Gordon : « Laurent Garnier, c’est Farid Mondragón »

En fait, je viens de Hénin-Beaumont, je sais pas si t’as le plaisir de connaître cette ville, c’est à côté de Lens. Donc forcément, j’ai grandi avec le RC Lens, époque Tony Vairelles et Guillaume Warmuz, tu vois. À cette époque, c’était ultra présent, les mecs, c’étaient un peu mes héros. C’est drôle parce que même à l’école, le maillot du RC Lens t’apprenait des choses, par exemple que le Pas-de-Calais avait été envahi par l’Espagne, c’est de là que vient le Sang et Or. Et en 98, c’était l’apogée : Lens champion de France, la Coupe du monde… Je me souviens d’un Jamaïque-Croatie, t’avais des Croates et des Jamaïcains à Lens, le truc improbable.

Clairement, et je pense que ça l’a un peu déprimé. Regarde, il fait du slam maintenant. Ç’aurait pu être un bon ambianceur pour le groupe : on voit comme il aime aller en boîte de nuit, et s’éclater en boîte de nuit, et éclater des gens en boîte de nuit (rires). C’est un grand fêtard, le Tony Vairelles ! Il doit être du genre à écouter Kaaris… ah non, non, Seth Guecko, le gitan !

J’étais jeune à l’époque ! Bon, j’écoutais les Daft Punk, normal. Après, des trucs de merde, je sais pas, Tryo… Mais tu le dis pas ça hein, faut que je garde une street credibility (rires) !

Non. En revanche je me souviens de la Coupe du monde avec le coup de boule de Zidane, en 2006. J’étais allé voir Erykah Badu à Bruges, et à la fin quand ils ont annoncé ça, les gens ont applaudi, on était les seuls cons dégoûtés, tout le monde était super content que la France perde, les ordures. Mais jouer, non. On pourrait mettre le match en visuel, mais je crois que le public serait un peu déconcentré. L’intérêt du visuel, c’est d’appuyer la musique, là du coup l’expérience serait un peu trop sur les visuels. Ou alors t’adaptes la musique sur le match. Mais en live c’est chaud, tu dois jouer, regarder, anticiper… Non, ou alors des extraits. Un truc hardcore sur le coup de tête de Zidane justement. Un truc acid-techno tu vois, un peu violent, genre Public Energy, c’est un Hollandais, tu mets la chanson Three O’ Three, ça tape (rires).

Ben de la pop, un truc que tout le monde écoute. Ou en musique électronique, tu prends Shamir tiens, un morceau qui vient de sortir, ça s’appelle Call It Off. C’est rassembleur, festif, un truc dancefloor que tout le monde va aimer. Bon, en revanche, les footballeurs, je sais pas s’ils seraient de très très bons DJs, ils écoutent parfois un peu de la merde. Les playlists Spotify des gars en 2014, c’était affligeant. J’ai pas le souvenir d’avoir rien vu à sauver. Peut-être un mec… Attends, je vais voir. Si, Olivier Giroud… ah non, pas terrible. David Guetta, Indochine, pfff… Allez, Loïc Rémy, y a Pharell, respect. Enfin peut-être pas quand même. En revanche, Benzema, c’est pas possible. Le mec, il met Booba, Dido et Céline Dion quoi !

Tu veux dire, musicalement ? (rires) Ouais ça va, le mec écoute Radiohead, MGMT, Metronomy… Au moins il est pas en mode Céline Dion et Génération 80. Celui qui ferait un bon DJ, j’ai entendu une émission sur lui récemment, c’est Paul Gascoigne. D’abord parce qu’il est anglais et que je suis hyper influencé par leur musique. Puis il a un côté punk. Mais je crois qu’il a été un peu abîmé par la fête… Quant à Agoria, pour le coup, lui, c’était un vrai fan de foot, à fond derrière l’OL. Je sais pas s’il a déjà fait un truc pour eux. Ils pourraient mettre Europa pour l’entrée des joueurs à Gerland, ce serait bien ça, ça leur donnerait envie.

(rires) Just Can’t Get Enough de Depeche Mode pour les buts au Parc des Sports d’Annecy, c’est parfait ! The Glitch Mob à Lille ? Putain, c’est dingue. Même Blur pour les buts, ils ont du goût. M83 à Gerland, pas mal aussi. Le PSG en revanche, c’est chaud : Phil Collins et Barbara Streisand, ça craint.

Alors… Bon, je te fais une équipe de 7. En gardien, je mets Laurent Garnier. Le mec, il est toujours là, quoi qu’il arrive, c’est un peu le garant de la techno en France. C’est le papa quoi, le Mondragón de la techno, tu vois. En défenseur, je mets Luke Vibert. Il a signé sur tous les plus grands labels, Ninja Tune, Warp, Mo’ Wax, et il est toujours resté super stable. Pareil, en live ou en DJ set, il bouge pas alors qu’il envoie du lourd. La sérénité absolue, regarde sa Boiler Room, tu comprendras. En milieu défensif, Seth Troxler. C’est un gars complètement fou, il hésite pas à balancer sur tout le monde, même dans les interviews. Il y a pas longtemps, il disait que les Modeselektor étaient insupportables, qu’ils se la pétaient… En ailiers, j’ai un peu honte, enfin non, j’aime bien 2 Many DJ’s, ils partent dans tous les sens, imprévisibles. Devant, un Anglais, DJ EZ. C’est une légende du UK Garage, il envoie du pâté, ça va super vite, ça ferait un bon buteur. Et en meneur de jeu, bon il y a le morceau Riquelme de Lukid, mais faut pas déconner, Lukid c’est bien, mais pas de là à en faire un meneur de jeu. Non, le meneur, paix à son âme, c’est Mark Bell (moitié de LFO, ndlr). Il met tout le monde d’accord, il a inventé trop de trucs, c’est le patron.

Bah non, les 2 Many c’est deux frères, ça fait 7 (rires) ! En joker, je dirais Cubenx. Bon, c’est un pote, mais c’est surtout un DJ ultra efficace, techniquement propre, il peut jouer n’importe quand, n’importe comment, il s’adapte à tout. Quant à l’entraîneur, forcément un ancien… je dirais Kraftwerk. Non ! Juan Atkins. C’est quand même le mec qui a inventé la techno, le mot techno même. Parce qu’avec Kraftwerk, je pourrais remonter trop loin, jusqu’à Léon Thérémine.

J’y ai pensé ! J’adore, c’est un mec qui a inventé trop de trucs, mais je ne suis pas expert, et puis Mark Bell, par exemple, c’est un mec qui me touche plus. Pourtant, Aphex, il avait déjà réussi à capter le visage de Ribéry sur ses pochettes (rires).

Bah dans les tribunes, forcément. C’est ces gens-là qui m’ont nourri, je ne suis que leur supporter, celui qui va jouer le dimanche. Peut-être qu’un jour, j’aurai l’honneur de me retrouver sur le terrain avec eux…