servir. Primo, le physique. On le sait, Bernard Lacombe nourrit une fixette pour les joueurs de carrure NBA. Cris, Carew, Malouda, Abidal ont été recrutés sur ce postulat. Grosso, c’est le niveau encore au-dessus. Pour 8 millions de moins qu’Abidal, Grosso affiche 10 cm de plus. Dans l’esprit du Raspoutine de l’Olympique Lyonnais, c’est très précisément l’écart qui sépare son club d’un quart d’une demie de Ligue des Champions.
Ensuite, il y a la tactique. Plutôt que de recruter un joueur pour remplacer Abidal et un autre pour remplacer Malouda, Lacombe fait d’une pierre deux coups, et choisit l’un des rares latéraux du moment à pouvoir évoluer défenseur ou milieu, selon les besoins de l’équipe. Grosso, il suffit de lui dire, il s’exécute. C’est quand même mieux qu’un Belhadj, dont personne ne connaît ni le niveau, ni le poste. Et enfin, il y a le fantasme. Un bon conseiller pense toujours à l’ego de son chef. Or, avec un mec de Série A, italien, champion du monde de surcroît dans son effectif, Lacombe sait très bien qu’il offre à Jean-Michel Aulas une occasion de plus de crâner au G 14. Certes, cela va être pénible à entendre, mais il faut reconnaître la beauté de la manœuvre.
Alors bien sûr, on se demande : que vient foutre Grosso de ce côté-ci des Alpes ? Mais en vérité, on voit bien où le joueur veut en venir. A 29 ans passés, signer un contrat de 4 ans en France est un placement financier de bon père de famille : les Français payent à l’heure, respectent le droit du travail, et pensent même à défiscaliser les heures sup’. En plus, à Lyon, Grosso sera à moins de deux heures de voiture du pays. Dans la perspective de l’Euro 2008, c’est également plutôt malin. Pendant que ses concurrents (Cassetti, Zambrotta, Tonetto…) s’époumonent dans des clubs concurrentiels, lui est quasiment assuré de jouer tous les matches, de faire le beau en Ligue des Champions et de prendre de la confiance en championnat national – 10 euros sur un septième titre dès la trêve, s’adresser à la rédaction pour les paris. Reste une faille de taille dans le système Lacombe : comment un type habitué à San Siro peut-il réagir à une mise au vert à Lorient ? Hein ?
Stéphane Régy
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